Des addictions à la consécration, Mac Miller revient de loin

Le kid de Pittsburgh en a fait du chemin depuis son tout premier projet audio. De But My Mackin’ Ain’t Eazy jusqu’à son album The Divine Feminine sorti en septembre 2016, le public n’est pas en reste.

Décrit par Donald Trump comme le nouveau Eminem, sa route vers l’indépendance fait de lui l’un des artistes les plus prolifiques de sa génération. Et pourtant, peu de gens connaissent le chemin sinueux qu’a traversé Mac Miller ces dernières années. Un succès précoce, les drogues, l’alcool, et une sensibilité artistique qui affecte quotidiennement son travail, le jeune rappeur revient de loin mais en est-il sorti indemne ?

« Pursuit to be happy, only laughing like a child »

Les bras parsemés de tatouages, une barbe rousse, la clope au bec, un piercing au nez, la casquette vissée sur la tête et un sourire qui cache bien des cicatrices, c’est ainsi que l’on pourrait décrire Mac Miller aux premiers abords. De son vrai nom Malcom McCormick, le jeune rappeur est né en 1992 à Pittsburgh en Pennsylvanie. Sa mère, dont il est extrêmement proche, est photographe de confession juive.

Dès l’âge de six ans, il commence à s’intéresser à la musique. Réel autodidacte, il va très vite apprendre à jouer du piano, de la batterie, de la contrebasse et de la guitare. Il écrit ses premiers textes à l’âge de dix ans, mais ce n’est qu’à quinze ans qu’il décide de se lancer dans le rap, au détriment du sport qu’il pratique et qui joue une place importante dans l’histoire de sa ville natale.

À cette époque Malcom est influencé par Big L, un rappeur de la scène underground américaine de Harlem, assassiné en 1999 dans un drive-by shooting (tout comme Tupac et Biggie). Mac Miller, en hommage, se fait tatouer sur son bras “street struck” l’un des titres phares du défunt rappeur. Il frappe aussi les esprits avec un sample du mythique freestyle Jay-Z/Big L sur le son “On Some Real Shit” issu de la mixtape The Jukebox : prelude to class clown sorti en 2009.

Au début de sa toute jeune carrière, il arpente les soirées freestyle à la « Rap Contenders » pour se faire un nom. C’est lorsqu’il fait son entrée à la Taylor Allderdice High School qu’il rencontre Beedie. Les deux jeunes rappeurs vont former le duo “the Ill Spoken”. Une sorte de délire d’ado pré-pubère qui fument de la weed et qui portent des fringues extra-larges. Leur look et leurs lyrics virevoltant ne les empêchera pas de faire notamment la première partie de Soulja Boy lors de sa venue à Pittsburgh en 2008.

Ils sortent leur unique mixtape How High : oubliée avec le temps, c’est une petite pépite musicale qui nous montre qu’à seulement seize ans, Mac Miller avait déjà l’étoffe d’un grand. Un an plus tard, il balance à ses fans deux projets solo, High Life et The Jukebox : prelude to class clown. Une hyper-productivité qui l’emmène à signer chez Rostrum Records l’année de ses dix-huit ans et qui lui offrira ses plus gros hits, tapes et albums jusqu’en 2014, date à laquelle il rompt son contrat avec le label. L’enfant prodige de Pittsburgh connait alors un succès fulgurant. Hits sur hits, il enchaine les succès et les rentrées d’argents. « Je ne prends pas beaucoup de jour de repos pour ne pas dire aucun […] on a fait au moins 400 concerts ces deux dernières années » expliquait-il ainsi à Booska-P en 2012.

K.I.D.S, Best Day EverOn And On And Beyond, Blue Side Park (son premier album se classant numéro 1 au Billboard 200) et puis sa tournée “The Incredibly Dope Tour … Une vie à cent à l’heure parfois difficile à supporter pour un gamin à peine sorti de l’adolescence. Il se réfugie alors dans la drogue et l’alcool pour palier au stress et à la pression.

Il tente ainsi de prendre le contrôle de sa vie en s’émancipant, à seulement 18 ans. Et qui aurait pu l’en empêcher ? Il souhaite s’éloigner de chez lui et part donc vivre à Los Angeles, totalement à l’opposé de sa ville natale, Pittsburgh. L’euphorie, l’excitation, l’envie de tester ses limites et de découvrir de nouvelles choses l’emmènent vers une pente très glissante à laquelle il n’était de toute évidence pas préparé. Après tout, il était libre et avait de l’argent à claquer. Il emménage donc dans une somptueuse villa avec ses amis sur les hauteurs de la ville.

« Avoir de l’espace tel que celui-là a un pour et un contre » explique-t-il dans le documentaire qui lui est consacré « Stopped Making Excusing » réalisé par The Fader.

