On a rencontré le « New Michael Jackson »

Originaire de Bruxelles, Hamza a sorti son cinquième projet intitulé 1994 à la fin du mois d’octobre. Rencontre avec un artiste unique dans le paysage du rap francophone.

Views : Comment as-tu préparé ce nouveau projet, 1994 ?

Hamza : Je me suis séparé de mon ancien management, à l’époque où je me suis séparé d’eux j’avais sorti Santa Sauce. Entre Santa Sauce et 1994 y’a eu la signature chez Warner, la création du label, un petit temps pendant lequel c’est resté assez muet, dans le sens où j’ai pas sorti de son. On n’a pas entendu parler de moi entre la sortie de Santa Sauce et celle du morceau “Godzilla”, à part quelques featurings. 1994 c’est une sorte de carte de visite dans le sens où c’est un nouveau Hamza.

C’est qui, ce nouveau Hamza ?

C’est un Hamza on va dire un peu plus mature, un Hamza qui se dévoile un peu plus, qui est plus personnel. Même si ça reste du Hamza.

Du coup tu as monté ton label Just Woke Up avec Nico Bellagio. À la fois pour permettre au nouveau Hamza de s’exprimer mais aussi un peu pour une nouvelle vie, comme tu peux le dire dans le refrain de “Life” ? 

Ouais c’est un nouveau départ, une nouvelle manière de fonctionner, c’est clairement une envie d’ouvrir le spectre de mon auditoire et de parler à plus de monde, d’affirmer ce que je fais. Hamza, tout le monde connaissait mais ça restait underground. J’étais écouté, mais j’avais pas de structure qui me permettait de regrouper une base derrière moi pour mener de vrais projets. Donc je me suis lancé, ça m’a clairement fait du bien et je suis content des retours qu’il y a sur le projet donc c’est cool.

C’est une nouvelle stratégie aussi que tu mènes avec Just Woke Up, tu es patron de label maintenant, donc tu dois aussi avoir une logique plus commerciale ?

Bien sûr, bien sûr. Après, chaque coup que je fais c’est un coup qui sort de ma tête ou de la tête de Bellagio, donc si ça foire je peux en vouloir qu’à moi même, tu vois. J’ai une autre position maintenant, parce que je suis producteur de ma musique donc forcément tu réfléchis plus seulement en tant que musicien ou artiste mais en tant que businessman, parce que j’ai une société à faire tourner et bien sûr, c’est un grand changement.

Tu vis comment les premiers retours commerciaux de 1994 ?

Je suis content de ouf, c’est une très bonne première marche, je pensais même pas que j’allais faire un score comme ça. Je l’espérais tu vois, par rapport aux scores que j’ai fais par exemple sur un Zombie Life qui a été un projet commercialisé. Il y a une grosse différence et je suis super content.

Pourtant, tu as pas tant changé que ça depuis. Tu ne t’es pas exprimé entre temps, tu n’as pas eu énormément de sorties ou un gros coup qui aurait accéléré ta carrière…

Non, c’est vrai, c’est juste qu’il y a la grosse machine derrière. Tu vois, quand tu travailles avec des professionnels de la musique, avec des gens qui font ça tous les jours, ça te facilite la tâche. Grâce à eux, j’ai eu une grosse mise en avant. Je suis mieux entouré et ça m’a permis de mieux commercialiser mon projet. Ça fait du bien.

Ton projet a été reçu comment dans le milieu musical ?

Franchement, j’ai eu que des bons retours. Tous les gens qui ont écouté le projet l’ont trouvé assez bien, qu’on sentait un condensé de tout ce que j’ai pu faire auparavant, on retrouve un Hamza avec une certaine maturité, un Hamza plus personnel, donc c’est un truc nouveau aussi.

Tu as ressenti ce besoin d’être plus personnel dans ta musique ?

En fait, c’est aussi que j’ai pas ressenti ce besoin auparavant. Quand j’ai commencé à bosser sur ce projet là, j’avais pas forcément pensé à faire ce genre de trucs, et si tu veux en fait j’ai pris les conseils qu’on me donnait et les critiques objectives qu’on me faisait et je me suis dis que ça serait bien que je le fasse. Au final, je l’ai fait et je vois que les gens ont kiffé.

