À la découverte du collectif Orfèvre, la nouvelle aventure d’Espiiem

Il était assurément l’un des artistes les plus prometteurs de sa génération, grâce à un rap très sobre et spirituel. Mais Espiiem, de son vrai nom Muhammad, a décidé de mettre sa carrière de côté. Il consacre maintenant toute son énergie au label Orfèvre qu’il a lui-même lancé, afin de pouvoir développer des artistes dont il aime le travail.

Orfèvre c’est le fruit du travail de toute une équipe composée “entre autres” d’attachés de presse, réalisateurs, photographes, “diggeurs” qui suivent le rappeurs depuis plusieurs années. Orfèvre se lance donc dans la production musicale avec un studio et une structure artistique, offrant aux artistes du label la possibilité de travailler à leur aise et d’établir des connexions avec tous les autres artistes de passage au studio, voire parfois de collaborer ensemble. “Le label c’est vraiment: développer de nouveaux artistes avec une bonne partie de producteurs, ce qui se fait assez rarement. L’idée principale c’est de révéler des artistes dont on aime le travail” nous confie le directeur artistique d’Orfèvre.

Mais avant de pouvoir produire ces artistes, faut-il les trouver. Alors en dehors de leur cercle de toujours, les membres d’Orfèvre scrutent les YouTube, Soundcloud et autres Bandcamp afin de tomber sur la perle rare qui viendrait s’ajouter au roster du label. Quand ce n’est pas Orfèvre qui vient aux artistes, ce sont les artistes qui viennent au studio faire des enregistrements. Quand le coup de foudre musical a lieu, le label et l’artiste travaillent ensemble à développer une collaboration.

C’est ainsi que s’est construit la saison 1 de l’Orfèvrerie, dans laquelle nous pouvons retrouver plusieurs mini-EPs composés de trois titres chacun. Le label avait joué la carte du dynamisme en dévoilant cette première saison; étant la compilation de mini-projets d’artistes parfois inconnus du label ou membres à part entière de l’équipe. Ces EP sortaient chaque semaine chez Orfèvre pendant les derniers mois de l’année 2016. La deuxième saison sera bientôt disponible, en attendant vous pouvez (ré)écouter un des projets de la saison 1 de l’Orfèvrerie ci-dessous.

Une fois ce lancement terminé et réussi (en quelques mois, les sons partagés par Orfèvre ont atteint les 500 000 écoutes), il s’agit maintenant d’assurer la crédibilité d’Orfèvre. Leur principal objectif est de mettre en avant leur diversité artistique.

Matou et Gauthier avouent ressentir un manque de mélange d’influence au niveau du rap français. C’est pourquoi le label souhaite promouvoir la diversité musicale, apporter un vent d’air frais dans le milieu du rap, si souvent reconnaissable. En deux mots, quelque chose d’un peu plus “respirable, ouvert” afin de toucher un plus grand public et d’amener différents univers dans le hip-hop. Chaque artiste a sa singularité et c’est ce qui fait la richesse du label. Tous sont libres de produire tout en gardant une spontanéité; chose très importante dans la musique.

Frame pictures & Marwan MarOne

Que ce soit aux côtés des artistes pas assez connus ou ceux qu’on connaît déjà très bien, Orfèvre est sur tous les fronts. Le label a récemment participé à l’élaboration de l’album de Deen Burbigo en assurant la direction artistique du projet. Il y a également eu d’autres travaux, notamment avec Kendrick Lamar. Aayhasis a produit pour Jay Rock la track avec Busta Rhymes, et Astronote à réalisé des prods pour Little Simz.

En plus de ça, Orfèvre est également un studio d’enregistrement professionnel, pour des artistes extérieurs ou des voix off de documentaires, ce qui permet son financement. Avoir un studio à disposition reste un luxe car il permet aux artistes de pousser d’avantage leur travail mais aussi recevoir des critiques de leur équipe, les poussant à toujours s’améliorer. Heureusement, ils n’en ont pas tous besoin au jour le jour “sinon un immeuble entier serait nécessaire !”

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Les artistes du label
  • Aayhasis, Astronote et Chileas: trois amis d’enfance du directeur artistique qui travaillaient notamment avec Jazz Connection (artistes d’Outre-Atlantique) qui leur ont apporté des contacts comme celui de Kendrick Lamar. Pour écouter l’EP d’Astronote, c’est ici, celui d’Aayhasis  et pour Chileas c’est plutôt par là.
  • Matou: ancien DJ d’Espiiem, aujourd’hui DJ et producteur chez Orfèvre. Les deux artistes se sont tout de suite entendus et sont devenus de proches amis. Matou a intégré Orfèvre de la même manière qu’Astronote, Aayhasis et Chileas. Le DJ-producteur a sorti son 3ème EP pendant l’Orfèvrerie, intitulé Conversations. Actuellement en train de travailler sur un projet plus long émanant de son univers musical, Matou collabore avec différents artistes, que ce soit des chanteurs, rappeurs, etc.
  • Sabrina Bellaouel, chanteuse néo-soul membre de l’ancien groupe d’Espiiem, semble être la seule artiste qui sorte de l’univers rap au sein d’Orfèvre. La chanteuse a réalisé son premier vrai projet avec un EP 3 titres pour l’Orfèvrerie saison 1.
  • Ynnek: rappeur backeur d’Espiiem depuis plus de trois ans et ami de longue date. Accompagné d’Astronote et de Deen Burbigo, tous les trois ont travaillé sur l’album Noblesse Oblige sorti en novembre 2015. Collaborateurs de longue date, c’est tout naturellement qu’ils ont intégré le label lors de son lancement.
  • Keight: producteur du label, sort de la Redbull Musical Academy et a été repéré via internet. Lors de la rencontre avec le directeur artistique, le courant est bien passé et l’artiste a directement intégré Orfèvre. Ecoutez son EP en cliquant ici.
  • Cruz: ingénieur du son au studio ainsi que producteur et DJ. Adepte de mélanges hip-hop/house ou musique électronique, avec notamment Aayhasis qui mixe aussi.

