©Jean Counet

Orelsan a-t-il fait ses adieux au rap avec “La fête est finie” ?

Six longues années après Le chant des sirènes, Orelsan a fait son retour en solo aujourd’hui avec La fête est finie, un troisième long format qui sonne comme son album le plus maitrisé mais aussi comme une lettre d’adieu au rap, à déjà 35 ans.

Entre son premier album Perdu d’avance et son second album Le chant des sirènes, une vraie évolution avait lieu. Orelsan passait d’un jeune loup au discours pessimiste à un jeune homme découvrant la notoriété. La colère de Perdu d’avance était remplacée en partie par des confessions et une introspection plus intéressante sur Le chant des sirènes. Ici, on découvre une évolution encore plus forte. La fête est finie est le véritable bilan d’un homme de 35 ans, qui semble enfin avoir découvert ce qu’est la vie d’adulte. Orelsan ne parle plus de double vie, évoque beaucoup moins la drogue et l’alcool au présent et s’ouvre enfin avec sincérité sur des thèmes sérieux, à l’image de sa relation amoureuse dans le superbe morceau “Paradis”.

Si ce nouvel album sonne comme un adieu (ou ad-minima comme un au revoir) au rap, c’est tout d’abord parce que La fête est finie est la fin d’une trilogie, la fin d’une saga comme il l’explique dans “San” : “Orelsan, part. trois / Le dernier volet d’la saga / ‘San’, ça veut dire ‘trois’“. Orelsan referme la porte sur une histoire débutée en 2009 et qui semble se terminer en beauté. Il est enfin en paix avec lui-même et en paix avec autrui : “J’voulais écrire pour les haineux, mais j’vais faire mieux / Écrire pour ceux qui m’aiment, eux“. Le discours de “raté”, sous l’emprise de la drogue, de l’alcool, de la morosité et surtout des doutes quant à son avenir s’est transformé en un discours beaucoup plus serein : “J’vais enfin pouvoir me poser / La réponse à toutes mes questions s’endort à mes côtés.

Si le titre “La fête est finie” est déjà en soit une référence à la fin d’une histoire, ce sentiment se renforce dès le premier track. L’album débute par le morceau “San”, qui regorge de références à sa potentielle fin de carrière dans le rap, une happy-end forcée par le temps et la maturité. Orelsan nous explique notamment qu’il “aimerai(t) retrouver la magie du début” en référence à son amour pour le rap. Un discours qui est évidemment tout sauf anodin dans de telles circonstances. Le morceau se poursuit et les références ne faiblissent pas puisqu’il enchaîne “J’essaye de feater, rester d’actualité / Sans devenir ma propre télé-réalité / J’veux pas rester figé, piégé / Dans mon personnage comme une prise d’otages à Disney / Mal vieillir comme un vieux punk / Quand tu crois qu’t’es Bart mais t’es M. Burns” et termine par “J’veux laisser mon propre souvenir / Pas faire du sous “le mec à la mode” en pourri.” Un discours qui ne laisse aucun doute sur le recul pris par Orelsan vis-à-vis du rap. Il réaffirme sa volonté de ne pas devenir ce rappeur has-been que beaucoup de légendes tendent à devenir, et donc, d’arrêter la musique avant elles.

Et si l’album est un véritable fil rouge où il évoque avec un regard nouveau de nombreuses choses de la vie et surtout du fait de vieillir avec son public et avec le rap, La fête est finie conclut ce troisième et dernier épisode de la saga avec le morceau “Notes pour trop tard”. Un morceau de 7 minutes à la fois très beau et mélancolique. Orelsan semble s’écrire à lui-même, et ainsi parler au jeune Aurélien Cotentin et le prévenir de ce qu’il va vivre et subir. Entre doutes, confession et conseil, Orelsan n’a jamais semblé aussi mûr et adulte dans son discours et son écriture. Repris de l’expression “notes pour plus tard”, le morceau aurait du rassembler un tas de notes inutiles, il en devient une véritable déclaration à coeur ouvert. Si cet album devait être le dernier, “Notes pour trop tard” en serait le plus beau discours d’adieu qu’il pouvait livrer.

Désormais, de nombreuses interprétations sont possibles quant à un adieu au rap. Un nouvel album dans quelques années, une véritable transition vers de nouveaux projets déjà entamés ces dernières années comme Avnier, un retour prochain dans le rap qui indiquerait que La fête est finie n’est en rien une fin… De nombreuses options peuvent être évoquées, mais aux vues des nombreux messages laissés par le Normand, il pourrait bien avoir dit au revoir à son public au cours des 14 tracks de ce troisième album. Une chose est sûre, La fête est finie aura tenu toutes ses promesses.