Particulièrement sur Life et sur 1994, qui sont deux morceaux où tu t’ouvres comme tu ne l’as presque jamais fait avant…

Je pense que les gens se sentent un peu plus proche de moi grâce à ça. Surtout que je l’ai fais sans dénaturer ce qui fait ma musique.

Qu’est-ce que tu penses du rap français aujourd’hui ?

Je pense que c’est cool, ça se passe plutôt bien, les chiffres grimpent en flèche. Je pense qu’on vit une belle époque du rap français avec cette nouvelle génération. Franchement moi je trouve que c’est super, il y a plein d’artistes que j’aime bien.

Du coup, toi qui es beaucoup inspiré par le rap américain, tu écoutes plus de rap français aujourd’hui ?

Non, j’écoute pas forcément plus de rap français mais je m’informe, je regarde ce qu’il se passe, il y a des trucs que j’aime bien mais je suis très rap US, j’écoute vraiment surtout ça.

Est-ce que tu penses que d’une façon ou d’une autre tu as participé à décomplexer le rap français, en apportant des autres sonorités ou en utilisant l’autotune ?

Ouais, un petit peu. Je pense que j’ai été un coup de marteau en plus sur le clou, Booba l’avait fait avant moi sur ses projets, il utilisait l’autotune et il chantait un petit peu, et les gens ils étaient pas trop chauds… Je voyais à l’époque quand Booba faisait ça, il y avait beaucoup de critiques par rapport à l’autotune. Je pense que j’ai participé à adoucir le truc, à le décomplexer un peu. Au final on fait de la musique hein, donc moi je comprends pas cette mentalité là.

Tu as des sonorités qui n’étaient pas forcément exploitées jusqu’ici dans le rap français, comment tu en es arrivé à utiliser ce genre de sonorités ?

C’est juste parce que j’écoutais pas ce qui se faisait dans le rap français quand je suis arrivé, parce qu’il n’y avait plus rien de bien je trouve et justement je me souviens à l’époque où je me suis révélé aux yeux du grand public, il y avait PNL aussi qui venait d’arriver donc je pense qu’à cette époque là il y a eu quelques artistes qui ont commencé à sortir et ça a changé un peu le truc. Moi j’écoute tout le temps du rap US et comme je l’ai souvent dit, c’était le moment où Young Thug était en train d’exploser avec Young Money, et je trouvais ça lourd. Du coup, je me suis dis que je pouvais surfer sur cette vague en essayant de la faire à ma sauce. (Rires)

Tu es parfois plus proche de rappeurs US undergrounds que de rappeurs français. Tu penses que ça joue en ta faveur ?

Je pense que ça bride un peu l’auditoire que je peux toucher. Mais justement, je suis là pour essayer d’ouvrir ma musique et depuis le premier jour c’est un travail que je fais et il commence à y avoir des résultats donc je ne veux pas m’arrêter là. Je veux pas me travestir juste pour que ça fonctionne, ça sert à rien. En vrai, je fais ce qu’il me plaît, je suis pas en studio en pensant aux gens, à comment ça va être reçu… Bien sûr je prends les avis et les critiques du public, parce que c’est un processus, mais quand je fais de la musique, au départ, c’est un kiff. Quand je kiffe ce que je fais, c’est là où j’ai gagné.

C’est quoi l’histoire de 1994 ?

C’est un peu tout ce parcours qu’il y a eu entre le début d’Hamza et 1994, des moments qui se sont passés dans ma vie, que ce soit avec des meufs ou des trucs plus personnels, au final ça crée un projet un peu plus personnel.

Tu souhaitais que les gens voient qui, voient quoi en écoutant ce projet ?

