Alors que l’année 2017 touche à sa fin, il est l’occasion de faire le point sur les rappeurs francophones (et ce, sans ordre particulier) qui seront à suivre d’un oeil attentif en 2018.
Certains sont de véritables rookies, d’autres possèdent déjà une expérience certaine mais ont encore un cap à franchir. Une chose est sûre, tous les rappeurs ici ont véritablement le potentiel de connaitre une progression artistique, commerciale ou encore médiatique en 2018.
Sopico
Révélé au sein de la 75e Session, Sopico s’est véritablement illustré pour la première fois avec la sortie d’un album en son nom mi-2016. Suivi depuis cette date par un public sans cesse élargi, le parisien semble être parmi les plus aptes à s’imposer durablement dans le paysage francophone. De par sa productivité affolante et sa polyvalence, il installe depuis quelques mois un univers extrêmement travaillé dans lequel se côtoient notamment clips marquants et usage repensé des instruments acoustiques. Pur produit de l’école du nord de la capitale, adoubé par l’ensemble de ses aînés, on voit mal comment son élan pourrait être brisé en 2018. Attendu comme peu de projets annoncés pour le début de l’année, son second album devrait être l’occasion de passer un cap tout en élargissant une palette artistique déjà bien développée.
Take a Mic
D’EPs en EPs, Take a Mic a su se faire petit à petit une place dans l’esprit du public français. Capable de proposer l’un des freestyles les plus techniques de l’année pour le sixième épisode de Rentre dans le cercle, le rappeur d’Orly a agréablement surpris son audience en s’aventurant sur le terrain des morceaux plus mélodieux. Phénomène vestimentaire à part entière, son addiction au streetwear ne doit pas pour autant occulter ses réelles qualités musicales et sa capacité à faire réagir son public. Un premier album solo devrait donc être l’occasion pour lui de persévérer dans son exploration de nouveaux genres; et d’accélérer ainsi une longue évolution artistique commencée au sein du collectif Eddy Hyde.
PLK
Comparé depuis plusieurs années à ses acolytes de Panama Bende, PLK ne devrait bientôt plus pouvoir être suivi par grand monde sur son segment. Excellent en freestyle, il a lui aussi élargi son registre depuis sa signature chez Panenka Music. Guidé par Fonky Flav’ et entouré d’une multitude d’artistes de grande qualité (parmi lesquels Krisy notamment), il lui reste à accomplir certaines étapes de sa transition entre le statut d’artiste de collectif et celui d’artiste solo. Doué d’un potentiel commercial indéniable, il a conservé malgré tout le côté brut qui l’a mené jusqu’ici; notamment grâce aux innombrables dates assurées par sa bande cette année. Véritablement positionné au coeur de l’effervescence artistique des derniers mois, PLK devrait inévitablement profiter de ses nombreuses connexions pour progresser encore.
Youv Dee
Membre déjà iconique de l’Ordre du Périph’ par son apparence, il a profité de l’année 2017 pour s’affirmer comme un élément sur lequel compter; alors même que de nombreux observateur voyaient en lui une simple émanation francophone du phénomène de rappeurs américains sous lean. Souvent associé à Assy, il a ainsi pu profiter de son passage chez Grünt pour donner du poids à sa démarche et montrer que son rap ne repose pas que sur un ensemble de gimmicks. Encore un peu seul sur ce créneau, il est a surveiller notamment pour les vocations qu’il pourrait créer sur la scène parisienne dans un futur proche. 2018 sera donc l’année de la confirmation, tant sur le plan collectif qu’individuel pour le jeune Youv Dee.
Tengo John
Découvert en compagnie d’Eden Dillinger et de Lord Esperanza sur la Grünt #31, Tengo John semble avoir trouvé son créneau sur les derniers mois. En plus de son premier projet, communément réalisé avec Ocho, il a en effet pu éprouver ses bangers de plus en plus appréciés sur quelques scènes de l’hexagone. Bourrés de références, ses textes rapides font de son profil un compromis assez harmonieux entre technique pure et tendances de fond de ces dernières années. Il lui reste encore beaucoup à accomplir pour s’affirmer définitivement comme une valeur sûre, mais le succès de Trois Sabres pt.III prouve à quel point la curiosité du public pourrait se cristalliser autour de son travail à moyen-terme.
Népal
Népal est paradoxalement le rappeur le mieux établi et le plus mystérieux de cette liste. Adulé par un public qui adhère dans l’ensemble à l’intégralité de son oeuvre déjà bien fournie, il s’est aussi fait un nom sous l’acronyme KLM dans le beatmaking. Viscéralement attaché à son anonymat et à la qualité indéniable de sa production, il a été jeté un peu malgré lui sous le feu des projecteurs; étant l’un des seuls artistes à tenir tête à Nekfeu sur Cyborg. N’ayant jamais sorti d’album en son nom, ni en duo avec Doum’s pour 2Fingz, il pourrait chercher en 2018 à élargir largement son audimat par ce biais. Il est cependant plus probable que ses morceaux extrêmement travaillés restent destinés aux discrets mais fidèles amateurs qui le suivent déjà.
Nelick
Binôme scénique de Lord Esperanza, Nelick s’est fait un nom en solo bien plus vite que l’on aurait pu le deviner. Une éclosion qui n’a finalement rien de vraiment surprenant, au vu de la progression extrêmement rapide du trio inséparable qu’il forme avec son acolyte de Palass et leur excellent beatmaker Majeur-Mineur. Plus mélodieux que ceux de Lord, ses morceaux fédèrent un public assez ouvert aux codes qu’il tente de mettre en place. Très porté sur l’aspect visuel de sa production, il a donc absolument toutes les cartes en main pour s’imposer comme l’incarnation du rappeur français moderne; capable d’alterner entre différents registres et d’engranger une expérience précieuse sur l’année à venir.