La solitude et l’influence de ses nouveaux amis l’emmènent à très vite déchanter. Il se renferme sur lui-même, l’argent qu’il gagne part dans de nombreuses drogues. De la weed principalement, mais aussi de la cocaïne et des substances beaucoup plus dures. « La weed ne me relaxait plus. Elle me rendait encore plus paranoïaque. J’avais besoin d’une drogue qui me défonçait plus […] ce qui a déclenché tout ça c’est aussi parce que je déteste être sobre » continue-t-il d’expliquer dans le documentaire.

Mac Miller se réfugie aussi dans la codéine, une drogue puissante que de nombreux rappeurs prennent aux Etats-Unis sous la forme de sirop (syrup). A$AP Yams, fondateur emblématique du A$AP Mob en est décédé en janvier 2015. Dans certaines vidéos, il en boit en compagnie du rappeur French Montana, conscient de l’image qu’il dégage : « Je sais ce que vous pensez et je ne vous suggère pas d’en prendre. Ne le faites pas, les rappeurs le font mais vous restez à l’école et ayez des bonnes notes », dit-il dans l’une d’entre elle.

Dans une autre, son ainé lui conseille d’y aller doucement s’il souhaite être en état de continuer à assurer ses concerts. Dans l’indifférence la plus totale, le rappeur va en boire un autre verre. Et cette nouvelle occupation va lui jouer des tours : en 2011, dans l’état de New-York, il est arrêté pour possession de cannabis. Il avoue aussi lors d’une interview donnée à The Breakfast Club, une émission de radio new-yorkaise, avoir oublié les paroles de ses chansons lors d’un concert parce qu’il était trop défoncé.

« Des fois la drogue te fait oublier plein de choses […] je ne me rappelais plus des paroles alors on a turn-up avec le public »

Le moment le plus alarmant de cette phase sombre de sa vie, c’est sans doute lorsqu’il décide de se filmer dans sa baignoire totalement habillé, lunettes de soleil et bonnet sur la tête, tentant de se justifier de ce qu’on pouvait dire de lui à cette époque. Qu’il était devenu un junkie paranoïaque. Et le paradoxe est qu’alors qu’il est dans sa baignoire, tentant de démonter les arguments de ses détracteurs, il n’est pas bien compliqué de voir que le jeune rappeur était entièrement sous l’emprise de substances. En 2013 il décide d’annoncer publiquement sa dépendance à la Purple Drank. À ce titre, on peut noter qu’il y a un énorme parallèle entre Mac Miller et Macklemore. Hormis le préfixe « Mac » qu’ils ont en commun, les deux artistes ont tous les deux été dépendant à la codéine.

Le rappeur de Seattle a par ailleurs sorti en 2011 le morceau “Otherside” qui parle de l’influence de la drogue et du hip-hop sur le public en prenant l’exemple de Pimp C, retrouvé mort dans sa chambre d’hôtel en 2007 à Los Angeles après avoir fait une overdose due à la lean.

« Il voulait juste agir comme eux, il voulait juste rapper comme lui (Lil Wayne), nous sous-estimons la puissance et les effets que nous avons sur ces enfants » – “Otherside”

Pourquoi évoquer Macklemore lorsque l’on se focalise sur Mac Miller ? Et bien car c’est le premier morceau qui met en lumière ce sujet de plus en plus banal aux Etats-Unis mais pas des moins dangereux. En quelque sorte, Macklemore a vécu la même traversée du désert que Mac Miller quelques années avant ce dernier.

Le rappeur de Pittsburgh en était donc arrivé à un point d’autodestruction. Une forme de suicide intellectuel et social qui se retrouve dans ses sons. Et réussir à exprimer ses moments sombres dans chaque période de sa vie et d’avoir pu faire la transition dans sa musique entre le moment où il est passé de passif à acteur de sa propre vie, c’est ce qui fait toute sa grandeur.

« Est ce que la drogue a influencé mes albums ? Absolument. Sont-ils géniaux ? Absolument »

Très clairement, Mac Miller ne serait pas Mac Miller sans les drogues. Cela peut-être une bonne, comme une mauvaise chose. Peut-être que sans cela, il n’y aurait pas eu tous ces albums, tous ces sujets, toute cette inspiration. En réalité sa musique prend un tournant à la sortie de Macadelic le 23 Mars 2012. Pour sa septième mixtape, on découvre une part du rappeur encore méconnue. Beaucoup plus obscure avec des productions plus brutes et moins lisses que ses précédents projets. Macadelic reflète l’ambiance globale dans lequel se trouvait le rappeur à cette époque.

Terminé, la musique commerciale : dans ce nouveau projet, Mac Miller, se retrouve dans un trip plus agressif avec des sons qui ont marqué les esprits comme “Loud”, “Lucky Ass Bitch” ou “Thoughts From A Balcony” par exemple. Le rappeur pour la première fois de sa carrière ose sortir de sa zone de confort. Quelques mois plus tard le tournage de sa nouvelle émission commence avec Mac Miller and The Most Dope Familly. Une télé-réalité tournée à la manière de la famille Kardashian où il est mit en scène, lui et ses potes dans sa vie de tous les jours.

