Comment Joe Budden est devenu le journaliste rap le plus détesté aux États-Unis

De nombreux journalistes/chroniqueurs rap ont su, au fil des années, se faire des ennemis suite à leur propos parfois très tranchants sur les artistes. Parmi eux, Joe Budden est sans doute celui qui est allé le plus loin, faisant ainsi de lui le plus détesté aux États-Unis en matière de musique urbaine.

Les fans de hip-hop les plus aguerris le connaisse pour sa belle carrière dans le rap, notamment au sein de Slaughterhouse ainsi que pour son hit “Pump it Up“, mais tout cela se conjugue désormais au passé. En effet, l’excentrique Joe Budden est désormais journaliste/chroniqueur au service du média américain Complex. Aux cotés de DJ Akademiks et Nadeska Alexis, Joe Budden décortique l’actualité rap dans sa globalité dans le cadre de l’émission quotidienne Everyday Struggle. Oscillant constamment entre un franc parler saisissant et une mauvaise foi sans égale, Budden ne passe jamais à coté d’une opportunité de s’en prendre à un artiste, mais il en assume toujours les conséquences. Car une chose est sûre, si Joe Budden laisse parfois l’impression de rechercher le buzz en amplifiant ses réactions, il n’en a que faire d’être apprécié par les rappeurs de la nouvelle génération.

Buzz et provocations en fond de commerce

Si plus récemment il a ravivé ses conflits avec Chance The Rapper en ridiculisant le single dévoilé par ce dernier chez Stephen Colbert en déclarant “Qu’est ce que br*nle Chance ? Qu’est ce que c’est que ce genre de musique ? C’est de la polka ? Que br*nlent ces deux gars ?” ce genre de déclaration est tout sauf un cas isoléEn mai dernier, l’ancien membre de Slaughterhouse offrait un coup de projecteur sans précédent à son émission à la suite d’un débat houleux avec Lil Yachty où Budden lui reprochait notamment son impact négatif sur la culture ou encore le fait d’être constamment heureux, ce qui est impossible selon lui. Ce qui place aisément l’imprévisibilité et l’audace de l’ancien rappeur. Cette émission a de ce fait été vue des millions de fois tout en engendrant des dizaines de milliers de réactions quant au comportement borderline de l’interprète de “Pump It Up”.

Si il a régulièrement attaqué Drake ces dernières années, en déclarant que son producteur Noah “40” Shebib progressait mais que Drizzy stagnait voire régressait, il est même allé jusqu’à sortir plusieurs diss tracks sur l’artiste canadien. Plus récemment, c’est Lil Uzi Vert et Russ qui ont gouté aux analyses piquantes de Joe, notamment lorsqu’il décrivit Luv Is Rage 2 comme “trash“, ce qui se passe évidemment de traduction. Budden alla même jusqu’à insister en répétant le terme à plusieurs reprises, montrant bien qu’il ne cherchait absolument pas à minimiser ses propos. Une fois de plus, ce n’est pas tant l’avis de Budden qui crée la polémique ici, mais bien sa manière de l’exprimer. Quant à Russ, ce dernier a quelque peu manqué de respect à Nadeska selon lui, ce à quoi Budden répondit par un coup de pression qu’aucun journaliste n’aurait tenté, en expliquant que Russ s’est permis cela car il n’était pas présent. Russ lui répondra dans un morceau de manière tout aussi savoureuse “this aint no Average Joe s**t/this is everyday Russell/Joe got a day job/That’s an everyday struggle” (Ce n’est pas la m* habituelle de Joe / c’est everyday Russel / Joe a un travail quotidien / c’est une lutte quotidienne). La cote de sympathie du chroniqueur a beau être au plus bas ces derniers mois, on ne peut pas lui retirer le fait qu’il anime comme peu de monde l’actualité du rap outre-Atlantique. Qu’importe le coût.

S’attaquer à des figures populaires : les raisons de sa réputation houleuse

Si une partie des fans ont rapidement pris en grippe Joe Budden c’est pour la simple raison qu’il s’attaque spécifiquement à la nouvelle génération de rappeurs, celle qui ne ressemble en rien à 50 Cent, Eminem, JAY-Z ou encore.. Joe Budden. Ces jeunes artistes à l’image de Lil Uzi Vert ou Lil Yachty possèdent des millions de fans et sont désormais de véritables influenceurs pour la jeunesse américaine. Dès lors, lorsque qu’un ancien rappeur se permet sans remord de qualifier leur musique dans des termes les plus péjoratifs possibles dans la presse spécialisée, les fans ne manquent pas de réagir à leur tour. Si cela le rend évidemment détesté, cela a pour atout de rendre l’émission Everyday Struggle un véritable rendez-vous immanquable, dont la visibilité est portée par les frasques de Joe Budden. Et comme si cela ne suffisait pas, Budden n’hésite pas à se montrer sans pitié avec DJ Akademiks, le second chroniqueur de l’émission, en le qualifiant régulièrement de “pussy” ou tout simplement en ridiculisant ses prises de positions. Il alla même jusqu’à s’en prendre à un journaliste de Complex qui avait critiqué sa musique dans le cadre d’un article totalement indépendant à Everyday Struggle. Une attitude de quasi-tortionnaire qui renforce le désamour des fans envers lui.

Le point culminant de la relation houleuse entre Joe Budden et les artistes a sans doute été atteint lorsque qu’il ne passait pas loin de déclencher une bagarre avec Migos à la suite d’une interview coupée court. Fatigué d’entendre Akademiks dire du bien du trio alors que ces derniers ne montraient que peu d’enthousiasme lors de l’interview, Joe quitta le plateau avant la fin. Une vidéo désormais culte puisqu’à la suite de ce départ, Quavo, Offset et Takeoff semblèrent particulièrement vexés et prêts à en découdre.

Si cet incident a principalement valu au chroniqueur d’être désormais détesté par le trio d’Atlanta et ses fans, c’est aussi et surtout un nouveau buzz au compteur de Joe Budden. Selon lui, il est surtout question ici de rester vrai et de ne pas se montrer complaisant envers des rappeurs dont il n’apprécie pas l’attitude. Vous l’aurez compris, l’ancien membre de Slaughterhouse n’use pas de sa position chez Complex pour polir sa côte de popularité. Au contraire, il se déleste des hot take les plus improbables et foudroie quelconque rappeur dont la musique ou l’attitude ne lui plaît pas, sans penser aux quelconques conséquences que cela peut engendrer. Si cela génère énormément de haine autour de sa personne, certains fans n’hésitent pas à saluer son franc-parler rafraichissant, bien que cette catégorie d’aficionados du rap soit minime. Pour nous autres francophones, les frasques de Budden permettent au moins de prendre énormément de reculs sur les conflits entre rappeurs et journalistes de l’hexagone, tant les propos de Budden feraient passer les conflits entre Booba et Skyrock pour une romance hollywoodienne.

Si son statut d’ancien rappeur largement confirmé et ses relations au sein de Shady Records et Def Jam lui permettent de ne souffrir d’aucun manque de légitimité et de crédibilité, Budden s’offre peu à peu le rôle du cruel journaliste sans foi ni loi. Une chose est sûre, au vu du succès de son émission et de son comportement qui ne risque pas d’aller en s’améliorant, ne soyez pas surpris de revoir le faciès colérique de Joe Budden dans l’actualité des mois à venir.