Je pense qu’on ressent quand même qu’il y a accès à un nouveau Hamza, surtout quand tu regardes niveau visuel, quand tu vois ce que j’ai fais avant il y a une grosse différence. C’est beaucoup plus travaillé, et on sent que c’est un nouveau Hamza. Même quand t’écoutes la manière dont le projet est mixé, les prods… C’est nouveau, tu vois. C’est beaucoup travaillé et c’est une acquisition d’expérience de tout ce que j’ai vu, entendu.

Ton but, c’est toujours de faire danser les gens et plus particulièrement les femmes ?

Je trouve que les musiques les plus chouettes sont celles où on parle de femmes. Les musiques les plus populaires, c’est celles où on parle de femmes. Moi, j’ai toujours kiffé ce discours là. Et après, la femme, c’est la femme, on kiffe les femmes frère tu vois ce que je veux dire (Rires). Ça va de soit.

On sent que maintenant, ta musique est plus dans l’émotion qu’avant sur ce point ?

Oui, c’est clair. En fait, c’est ce que je voulais. Je voulais tenir un autre discours sur ce projet. Je me suis dis “Bon, je suis là, Hamza, j’ai sorti 4 projets, j’en suis à mon cinquième, j’ai raconté ça, j’ai raconté ça et ça, qu’est ce que je vais raconter maintenant ?” et en fait, je me suis dis que ce serait bien que je parle un peu plus de toutes ces expériences que j’ai pu avoir dans ma vie, que ce soit avec les femmes où autre. En en parlant un peu plus sérieusement tu vois, pas seulement en disant “Ouais j’suis dans le club avec deux putes”, même si je le dis aussi dans le projet parce que bon, c’est un kiff. Mais par exemple dans “Vibes”, je parle d’une relation, parce que je me suis plus basé sur des expériences que j’ai eu et que je voulais plus exprimer.

Tu en parlais juste avant : tu as complètement bouleversé tes visuels, ton image, comment tu en es arrivé là ?

C’est avec le temps, le travail, je me suis intéressé à d’autres choses, quand t’es plus jeune un coup t’es intéressé par ci, par ça. Comme je suis un grand fan de rap US, j’ai remarqué sur les dernières sorties que la plupart des artistes ont des images qui sont super travaillées et que rien n’est laissé au hasard. Et c’est un truc que j’aime bien parce que je trouve ça important de dégager une image fraîche tu vois, par exemple des mecs comme PNL c’est pas forcément des mecs qui sont dans la mode ou quoi mais ils ont une esthétique propre, je pense c’est important d’être propre et que le truc soit soigné, après moi c’est un peu plus mode parce que c’est un truc que j’aime bien.

Pour toi c’est quoi l’importance du style dans le rap ?

Je sens que dans le rap français c’est pas important pour tout le monde, je vois que la plupart des mecs des cités, ils s’y connaissent pas trop, leurs artistes favoris sont pas là dedans… Dans le rap français, il n’y a pas trop ce truc de mode, pourtant en France tu as la Fashion Week à Paris… Alors qu’aux États-Unis, tu sens plus avec les jeunes artistes qu’il y a un truc, tout le monde dégage quelque chose, les mecs ont un swag, ils font plein de trucs et sont intéressés par plein de trucs, ils connaissent les créateurs tout ça… Il y a des jeunes ici tu leur demandes s’ils connaissent Balenciaga, ils connaissent pas. Il y a des gens qui connaissent vraiment rien des marques. Moi je trouve ça important parce que j’aime ça, quand je regarde les clips ricains c’est un truc qui me fait kiffer donc forcément j’y fais attention.

On voit aux États-Unis que les marques sont de plus en plus liées aux rappeurs, l’intérêt est réciproque, est-ce que c’est quelque chose qui pourrait t’intéresser à l’avenir, au delà du simple merchandising ?

Bien sûr que ça pourrait m’intéresser. C’est quelque chose qu’on voit beaucoup parce que le streetwear marche à fond maintenant et les marques sont obligées de s’accrocher aux rappeurs et aux athlètes parce que ça les fait vendre. Aujourd’hui, si Nike fait une pub pour les Air Force 1 avec juste la basket dans une vidéo, un jeune qui la regarde il s’en bat les couilles. Par contre s’il voit Nekfeu ou Playboi Carti avec la Air Force 1 là il va se dire que lui aussi il la veut…

Et s’il voit Hamza avec la Air Force 1 1994 ?

