Avec My Dear Melancholy, The Weeknd opère un retour à ses premiers amours sonores et lyriques pour un résultat hypnotisant.
Annoncé seulement quelques heures avant sa sortie, le nouvel EP du chanteur canadien est le très beau cadeau musical de cette fin de semaine. Mais passé l’effet de surprise, que retenir des six titres composant My Dear Melancholy ? Premier constat, Abel Tesfaye a de nouveau le coeur brisé. Deuxième constat découlant du premier, jamais sa musique ne résonne aussi fort que lorsqu’il évoque ses amours perdus. L’écoute de sa chère mélancolie répudie en effet les sonorités clinquantes et ensoleillées de son album à succès Starboy, remplacées par une atmosphère nocturne, évoquant ses ruptures, l’amour charnel et la perdition dans les drogues. Les fans de longue date l’auront donc compris, The Weeknd revient aux thématiques qui l’ont consacré avec House of Balloons ou encore sa Trilogy dans son ensemble.
Même s’il est indéniable que le talent et l’aisance vocale du natif de Toronto lui permettent de chanter le bonheur et le désir amoureux avec brio comme sur son featuring sur “Lust For Life” de Lana Del Rey ou son tube planétaire “I Feel It Coming” avec les Daft Punk, la musique de The Weeknd prend tout son sens dans le désespoir et les ténèbres. Après deux relations et deux ruptures ultra-médiatisées avec la mannequin Bella Hadid et la chanteuse Selena Gomez, Abel Tesfaye est donc de nouveau amené à chanter à propos de son palpitant émietté. Mais comme souvent avec lui, My Dear Melancholy ne faisant pas exception, cette nostalgie post-séparation s’accompagne d’une atmosphère emplie de tension sexuelle et de luxure.
Pour obtenir ces sonorités à la fois voluptueuses et mélancolique, The Weeknd a fait appel à ce qu’il se fait de mieux en matière de production. Présent sur cinq des six titres de l’EP, Frank Dukes magnifie le falsetto du crooner canadien avec ses compositions hypnotiques et aériennes. Et que dire de l’apport non négligeable de la star de l’électro français Gesaffelstein, présent en featuring sur “I Was Never Here” et “Hurt You” ? Le lyonnais impose sa sombre patte artistique avec talent, comme il avait su le faire sur plusieurs titres de Yeezus de Kanye West. Enfin, Guy-Manuel de Homem-Christo, l’un des deux Daft Punk, ajoute une vague de spleen électronique sur “Hurt You” qui est le morceau rappelant le plus les sonorités présentes sur Starboy.
Lyriquement très juste, cet EP évoque donc la souffrance de The Weeknd face à ses multiples séparations intervenues au cours des derniers mois. Amer sans jamais tomber dans l’aigreur, Abel Tesfaye déverse simplement sa tristesse dans certains couplets dévastateurs, comme sur “Call Out My Name” : “Said I didn’t feel nothing, baby, but I lied, I almost cut a piece of myself for your life, Guess I was just another pit stop, Til’ you made up your mind / J’ai dit que je ne ressentais rien bébé mais j’ai menti, j’ai presque coupé une partie de moi pour ta vie, j’imagine que je n’étais qu’un autre arrêt au stand, le temps que tu reprennes tes esprits.” The Weeknd fait évidemment référence à la fin de sa relation avec la popstar Selena Gomez, qui avait subi une greffe d’un rein lors de son idylle avec The Weeknd, avant de le quitter du jour au lendemain pour Justin Bieber.
Perpétuellement hanté par les fantômes de son passé, Abel Tesfaye signe ici une déchirante complainte en six titres qui sonnent terriblement juste. En s’entourant de cadors à la production et en opérant un salutaire retour aux sources, le canadien a prouvé qu’il était toujours l’un des artistes les plus fascinants du RnB mondial. Probablement écrit au coeur de nuits tumultueuses et désabusées, bercées par les drogues et l’alcool, My Dear Melancholy est une confession bouleversante et universelle, que seul un artiste comme seul le fondateur de XO est capable d’offrir. Malheureusement pour lui, The Weeknd n’est jamais aussi bon que lorsqu’il a le coeur brisé.
My Dear Melancholy est à (ré)écouter ci-dessous.