Photo : GQ

Pourquoi Virgil Abloh n’est peut-être pas l’homme qu’il fallait à Louis Vuitton

Hot take

L’annonce de l’arrivée de Virgil Abloh à la tête des créations masculines de Louis Vuitton a fait l’effet d’une bombe ce matin dans le monde de la mode et du streetwear. Une bonne décision de la part de l’emblématique enseigne parisienne ? Rien n’est moins sûr.

Depuis ce matin, les réseaux sociaux s’enflamment suite à la nomination du fondateur de Off-White aux commandes de la section Homme de Louis Vuitton. Personnage le plus en vue du milieu fashion et sneakers depuis presque une année, Virgil Abloh surfe sur une vague de succès qu’il n’avait lui-même probablement pas vu venir. Mais a-t-il vraiment les épaules pour assumer un tel rang chez l’une des plus grandes marques de haute couture de tous les temps ? Le doute est permis et on vous explique pourquoi, en trois points majeurs.

Virgil Abloh est avant tout un effet de mode

Poussé par Kanye West, le designer américain d’origine ghanéenne est issu d’un milieu rempli de célébrités, un milieu dans lequel l’exposition est rapide, brutale et parfois fatale. Devenu en l’espace d’une poignée d’années un personnage connu et important dans le microcosme de la mode urbaine, Virgil Abloh n’a finalement pris son envol qu’au travers d’une collaboration avec Nike. Un partenariat unanimement salué et objectivement puissant, qui lui a suffi à devenir l’idole de toute une communauté jeune et à la recherche d’extravagance modérée. Un succès populaire donc pour le natif de l’Illinois, qui est parvenu à proposer un travail original tout en restant accessible au plus grand nombre. Parviendra-t-il à se renouveler et à inscrire ses collections au panthéon de la haute couture comme l’a fait Kim Jones durant onze longues années ? C’est tout le mal que l’on lui souhaite, même si Abloh a encore tout a prouver en termes d’endurance, puisqu’on le rappelle, ses deux premiers labels “Pyrex Vision” et “Been Trill” ont essuyé des échecs pour le moins conséquents. Louis Vuitton ne semble pas y prêter attention, en raison peut-être d’une stratégie à court terme, qui miserait sur la hype actuelle du designer et non pas sur sa capacité à tenir les rennes d’une grande maison durant plusieurs années.

 

Il sera le Demna Gvesalia de Louis Vuitton

Balenciaga est en position de force. Depuis plus d’une année, l’autre géant parisien et Demna Gvesalia chamboulent à la fois les milieux aisés, populaires et alternatifs. Speed Trainer, Triple S et vêtements colorés et oversized dominent les Fashion Weeks, au point de ne voir presque plus que ça dans les rues de Paris, Londres, Milan ou New-York en périodes de défilés. Une vision jeune et décalée qui ravive la flamme de la haute couture dans le coeur des plus jeunes, devenus en l’espace de quelques mois les cibles privilégiées du monde du luxe, les marques tablant sur un développement à long terme. Louis Vuitton en a déjà fait l’expérience par le biais de collections modernes proposées par Kim Jones et surtout grâce à une massive et inattendue collaboration avec Supreme, mais souhaite désormais s’investir de manière plus continue dans un monde en perpétuel rajeunissement. Dans cette démarche, le choix d’engager Virgil Abloh résonne alors comme une évidence, mais pose de nombreuses questions vis-à-vis de l’héritage de la marque de luxe, nettement plus classique et délicat à manoeuvrer que chez Balenciaga. D’autant plus que le fondateur de Off-White pourrait se heurter à diverses contraintes imposées par la direction de Louis Vuitton, qui l’empêcheraient de développer son univers créatif, le destinant alors à un simple remake de Demna Gvesalia chez Balenciaga.

 

Virgil Abloh n’a pas suivi de formation de mode

Malgré des collections pour femmes relativement réussies pour ses premiers défilés en Fashion Week sous son label Off-White, le designer n’est pas parvenu à recréer les sensations produites par “The Ten” et ses autres récentes collaborations. Reprenant les codes d’un style urbain et parfois très nineties, l’artiste n’a en effet pas su implanter sa marque de fabrique dans la haute couture aussi bien que dans ses créations de prêt-à-porter. Très observé en raison de l’explosion de sa cote de popularité, Abloh était attendu au tournant et a essuyé bon nombre de critiques, certains spécialistes du milieu rappelant que ce dernier n’a pas suivi de formation conventionnelle, issu du monde de l’architecture et diplômé en génie civil. Considérant lui-même ce parcours comme une force, il se pourrait toutefois que l’homme aux multiples casquettes rencontre des difficultés du fait de son manque d’expérience et de compétences dans l’art du textile pur et dur. Il sera bien entendu très bien entouré dans son nouveau cadre de travail, avec à ses côtés de nombreux couturiers et créateurs de talent, mais cette association suffira-t-elle à combler ses potentielles lacunes ? Rien n’est moins sûr, mais rappelons tout de même que le créateur américain doit avant tout son succès à ses qualités de businessman hors-du-commun. Doté d’un sens aigu du marketing, Virgil Abloh a surpris son monde en traduisant mieux que quiconque sa pensée et ses convictions par le biais du vêtement. Des convictions qui ne seront peut-être pas au goût de Louis Vuitton et par conséquent difficilement adaptables à une marque aussi renommée. L’avenir nous le dira.


Cet article est une “Hot Take”, une prise de position polémique visant à susciter le débat sur la question qu’il soulève. Les propos tenus dans cet article sont volontairement exagérés et n’engagent que leur auteur. Ils ne sauraient en aucun cas être tenus pour ceux de Views.