Josman
A l’image de Népal, Josman semble déjà être l’artiste référence d’une branche du hip-hop hexagonal. Porté par un savant mélange de trap et d’éléments empruntés à des ambiances moins faciles à cerner, le rappeur a vu son statut évoluer à mesure que le public s’est ouvert aux artistes moins conventionnels dont il fait partie. Une curiosité globale qui multiplie les opportunités dans son cas, rendant son évolution dans les prochains mois intéressante à suivre. Nombreux sont ceux à se demander, en effet, quelle seront les choix qui découleront de cette évolution dans la façon dont son ouvre est perçue.
Ash Kidd
Déjà porté par une notoriété certaine, le strasbourgeois Ash Kidd a replacé le nord-est sur la carte du hip-hop hexagonal. Champion incontesté d’un genre qui frôle régulièrement avec le RnB d’antan, le romantique MC peut se targuer d’être suivi par l’un des publics les plus hétéroclites qui soit. L’attention générée autour de sa personne montre aussi qu’il manquait certainement au rap français un profil semblable dans une période de diversification sans précédent. Il devra dans les prochains mois, certes, montrer qu’il est capable d’élargir son registre, mais fait sans aucun doute partie des jeunes valeurs sûres présentées au travers de ces lignes.
Krisy
Rappeur-producteur déjà célèbre dans toute l’Europe, Krisy s’est fait connaitre dans un premier temps en composant les instrus sombres et modernes des tubes de Damso. Excellent dans ce registre, rien ne semblait le prédestiner à occuper le devant de la scène belge dans un registre qui mêle sentimentalisme, fraîcheur et modernité des tonalités. Communiquant de haut-vol, gestionnaire de la structure qu’il monte peu à peu sous le nom du Jeune Club, il ne lui manque plus qu’un premier album réussi pour accomplir le hold-up parfait en quelques mois. Exemple de polyvalence, il incarne finalement à lui seul le bouleversement engendré par la communication directe entre artistes et auditeurs. En somme, 2018 sera probablement son année.
Lord Esperanza
2017 a posé les bases de ce à quoi peut ressembler la carrière de Lord Esperanza. Deux projets aboutis, le premier “Drapeau Noir” aux côtés de son acolyte producteur Majeur-Mineur, le second, “Polaroïd” en solo avec toutefois une forte présence de son ami producteur, ont en effet montré l’étendue de la palette sur laquelle le rappeur parisien est capable de performer. Doté d’une énergie peu commune et d’une plume qui détonne, Esperanza, s’il parvient à choisir la direction artistique qui lui est propre, pourra être l’une des plus belles surprises de 2018.
13 Block
Le groupe originaire de Sevran, s’il est depuis 2014 à la pointe de la trap française, semble armé pour franchir un nouveau cap l’année prochaine. Doués d’un talent de storytelling peu commun, les 13 Block ont su dépasser leurs inspirations originales, purement trap, pour verser aujourd’hui dans un style plus mélodieux construit autour de productions plus complexes et, elles aussi, plus mélodieuses. Dans le paysage du rap français, leur style détonne et l’effervescence qui entoure le groupe depuis plusieurs mois pourra bien se concrétiser l’année prochaine avec la sortie de leur prochain album attendu pour le début de l’année.
Moha La Squale
L’explosion de Moha La Squale pose autant de question qu’elle suscite la curiosité. Avec ses séries de freestyle, parus tous les dimanche depuis le milieu de l’été, le rappeur au style atypique a su générer autour de lui un buzz retentissant, avec chacun de ses freestyles accumulant des centaines de milliers de vues. Si son style détonne, il commence également à faire douter nombre de ses suiveurs puisque le jeune artiste semble proposer des freestyles très proches les uns des autres, tant dans la forme que dans le fond. Cela ne l’a pas empêché de signer chez Elektra (Warner Music France), et son développement au sein du label semble être un quitte ou double : soit Moha La Squale explosera aux yeux de tous comme l’un des meilleurs kickeurs du rap français, soit il sera bridé par un style évoluant difficilement et lassant ses fans.
Maes
3 freestyles. C’est tout ce qu’il aura fallu au jeune rappeur de Sevran pour être repéré sur YouTube et laisser entrevoir son style et son potentiel. Nonchalant et agressif, Maes a les armes techniques pour offrir au public une musique entre cloud rap et trap pure, dans une forme appuyée par des textes tranchant et vrais. Si en quelques freestyles Maes a su mettre (presque) tout le monde d’accord, un premier projet risque d’attiser les convoitises autour du rappeur, d’autant que l’on dit qu’il est suivi de près par Booba et de nombreux labels.
Slim Lessio
Le jeune artiste belge Slim Lessio a sorti en novembre sa première mixtape intitulée Fruit de Paix. Révélé l’année dernière avec un premier single, il avait de nouveau suscité l’attention cet été grâce à son excellent single “Pina Colada”. Cette première mixtape illustre bien toutes les cordes que Slim Lessio a à son arc, entre flows envoûtants et passages kickés et même chantants, le tout sur des productions très justement choisies. Cette direction artistique laisse entrevoir une percée l’année prochaine pour le jeune artiste.
Article co-écrit avec Adrien Dupin et Guillaume Hyvernat du magazine Tany’s.