© Jean Counet

Pourquoi le retour d’Orelsan est une bonne nouvelle pour le rap français

Alors que son troisième album intitulé La fête est finie verra le jour vendredi, le retour d’Orelsan aura pris du temps, puisque son dernier album solo est sorti il y a plus de 6 ans. Pour autant, la sortie de La fête est finie est l’un des évènements de cette fin d’année dans le rap francophone.

Tout vient à point à qui sait attendre. Voilà un dicton que les fans du rappeur caennais ont eu le temps d’expérimenter. Orelsan, Aurélien Cotentin de son vrai nom, n’est jamais resté loin du rap puisque dans ce laps de temps son actualité s’est résumée majoritairement à son groupe Casseur Flowters qu’il a crée avec Gringe. Ainsi, les deux potes ont pu dévoiler leur premier album en 2013 qui se nomme sobrement Orelsan et Gringe sont les Casseurs Flowters. Par la suite, Orelsan s’est même lancé dans un projet cinématographique intitulé “Comment c’est loin” dont il réalisera notamment la B.O. avec Gringe, tout en lançant dans le même temps sa marque de vêtements nommée “Avnier” (dérivée de l’expression “avant-dernier”, aux côtés de Sébastian Strappazzon). Vous l’aurez compris, Orelsan n’a pas chômé, malgré 18 mois très calmes concernant son actualité lors desquels il préparait ce nouvel album. A 35 ans, c’est désormais avec une expérience nouvelle qu’il s’apprête à faire son retour musical, avec l’ambition de boucler la boucle d’un trio d’albums qui se veulent respectivement marquants pour leur époque.

Si ce nouvel album est tant attendu, c’est avant tout grâce à ses deux premiers longs formats solo qui sont de véritables ovnis dans le rap hexagonal. Il y a tout d’abord le brûlant Perdu d’avance qui s’était offert un buzz retentissant sur le web, notamment grâce (ou à cause) du sulfureux “Sale Pute” où Orelsan rédigeait une pluie d’insultes à l’une de ses ex aux moeurs légers et dont la brutalité des propos avait choqué l’opinion publique. Dès lors, le nom “perdu d’avance” prenait tout son sens. Dans ce premier album lâché à 25 ans, Orelsan ne prend aucune pincette pour nous raconter son quotidien, se désignant ouvertement comme “raté”, sous l’emprise de la drogue, de l’alcool, de la morosité et surtout des doutes quant à son avenir. Doué d’une plume provocante mais surpuissante à l’image du célèbre “Jimmy Punchline“, la musique du jeune homme sonne comme une bouffée d’air frais loin des clichés du gangsta rap, qui régnait encore en maitre sur la scène rap de l’époque. En ses propres mots, c’est un rap pour “les gens différents, les feignants, les déviants“, un rap qui se veut générationnel.

Trois ans plus tard, c’est l’album Le chant des sirènes qui fait son apparition, un second opus plus mesuré, plus sage, plus mûr, dans une logique évolutive qui voit Orelsan s’affirmer comme un artiste polyvalent. Il réaffirme ses talents de kickeur et sa relation avec le rap en forme de “je t’aime moi non plus” sur les morceaux “1990” et “2010“, tout en montrant l’influence de la chanson française sur son oeuvre, avec par exemple “La terre est ronde“, le single phare du projet. Désormais, Orelsan n’est plus cet ovni underground mais une véritable star qui s’offre un disque d’or en 4 semaines et un disque de platine en 7 mois. Pour autant, Le chant des sirènes n’en oublie ce qui a fait le succès initial d’Orelsan, c’est ici simplement le témoignage d’une évolution naturelle du rappeur où ses influences vastes sont assumées, où sa colère et sa provocation sont remplacés par des confidences bien plus personnelles.

Vendredi dès minuit, les fans pourront découvrir une nouvelle facette de l’artiste. Une nouvelle mise en musique de son évolution et de son ascension qu’il a toujours évoqué avec beaucoup d’honnêteté et de simplicité qui le rend sans doute encore plus connecté à son public. Orelsan ne vend pas de rêve et ne parle pas de choses qu’il ne connait pas. Il se contente avec un phrasé parfois choquant, parfois drôle et parfois touchant de parler aux jeunes adultes et aux vieux ados, aux gens normaux à qui le rap et l’art globalement n’ont rendu que trop peu d’hommage à travers le temps. Et comme si ce retour ne suffisait pas pour faire brûler d’impatience ses fans, la tracklist officielle du projet a révélé des collaborations d’envergures. On découvre alors la présence de Stromae, Maître Gims, Dizzee Rascal, Ibeyi et surtout Nekfeu avec qui les rumeurs de featuring ont longtemps nourri les fantasmes. C’est donc avec des artistes radicalement différents mais tous très populaires que s’associe le Caennais, là où son second album avait pour seul featuring Gringe. Ce dernier n’est pas au rendez-vous pour ce dernier album, mais des grosses têtes d’affiche sont là et c’est une première.

Si depuis plusieurs années maintenant chaque projet auquel prend part Orelsan est un évènement tant son talent, sa personnalité et la qualité de ses albums sont au rendez-vous, La fête est finie s’offre d’ores et déjà une aura et une attente sans précédent dans la carrière de l’artiste. Le rap français a bien changé depuis 2011, date à laquelle Le chant des sirènes est sorti, une nouvelle génération s’est imposée et de nombreuses têtes d’affiche ont chuté. Symbole de son lien si singulier avec l’auditeur, le soutien et l’amour dont lui témoigne son public n’a fait qu’augmenter, même lors des périodes durant lesquelles il s’est fait le plus discret. Désormais, à lui de leur rendre la pareille avec ce nouvel album.

Certain pourront reprocher à “Basique” de ne pas forcément être le single le plus propice à un retour tant il peut s’avérer clivant dans le fond et la forme. Cela s’entend, mais finalement qu’importe, l’attente autour de ce nouvel album aurait sans doute été identique au-delà même de son single. Pour la raison simple qu’un nouvel album d’Orelsan n’est pas l’occasion de découvrir le nouveau tube à la mode mais bien d’entrer dans un univers prenant et unique dont on ne ressort jamais comme on y est entré. L’occasion de se projeter dans un album qui se chargera de conclure une trilogie de disques qui régale les fans depuis près d’une décennie, et qui régalera encore, dès vendredi.