(Rires) Je sais pas, je pense que ce sera pareil !

En parlant de sneakers, ça pourrait t’intéresser aussi de travailler sur des collabs, tu kiffes ça ?

Bien sûr, je kiffe les sneakers. Donc grave.

Qu’est-ce qui te fait kiffer dans le streetwear et la mode plus généralement en ce moment ?

En ce moment j’aime beaucoup Balenciaga, RAF… Franchement il y a plein de trucs que j’aime bien. Mais ces derniers temps Balenciaga j’ai vraiment bien kiffé, la nouvelle direction artistique là c’est bien, parce que pendant un moment c’était de la grosse merde… Ils ont détrôné Gucci, ils sont passé clairement devant, ils les ont baisé frère. Gucci ça a été un peu trop répétitif, c’était cool quand ils sont revenus mais ils ont pas su se renouveler. Là Balenciaga avec la nouvelle direction artistique un peu vintage, c’est chaud de ouf.

Tu as prévu du merchandising pour 1994 ?

On avait fait du merch Just Woke Up, un truc que j’avais fait avec Alex de Youth Of Paris, on a fait une collab’ et c’était pour l’évènement de la release party de 1994. On a fait une casquette, un t-shirt et un pull. Pour le merchandising on est en train de bosser dessus avec la tournée. 

Avant, tu avais une identité visuelle plus « classique », peut être à l’image de tes références de départ dans le rap US comme 50 Cent, quel a été le processus qui t’a amené à avoir tes nouvelles esthétiques, qu’est-ce qui t’a inspiré ?

Récemment, j’avais bien kiffé le travail de BRTHR sur le dernier album de The Weeknd, j’ai beaucoup aimé ce qu’ils ont fait donc ça c’est un truc qui m’a inspiré, et du coup comme j’avais choisi le titre « 1994 », on a essayé de partir dans une direction artistique cohérente avec ce titre, un peu plus vintage comme dans le clip de Destiny’s Child, on a pris des références de plein de films, de pleins de visuels.

Ce changement il est vraiment visible quand tu sors le clip de Slowdown, c’est là que tu as vraiment basculé dans un autre style de visuels, est-ce qu’il y avait eu un élément déclencheur pour que tu changes de visuels ?

Par rapport à ce que j’ai pu faire à l’époque en fait, il y avait beaucoup de décisions que je ne prenais pas tout seul, donc il y a pleins de trucs dont j’ai pas été l’initiateur ou le preneur de décision, je ne me laissais pas guider mais voilà, c’était un peu compliqué. Maintenant je suis dans une position où je fais ce que je veux et où je peux faire ce que j’ai envie de faire, c’est pour ça, je pense, qu’il y a une différence. Là, je laisse clairement parler toute ma créativité.

Quand on observe de près ton organisation et la façon dont tu travailles la musique, on peut faire un parralèle, toutes proportions gardées, avec Drake qui a de son côté Noah “40” Chebib comme tu as Ponko, et OVO comme tu as maintenant Just Woke Up. C’est une source d’inspiration pour toi ?

De ouf, franchement Drake c’est un mec qui m’inspire beaucoup beaucoup, je trouve que, dans la manière de se vendre, c’est le meilleur. Déjà, il fait de la musique super bonne et il est entouré de super bons producteurs… En fait, c’est la façon dont sa carrière a évolué, comment toutes les étapes avaient l’air d’être planifiées, je trouve que c’est super inspirant.

C’est ce que tu essaies de faire, planifier ?

C’est quelque chose que je ne faisais pas auparavant, j’étais fort dans le freestyle, maintenant j’essaie d’être un peu plus stratège, parce que bon les coups d’épée dans l’eau ça sert un peu à rien, j’essaie d’être un peu plus stratège et de prendre une nouvelle dimension avec ça.

Est-ce que tu essaies plus ou moins de calibrer ta musique pour qu’elle puisse s’exporter ?

