Les sneakers addicts sont-ils vraiment responsables de la fin des camp out ?

De plus en plus mis de côté au détriment des sorties en ligne et des incontournables raffles, les camp out n’ont jamais semblé si près de disparaître, mais à qui la faute?

Une nouvelle année pointe le bout de son nez, avec ses nouvelles sorties sneakers bien entendu. Des changements majeurs sont-ils à prévoir dans le mode de distribution des marques et des revendeurs? On en doute, bien qu’une certaine continuité des deux dernières années soit attendue, avec l’éviction lente des camp out et la montée en puissance des tirages au sort en ligne, sur Instagram ou en boutiques.

Naturellement instaurés en même temps que les premières sneakers en édition limitée qui commençaient à fleurir aux États-Unis dans les années ’90, les camp out se créaient devant les diverses enseignes alimentées en Jordan, avant que d’autres continents et modèles ne soient touchés par le phénomène. Depuis la sortie de la Air Jordan XI, première sneaker victime d’une demande largement supérieure à l’offre, des millions de sneakers addicts se sont, en l’espace de 22 ans, rassemblés devant les innombrables shops offrant les paires les plus demandées par la communauté.

Et qui dit rassemblement nocturne dit problèmes. Inévitables, les échauffourées n’ont jamais vraiment épargné les camps, en raison d’une incertitude perpétuelle quant à l’acquisition d’un exemplaire à sa taille et ce, malgré plusieurs jours d’attente parfois. Mais moins répandue il y a de cela dix ou quinze ans, la passion de amenait un large pourcentage d’inconditionnels de la basket, venus uniquement pour s’octroyer le dernier modèle et le porter ou l’exposer sur une étagère sitôt l’achat effectué.

De plus en plus demandées, les sneakers ont petit à petit attiré un public grandissant, faisant ainsi exploser la demande pour une offre stable voire légèrement revue à la hausse. Les prix commencent alors à grimper et à attirer une autre catégorie de campeurs : les resellers. Loin d’être seuls responsables des mésententes sur les lieux de rassemblement, ces derniers s’opposent dans l’éthique aux passionnés, créant deux catégories pas toujours faciles à concilier.

Sont ensuite venus les amis, mis au courant du profit à faire grâce à une simple paire de baskets et quelques heures d’attente. Des personnes souvent peu initiées et rarement informées des us et coutumes du milieu, à l’image des “têtes”, ces individus payés par les gros bras de la revente, afin d’assurer l’acquisition de plusieurs exemplaires lorsque les boutiques n’autorisaient qu’une paire par personne. Ces activités ont bien évidemment entaché la réputation des camp out et fait régner un climat de plus en plus hostile, amenant bagarres, interventions de la police ou encore annulations des sorties et ce, cette année encore.

Le problème aurait pu se régler avec la bonne volonté des boutiques et des marques, avec un système de sécurité plus présent et des règlements plus stricts mis en place. Des frais qui n’auraient pas été trop lourds lorsque l’on sait le bénéfice réalisé à chacune de ces sorties, en l’espace de quelques heures seulement. Mais malheureusement vides de toute utilité pour les shops, les camp out perdent tout leur sens sur un plan économique, à une époque où les ventes en ligne ont pris le dessus.

La réputation d’une boutique et son chiffre d’affaire ne se mesure aujourd’hui plus au nombre de clients remplissant une surface commerciale, mais bel et bien au nombre de likes sur Facebook et de followers sur Instagram et Twitter ; les diverses marques enseignes favorisent largement la mise en place de raffles, leur permettant de mettre en place des conditions de participations avantageuses, assurant une audience grandissante au fil des sorties et permettant de toucher des internautes novices, par le biais des participants mis au courant en amont.

La série “The Ten” amenée par Nike et Off-White, considérée par beaucoup comme étant la collaboration de l’année, a d’ailleurs été le théâtre d’une sortie emprunte de digitalisation. Alors que des milliers d’adeptes attendaient une sortie “à l’ancienne” afin de s’assurer l’acquisition d’une des dix paires au moins, la Air Jordan 1 et ses petites soeurs n’ont été rendues disponibles que par le biais de tirages au sort en ligne. Pas de raffle sur les réseaux sociaux cette fois-ci, mais un recueil d’information précieux après de la clientèle et une distribution orchestrée dans la plus totale organisation.

Loin d’être parfaits, ces systèmes défavorisant les inconditionnels de longue date font débat. Malheureusement, il semblerait que les marques et ses retailers aient décidé de faire le pas, s’assurant alors un contrôle absolu des sorties. Et si la faute est souvent attribuée au mauvais comportement des acheteurs, les dernières sorties tendent à prouver que ce n’est pas l’état d’esprit du consommateur qui a changé, mais celui de l’industrie. Pour ceux qui contesteraient ces méthodes, quelques irréductibles boutiques résistent encore et tentent de proposer des distributions first come first served comme autrefois. À vous maintenant de choisir votre camp.