Le tabagisme demeure un sujet sensible dans le sport de haut niveau.
“Je fume et je n’ai pas honte de cela. Tout le monde le sait. Je sais que je suis censé donner le bon exemple, j’ai deux enfants. Mais je dois seulement faire mon travail, je suis un joueur de foot, et c’est ce que je fais. Tout le monde sait que je fume, je ne peux pas le cacher, mais je n’en ai pas honte”. C’est par ces propos que Radja Nainggolan a répondu à ses détracteurs dans les colonnes de la Gazzetta Dello Sport cette semaine. Le milieu de terrain belge de la Roma rejoint la longue liste des footballeurs dont le tabagisme est de notoriété publique. Dans une époque qui se veut de plus en plus lisse et où l’image des sportifs professionnels est de plus en plus contrôlée par les agents et autres conseilleur en communication, se griller une clope devient un geste qui flirte avec la transgression.
Une habitude répandue depuis longtemps
Quel est le point commun entre Zinédine Zidane, Laurent Blanc, Fabien Barthez, Gianluigi Buffon, Marco Verratti, Jack Wilshere, Jérémy Mathieu, Mario Balotelli, Wayne Rooney, Andrea Raggi, Dimitar Berbatov, Philippe Mexès, Ashley Cole ou encore Wayne Bridge ? Ces joueurs ont tous été surpris en train de fumer durant leur carrière. De nombreux autres footballeurs partagent sans aucun doute la même habitude, mais ont été plus vigilants, en réussissant à se cacher des caméras et des photographes. Malgré leur statut d’athlètes professionnels, beaucoup de joueurs ne résistent pas à la tentation de la nicotine.
Ce phénomène n’a toutefois rien de nouveau. Dès les années 50, Raymond Kopa devenait l’égérie de la marque Camel via une campagne restée culte : “Camel, la vraie cigarette des vrais fumeurs”. Quelques décennies plus tard, Johan Cruyff s’accaparait la figure mythique du footballeur-fumeur. Le Hollandais Volant fumait un paquet par jour lors de sa carrière de joueur, jusqu’à trois lorsqu’il entraînait le FC Barcelone. Cruyff fumait partout et tout le temps, y compris dans les vestiaires, comme le relate Cherif Ghemour dans son extraordinaire ouvrage Johan Cruyff, Génie Pop et Despote : “Son comportement de diva ne choquait pas. Tout lui était autorisé, y compris fumer ses Camel sans filtre à la mi-temps”.
Conscient de la dangerosité de sa consommation de tabac excessive, Cruyff arrêtera la cigarette vers la fin des années 90 et participera même à un spot de prévention anti-tabac pour le département sanitaire catalan. Le Prince d’Amsterdam décèdera le 24 mars 2016 des suites d’un cancer des poumons.
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La société a évolué, le foot aussi
L’interdiction de fumer dans les lieux publics a tout juste dix ans. Malgré les efforts des professionnels de la santé et des services publics, la présence de la cigarette à la bouche des personnalités du showbiz, de la politique et du sport est restée très longtemps d’actualité. Fumer faisait partie des habitudes de vie de tout un chacun, du comptable de province au sportif pro. La dimension physique du foot ayant pris de plus en plus d’importance avec le temps, les joueurs ne peuvent plus se contenter d’être simplement des artistes. Ils doivent également être de véritables athlètes.
Les exigences du haut niveau ne sont plus les mêmes que lors du siècle passé. C’est pourquoi de nombreux entraîneurs condamnent fermement le tabagisme chez les joueurs. Alors que ces derniers tentent parfois de se défendre en évoquant les effets relaxants de la cigarette, la majorité des coach ne supportent pas voir leurs protégés la clope au bec. Arsène Wenger avait sévèrement sanctionné Wilshere lorsque l’international anglais avait été aperçu en train de fumer à Las Vegas. On sait également que Laurent Blanc avait essayé de sermonner Verratti lorsque ce dernier avait été photographié cigarette à la main. Sans grand succès, le Petit Hibou étant toujours un fumeur régulier.
De jeunes adultes comme les autres ?
On a souvent tendance à l’oublier, mais malgré la célébrité et les millions, les footballeurs restent des jeunes comme les autres. Selon l’INPES, en 2014, 44,8% des jeunes hommes français entre 20 et 25 ans étaient des fumeurs réguliers. Dans la tranche d’âge 25-34, le pourcentage était de 43,8%. Quasiment un jeune adulte de sexe masculin sur deux fume régulièrement. En voyant ces chiffres, pas étonnant de constater la consommation de tabac chez de nombreux joueurs pro. La vie mondaine des footballeurs est de plus en plus scrutée, ces derniers allant régulièrement en boîte et en soirée. Des lieux et des milieux où fumer est une norme sociale.
Plus que la dangerosité du geste de fumer en lui-même, ce qui pose problème aux professionnels de santé est l’image renvoyée par les footballeurs aux jeunes générations. Les joueurs sont des personnalités publiques est les associer à la cigarette dérange. Etant pour la plupart en parfaite condition physique, les joueurs qui fument arrivent à répondre aux exigences du haut niveau. Le problème posé par la cigarette dans le football serait donc plus insidieux.
Il serait néanmoins regrettable de tomber dans l’accusation pure et dure. Un joueur de football, comme n’importe qui, fume s’il en a envie. Mais à la manière d’un adolescent qui le cache à ses parents, le footballeur professionnel cache son petit plaisir à la société.