Qui profite de la réunion entre streetwear et haute couture ?

En vogue depuis 2016, le lien entre luxe et urbain a pris un tout autre sens au cours de ces dix derniers mois. Des publics de divers horizons apprécient, mais qui profite réellement de cette révolution du monde de la mode ?

Mélanger un hoodie négligé avec un pantalon et une paire de talons distingués? La recette n’est pas nouvelle. En 2017, la finalité n’est plus tant à l’excentricité et au contraste, mais se rapproche d’avantage d’une harmonie que peut apporter la réunion entre streetwear et haute couture. Et si les quelques propositions sorties durant la précédente décennie n’avaient pas particulièrement retenu l’attention, c’est pour la simple et bonne raison que celles-ci n’étaient pas apparues au bon moment, dommage.

De nos jours la haute couture tend à se rajeunir, parfois même à devenir plus accessible, pendant que le streetwear, lui, continue son ascension et cherche de nouveaux défis, abandonnant les basiques oversized pour donner la parole à de jeunes créateurs issus de la culture populaire et largement influencés par cette dernière. Les tendances comme toujours évoluent et le mélange de rue et de podiums séduit, à l’image de nombreuses collections ou collaborations qui auraient peut-être laissé le public indifférent il y a de cela 5 ans.

Précurseur de ce mouvement qui se poursuit encore aujourd’hui, c’est l’incontournable enseigne italienne Gucci qui a montré la voie, revenu sur le devant de la scène grâce notamment à la nomination d’Alessandro Michele au rang de directeur artistique. De A$AP Rocky au hypebeast de périphérie, en passant par Leo Mandella, des milliers de personnes se sont mis aux serpents et autres bandes vertes et rouges, parfois rajoutés sous la forme de customs sur des basiques unis, à l’instar du travail de Avanope devenu ultra populaire en l’espace de quelques semaines.

Sont arrivés, plus ou moins dans un même temps, bon nombre de partenariats entre de grands noms des deux horizons, desquels on retiendra évidemment des NikeLab x Kim Jones, des adidas x Alexander Wang ou d’autres collaborations à venir telles que Gosha Rubchinskiy x Burberry ou adidas NMD x Chanel. Un palmarès impressionnant certes, mais qui semble ne séduire qu’une partie infime du public, en comparaison à LA collaboration de 2017, celle qui a redistribué les rôles plusieurs mois avant sa sortie.

Supreme et Louis Vuitton, soit la réunion des leaders incontestés de leur domaine, une sorte de finale de Coupe du Monde entre la France et le Brésil ou de rencontre entre les Daft Punk et les Beatles. Pour la première fois de l’histoire de la mode, la plus grande marque de luxe s’associait avec l’emblématique enseigne de streetwear. Paris x New York, il n’en fallait pas plus pour mettre (presque) tout le monde d’accord. Mais à qui profite réellement ce renouveau dans l’industrie du vêtement et de la tendance ?

Les enjeux économiques sont bien entendu non négligeables, mais qui de Supreme, de Louis Vuitton ou de Burberry aurait vraiment besoin de renflouer les comptes, alors que LVMH ou Gucci figurent actuellement dans le top 100 des marques les plus importantes du monde, tous milieux confondus. Pour l’heure, ces grandes entreprises affichent des bénéfices mirobolants, mais qu’en sera-t-il dans 10, 20 ou 30 ans? C’est probablement dans cette volonté de durer que streetwear et haute couture ont décidé de travailler main dans la main.

Les clientèles de Louis Vuitton ou de Gucci se faisaient en effet quelque peu vieillissantes. Les résultats annuels restant toutefois loin d’être catastrophiques, c’est avec un brin d’avant-gardisme que LVMH et les autres maisons mères luxurieuses ont flairé le bon filon : séduire les clients de demain avec leurs goûts d’aujourd’hui. Toujours plus enclins à dépenser leur argent de poche pour rehausser leur image, l’adolescent n’a en 2017, plus vraiment d’appréhension lorsqu’il s’agit de claquer les 400€ reçus à Noël dans un seul et unique pull, pourvu qu’il soit hype.

La haute couture et ses têtes d’affiche l’ont bien compris. Il faut que cela soit tendance, rare et surtout cher. Le milieu urbain en profite également, dans une toute autre mesure cependant. Au-delà de la crédibilité que confèrent de telles collaborations, les monstres du luxe que sont Louis Vuitton ou Burberry pour ne citer qu’eux, ont sans l’ombre d’un doute payé le prix fort pour acquérir les meilleurs soins anti-rides du marché, parfaitement symbolisés par Supreme ou Gosha dans ces cas. Des sommes astronomiques qui pourront en effet être réinvesties dans de nouveaux projets, qui ne feront qu’améliorer l’image de ces (jeunes) marques.

Qui de la haute couture ou du streetwear profite donc le plus de la situation? Difficile à dire, tant les bénéfices paraissent partagés. Restés quelques temps loin de ces partenariats, ce sont peut-être, des designers émergents et des marques nouvelles qui semblent profiter de ce terrain si propice au mélange innovant de la rue et du milieu alternatif que représente parfois la mode. Aujourd’hui mués en superstars, notamment grâce à leurs dernières collaborations, Virgil Abloh, Samuel Ross, Demna Gvesalia et des dizaines d’autres jeunes créateurs indépendants apparaitraient aujourd’hui comme de véritables héritiers d’un coktail aussi surprenant que réussi…