Oui, bien sûr ça m’intéresse. Mais c’est pas quelque chose que je vise quand je travaille, c’est un truc qui se fait naturellement parce que ma musique c’est un truc que je fais vraiment comme ça, je réfléchis pas beaucoup, et après comme je le dis souvent je pense que les mélodies, ça joue beaucoup. Je suis pas forcément un mec qui rap, je pense que ça facilite les choses. Quand tu fais que rapper, ça va être beaucoup plus difficile pour un mec qui connaît pas la langue d’accrocher. Par contre, un mec qui chante c’est un peu plus facile parce qu’il y a de la mélodie. C’est pour ça aussi que plein de francophones écoutent des rappeurs US, c’est parce qu’il y a des mélodies, ils comprennent pas forcément l’anglais mais les mélodies ça leur parle et je pense que c’est un atout majeur.

Comment tu as développé tes propres sonorités ?

C’est en écoutant plein de choses, en essayant plein de choses, vraiment voir ça comme si tu cuisines une sauce, tu mets ci, tu mets ça, et encore un peu de ci, etc… Et au final ça te donne Hamza. Tu sais, tu te cherches au début quand tu fais de la musique, tu essayes plein de trucs, donc là je suis arrivé à me trouver.

Est-ce que tu pourrais me raconter le parcours, dans les faits, de Kilogramme Gang à 1994 ?

J’ai commencé avec la mixtape Gotham City que j’ai balancé avec Kilogramme Gang, le volume 1. D’ailleurs il n’y aura jamais de volume 2 (Rires). C’était avec des potes du quartier, des gens que je fréquentais, sauf un qui était au lycée avec moi quand j’étais plus jeune mais on n’a plus été dans le même ensuite. C’était vraiment le début, on enregistrait chez un pote, c’était vraiment vraiment le début. J’ai sorti ce projet là, puis ensuite pour mon projet Recto Verso j’ai rencontré mon ancien management, et c’est eux qui m’ont offert la possibilité de bosser dans un studio plus ou moins clean. C’est le studio où j’ai bossé H-24, où j’ai bossé une petite partie de Recto Verso aussi, bien qu’il y avait une grosse partie que j’avais déjà faite dans d’autres studios, du coup ouais après Recto Verso il y a eu la petite période où il n’y avait pas de studio, il y avait des galères.

Pendant cette période j’étais souvent chez moi, je faisais des prods, j’écrivais, je restais créatif tout le temps, je m’arrêtais jamais. J’étais tout le temps en train de faire de la musique jusqu’au moment où il y a eu le studio quoi, et du coup là j’étais super chaud, ça faisait des mois que je bouillonnais en me disant « Faut que je pose, faut que je pose », et en fait je me rappelle que pendant tous ces mois j’avais fait plein plein de morceaux, j’avais fait pleins de prods, j’avais écris, et en fait en arrivant au nouveau studio j’ai tout jeté. J’ai rien gardé de tout ces mois… En fait, je sais pas, j’étais tellement chaud que je voulais partir sur quelque chose de vraiment nouveau et j’ai tout recommencé et c’est comme ça que j’ai fais H-24.

Tu as regretté de tout avoir jeté ?

Sur H-24, je regrette pas d’avoir jeté parce qu’il y a beaucoup de trucs qui étaient plus faibles, que j’avais pas terminé… J’ai vraiment gardé le plus concret, le plus costaud. Par contre, sur 1994, j’ai fais d’autres morceaux qui sont trop lourds aussi, et ça a été difficile de faire un choix franchement. Du coup j’ai réfléchi en termes de cohérence du projet, et j’ai gardé d’autres morceaux pour plus tard.

Tu vas sortir un projet à côté avec tous ces morceaux ?

Franchement j’y ai pensé, je sais pas si je vais le faire, mais j’y ai pensé. Il y a beaucoup de featurings qui vont sortir aussi. Soit je vais faire des apparitions sur d’autres projets, des trucs qui seront pas forcément sur des projets, il y a plein de trucs qui vont sortir…

Du coup, ensuite, après H-24 ?

