Pourquoi la Coupe du Monde à 48 équipes est une très mauvaise idée

48 équipes au lieu des 32 habituelles, voilà la réforme adoptée à l’unanimité mardi matin par la FIFA. En ouvrant encore plus la plus prestigieuse des compétitions internationales, Gianni Infantino vient-il de tuer la Coupe du Monde ?

La FIFA rassemble actuellement 211 fédérations, de l’Allemagne aux Îles Cook. L’organe dirigeant du football mondial reconnaît plus de pays que l’Organisation des Nations Unies. Un chiffre impressionnant, très représentatif du caractère universel du football. C’est en se basant sur ce constat que le nouveau président de la FIFA a milité en faveur d’une Coupe du Monde à 48 équipes depuis plusieurs mois. Et ce mardi 10 janvier 2017, Gianni Infantino a obtenu gain de cause.

A partir de 2026, quasiment un quart des équipes nationales se retrouveront pour disputer la Coupe du Monde. Cette augmentation du nombre de participants s’accompagne forcément d’une réforme du format de la compétition, qui présentera désormais 16 poules (!) composées de 3 équipes, les deux premiers étant qualifiés pour le tour suivant. Nous aurons donc droit à 80 matchs étalés sur 32 jours. Chouette.

Inquiétude sur le terrain et en dehors

L’Euro 2016 l’a prouvé, élargir le nombre de participants à une compétition se fait forcément au détriment du niveau de jeu. Voir évoluer des petites nations est certes sympathique, mais provoque une dégradation de la qualité de jeu globale. Les principaux bénéficiaires de cette réforme sont les zones Afrique et Asie, qui gagneront chacun 4 qualifiés supplémentaires.

La Coupe du Monde va donc ouvrir ses portes à de nombreuses « petites » nations foot, qui viendront prendre des étoiles plein les yeux avant de rentrer sagement chez eux. De bonnes surprises émergeront forcément, à l’image de l’Islande cet été, mais il suffit de se rappeler du nombres hallucinants de matchs fermés que l’on a vu cet été pour comprendre que l’expression « Plus on est de fous plus on rit » ne s’applique pas au football. Il est en effet difficile de passionner les foules avec un affrontement entre deux obscures sélections exotiques, Coupe du Monde ou pas. En privilégiant la démocratisation à l’élitisme, Infantino et ses collèges viennent de nous assurer de longs moments d’ennui.

On va bien s’amuser!

Outre la question sportive, se pose également la question de l’organisation de la compétition. De nombreuses voix s’élèvent pour faire remarquer qu’une infime poignée de pays dispose des moyens logistiques nécessaires pour organiser une Coupe du Monde à 48 pays. La solution la plus probable (et la plus évoquée du côté de la FIFA) est un co-organisation de l’événement entre plusieurs pays voisins. L’Amérique du Nord est pour l’instant favorite.

Ce nouveau format de compétition paraît également défavorable aux fans, qui prendront le risque de repartir chez eux après seulement deux matchs et des milliers de kilomètres parcourus. Enfin, même si l’idée d’inviter des pays en voie de développement à la fête est louable, on ignore si la FIFA fera un effort sur les prix de billetterie afin d’ajuster ses tarifs aux moyens des fans des pays plus modestes. Enfin, comme évoqué plus haut, le téléspectateur moyen devrait frôler l’indigestion de foot avec pas moins de quatre matchs par jours.

Argent et pouvoir

Cela ne surprendra personne, la réforme de la FIFA répond beaucoup plus à une logique financière qu’humaniste. Plus d’invités pour plus de revenus. Les premiers prévisionnels font état d’1,6 milliards d’euros de bénéfices supplémentaires en cas de Coupe du Monde à 48, divisés entre marketing, revenus de l’événement et juteux droit TV. Nul besoin d’être économiste pour comprendre que Gianni Infantino cherche à augmenter les parts de marché de la FIFA dans des pays qui n’ont encore jamais été conviés à la grande messe du football mondial.

Lancée dans une logique de développement footballistique effrénée, la Chine et ses 1,4 milliards d’habitants fait notamment de l’œil au président de la fédération. Qui ne dit pas que l’Inde lancera également une grande politique de « footballisation » dans les années à venir afin de décrocher un ticket pour la Coupe du Monde ? En ouvrant les portes de la Coupe du Monde, la FIFA est assurée d’encore plus remplir ses caisses.

Une nouvelle ère s’ouvre

Outre les profits économiques assurés par cette refonte, l’ancien bras-droit de Michel Platini s’est très certainement assurée une réélection en 2019. Avec ce geste d’ouverture vers le reste du monde, Gianni Infantino a flatté les intérêts des petites fédérations. Dans la lignée politique de Sepp Blatter avec ce geste, Infantino risque de faire très mal au prestige du football de sélections nationales.

Les prochains mois nous permettront d’y voir plus clair sur cette réforme et sur l’organisation logistique d’un tel événement. On ne que déplorer que le football évolue vite, très vite. Ces nouvelles Coupes du Monde permettront la naissance de nouvelles générations de fans à travers le monde. Ces nouveaux venus suffiront-ils à compenser la disparition progressive de la compétitivité qui faisait jadis la magie de cette compétition ? Rien n’est moins sûr.