Toute cette diversité et liberté artistique axée tout de même sur le hip-hop permet d’obtenir beaucoup d’influences différentes. L’équipe d’Orfèvre est à la recherche de nouveaux talents encore dans l’ombre, et surtout à la recherche de talents féminin. Comme vous l’aurez remarqué, Orfèvre a déjà une artiste : Sabrina Bellaouel. En revanche, le directeur artistique avoue que trouver des femmes qui chantent en français dans le monde du hip-hop est une chose rare. Nombreuses sont les femmes qui travaillent en tant qu’attachée de presse ou collaboratrices à Orfèvre. Il est important pour l’équipe d’avoir une plus grande mixité “c’est toujours intéressant d’avoir un point de vue féminin sur ce qui est fait et un peu de voix féminines sur ce label feraient du bien…Ça apaiserait” selon Gauthier et Matou qui ne désespèrent pas quant aux recherches. (On a hâte de découvrir la concurrence à Shay !)

Il faut savoir que beaucoup de chanteuses françaises chantent en anglais, ce qui rend compliqué de les faire passer à la radio en France. Des collaborations avec des artistes féminines ont déjà été faite : NxxxxxS a réalisé une track avec le groupe Girls Do It Better qui ne travaillent pas directement pour le label; mais cette collaboration montre une petite avancée (bien qu’elles chantent en anglais).

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Récemment, le label-studio a lancé des appels à candidatures mais principalement dans le but de développer quatre rappeurs. Espiiem souhaite consacrer son temps à ce nouveau projet : pousser quatre jeunes artistes sur le devant de la scène hip-hop. Le choix de quatre artistes amène automatiquement à repenser à Cas de Conscience, le premier groupe constitué de quatre personnes dans lequel Espiiem était. Le rappeur compte bien dégotter des artistes à fort portentiel, issus d’univers différents. Trois personnes sont déjà retenues parmi ces quatre rappeurs dont Casaway qui a réalisé sa première scène au Ninkasi à Lyon en février. Le rappeur, arrivé peu de temps avant l’annonce, a assurément été un déclic pour Espiiem.

Qui dit nouvelle année dit nouveaux projets. L’année 2017 donnera lieu à une saison 2 pour l’Orfèvrerie ainsi que la sortie de trois ou quatre vrais albums d’artistes affiliés à Orfèvre; version CD et digital. Avec toujours pour but de développer l’artiste en question et de sortir un ou plusieurs clips pour voir ce qu’il peut donner sous le feu des projecteurs.

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Attention, les artistes ne seront pas seulement mis en avant par des albums et quelques clips: le label prévoit des Orfèvre party! Ces concerts permettront ainsi aux artistes d’aller à la rencontre de leur public, de se faire plaisir pendant leur live sur scène et permettront à l’ensemble de l’équipe de voir ce que chacun est capable de donner. Il devrait y avoir une petite tournée du label en France vers Octobre en 2017. Aux grands fans de culture hip-hop: l’équipe souhaite développer des soirées hip-hop, qui se font rares dans la capitale. C’est une manière pour tous les artistes de passer de bons moments avec le public ainsi que tout les membres du label au sein duquel un réel esprit de famille s’est installé.

“L’objectif premier est de se faire kiffer, produire la musique qu’on aime, la rendre audible à un maximum de personnes. Et que le maximum de personnes puissent avoir accès à notre musique, notre univers et puisse potentiellement kiffer.” Matou

Ce n’est pas sans regrets que Matou parle d’Espiiem et de son envie de mettre en pause sa carrière, car il est pour lui “l’un des meilleurs rappeur de sa génération” ou “Dumbledore” ajoutait son directeur artistique. Mais rien n’est irrémédiable ni gravé dans le marbre concernant la parcours musical de Muhammad qui, pour l’instant, aspire à développer le label et à pousser sur le devant de la scène les étoiles montantes du hip-hop français. Ce n’est que le début d’une longue histoire pour Orfèvre qui souhaite évoluer sans sauter d’étapes, en faisant des tournées dans des salles de plus en plus grandes, “Zénith en deuxième lieu quoi !”

Frame pictures & Marwan MarOne

Pour écouter tous les EP des artistes, c’est ici ; vous pouvez aussi aller faire un tour sur le site d’Orfèvre ou sur la page Facebook du studio-label.