Après ça, je me mets à bosser sur Zombie Life, j’étais en studio tout le temps, il y avait le succès d’H-24 qui m’avait motivé à fond. Mais cet espèce de succès avait un peu tourné à la tête de tout le monde dans mon entourage, et le travail se faisait pas comme il aurait du se faire. Donc du coup il y a plein de trucs qui me plaisaient pas et qui étaient pas bien faits.

Tu penses que tu as perdu du temps dans tout ça ?

J’ai pas perdu de temps, ça reste une expérience. Mais bon c’est clair que Zombie Life j’aurais voulu le sortir dans de meilleures conditions parce que ça reste un projet que j’ai vraiment bossé et un projet qui a de bons morceaux, j’avais de bons feats avec Dems, Joke… Mais c’est pas grave, ça reste une expérience, même si après Zombie Life j’étais un peu dégoûté des retours, c’était un down pour moi. J’avais toujours cette envie de faire de la musique mais quand tu vis un truc super bien avec H-24, que tu montes et que d’un coup t’arrives avec un autre projet et que ça redescend direct ben tu vois, tu te sens un peu… down. Je sais pas comment expliquer ça, mais c’est un coup quoi. Du coup je me suis demandé comment j’allais faire pour remonter la pente… C’était vraiment un échec commercial, personne ne m’a dit que le projet était nul, toutes les personnes qui l’ont écouté ont fait de bons retours. C’est plus les retours commerciaux qui m’ont fait chier, musicalement ça restait bien, la musique était bonne. C’est pas comme si on m’avait dit “Ah, c’est de la merde, tu nous as donné de la bonne musique avant et là c’est de la merde”, ça, ça aurait pu me démotiver en matière d’inspiration, mais là ça restait bon donc j’étais encore motivé et je voulais remonter la pente. On était en plein été donc j’ai fais New Casanova, qui était un peu dancehall et qui, je trouve, a assez bien marché. J’étais content, il y a eu la connexion avec Ramriddlz, c’était cool, puis après cet EP je me suis séparé de mon management et j’ai balancé Santa Sauce histoire de tourner la page, et voilà. Après, signature chez Warner, 1994.

Tu racontais que ton père écoutait pas mal de RnB ?

Il écoutait plein de trucs, plein de RnB, Jodeci, Teddy Riley, Montell Jordan… Franchement, il écoutait trop de trucs. C’est là que j’ai pris mon goût pour le chant, c’est ce qui m’a donné envie de chanter, je pense que c’est de là que ça vient. Il y avait une transmission de ouf, c’est quelque chose qui est en moi maintenant. Surtout quand t’es gosse, tu fais pas forcément attention mais ça rentre dans l’éducation, j’ai pas fais attention mais c’est entré en moi et depuis j’ai eu cette passion et ce kiffe pour le chant, pour le RnB.

Ça se passe comment le fait que tu sois devenu rappeur dans ta famille, ton quartier, les gens sont contents quand ils te voient ?

Ouais, bien sûr (Rires). Au départ, c’était un peu plus compliqué quand j’étais dans ma chambre, tout le temps en train de créer. Les gens ils comprennent pas, ils te voient faire de la musique mais il y a pas de retours, ils te disent “Tu fais quoi, t’es en train de tourner autour du pot, tu fais quoi, va travailler ?” Donc les gens tu vois, ils comprennent pas ce que tu fais. Mais après, avec le succès que j’ai pu avoir, les gens ont changé d’avis. Par exemple, ma mère, c’était tout le temps la première à me dire “C’est de la merde, de la grosse merde, va travailler, j’en ai marre” et ça me poussait encore plus à faire les choses bien, et maintenant quand elle voit ça, elle me dit que j’avais raison et que j’avais senti ce qu’il fallait.

C’était une bonne directrice artistique, en fait…

(Rires) T’as vu gros… Et maintenant c’est la première à me supporter, à voir mes projets tout le temps, mais c’est vrai qu’au début, c’était difficile.

Photographies par Dante Palma – Propos recueillis par Léo Devaux