Du karting en passant par la pêche, mais aussi par la confection de son prochain album Watching Movies with the Sound Off qui se classa troisième au Billboard 200 lors de sa sortie en 2013. Un projet dans la lignée de Macadelic produit par Earl Sweatshirt, Pharrell Williams, Diplo, Tyler The Creator, et Larry Fisherman (son alter ego) entre autre.

 « WMWTSO est imprégné par ses mauvaises années et par les influences musicales de ses nouveaux amis […] l’album réintroduit Mac Miller comme un toxico philosophe dont le talent a été mis de côté »

Selon le célèbre Pitchfork qui lui a attribué une note de 7/10 et qui décrit ce nouveau projet comme un «bond artistique» pour le rappeur qui ose parler de ses expériences/mésaventures avec les substances. “The Star Room” introduit l’album et donne le ton : une rétrospective sur sa vie, la pression qu’il a subit, sa dépendance à la lean et ses problèmes de poids que ce dernier a engendré à cause de sa consommation excessive.

« All these backfires of my experiments with drugs” – “The Star Room”

Certains de ses tous premiers fans se perdent dans ce nouveau style musicale, alors que d’autres rejoignent le mouvement en découvrant un artiste doté de ressources encore inexploitéesqu’ils avaient sous-estimés à ses débuts. Une souffrance qu’il met en scène et qu’il exprime par le biais de sa musique. Le rappeur essaie de se voir comme une personne normale qui apprend de ses erreurs.

En 2014, Miller sort son nouvel album Faces après quelques projets balancés à la volée par-ci par-là ; Delusional Thomas et Live from Space (reprenant les titres de son précédent album en acoustique et avec un orchestre). Dans cet album, le rappeur revient sur ses addictions dans le son “Polo Jeans” en feat avec Earl Sweatshirt et Ab-Soul. Et qui de mieux que Earl Sweatshirt pour l’accompagner sur ce morceau ? Lui, le kid de seize piges qui, avec son crew Odd Future, ont tourné, il y a quelques années maintenant le clip le plus NSFW de toute une décennie.

« Went from weed and liquor to the coke and lean” – “Polo Jeans”

Dans ce titre, Earl et Mac reviennent sur les critiques qu’ils ont essuyés à propos de leur musique. “Polo Jeans” prend alors une toute nouvelle dimension. C’est l’une des premières fois qu’il mentionne son problème lié à la cocaïne, sujet encore tabou et, bien sûr, moins bien perçu que lorsque l’on prend de la codéine ou de la weed. Dans “Here We Go”, le son sonne comme une revanche qu’il prend sur ses détracteurs. “I’m just a human let me makes mistakes” / “I’m not perfect but they ain’t either” “Je ne suis qu’un être humain laissez moi faire des erreurs / Je ne suis pas parfait, eux non plus

« Je suis passé par tellement de choses émotionnellement et mentalement que je ne peux pas agir comme si de rien n’était »

Aujourd’hui, Mac Miller est heureux. Sa force il l’a puisé dans ses amis pour reprendre sa vie en main. Il voyage entre Los Angeles, Pittsburgh et  New-York, où il vient à peine de s’installer. Son dernier album en date The Divine Feminine est une ode à l’amour, la joie et la gaieté qui pourrait être dédiée à sa nouvelle petite amie, Ariana Grande.

« Quelqu’un m’a demandé ce qu’il me restait à retranscrire, maintenant. J’ai ressenti le besoin de parler d’amour, parce que je n’ai jamais creusé dans cette veine jusque-là » confie-t-il au magazine I-D.

Dans cette interview c’est une leçon de vie qui nous montre à quel point Malcom a évolué. Il est désormais plus mature et déborde d’amour. Un gars affectif touché par une grande sensibilité et qui tente de nous prouver qu’il est une personne comme toutes les autres. Ses erreurs il en a fait une force d’avancer. C’est devenu sa drogue. Ne pas fermer les yeux sur son passé, en construisant quelque chose de stable à partir des vestiges de sa vie antérieure.

Désormais sa philosophie de vie s’apparente à celle de DJ Khaled. Une nouvelle religion ? Non, plutôt une vision parfaite d’un monde sans douleur. Une utopie qui pourrait très bien se concrétiser. Dans cette continuité et dans cette perpétuelle évolution, le rappeur nous laisse prévoir le meilleur pour ces futures années. S’élevant à chaque nouveau projet, il arrive à susciter l’engouement chez les jeunes comme les anciens.

Il est alors difficile de le considérer comme un simple rappeur. Il faut désormais le voir comme un Artiste avec un grand « A ». C’est donc un nouveau Mac Miller qui s’offre à son public, pour le plus grand plaisir de tous.

Vous pouvez retrouver Mael sur Twitter.