Pour Supreme, Lacoste affirme enfin complètement son identité urbaine

Après avoir navigué en eaux troubles pendant de longs mois, l’illustre label français semble finalement avoir décidé d’affirmer son penchant urbain, en témoigne le lookbook de la dernière collaboration signée Supreme et Lacoste.

Dans une ère où le rap joue plus que jamais un rôle majeur dans la communication et la popularisation des marques, Lacoste semblait faire la sourde oreille, fidèle à ses valeurs d’antan. Pendant que Nike, adidas ou encore Converse s’entouraient des artistes les plus rentables de la scène urbaine, l’enseigne au croco s’amusait à décliner les propositions d’artistes parfois adulés chez les plus jeunes. Une sorte de contre-pied pris par Lacoste, qui semble aujourd’hui faire machine arrière, discrètement néanmoins.

Paraissant quelque peu indécise quant à son immersion dans les milieux urbains, la marque française enchaîne depuis quelques mois les épisodes relevant finalement du pur paradoxe. Vous vous en souvenez certainement, Romeo Elvis s’était emparé de Twitter le mois dernier, pour y déclarer que Lacoste avait refusé de collaborer avec lui, ne souhaitant pas être associée à quelqu’un qui fait du rap. La marque au croco avait par la suite démenti, sans toutefois ne donner plus d’informations quant à ce refus catégorique.

Un évènement qui survenait à peine un mois après la présentation de la collection Automne/Hiver 2018 de Lacoste à Paris, lors de laquelle un certain Moha La Squale avait été convié. Sans pour autant participer à une quelconque partie de la ligne créative de la marque, le rappeur originaire du quartier parisien de la Banane avait surpris son monde en apparaissant au milieu de grands noms du cinéma, du mannequinat ou encore de la politique, ce dernier étant encore souvent associé (à tort ?) à un passé de jeune délinquant qu’il assume complètement aujourd’hui dans ses morceaux.

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Une invitation qui a alors sonné comme un aveu de faiblesse de la part de Lacoste, qui refusait jusqu’alors de collaborer avec des acteurs de la scène rap, à l’instar de Lino et de sa tragique histoire d’amour avec la marque française, elle qui n’a jamais souhaité sponsoriser le rappeur et son frère, tous deux accros au crocodile et véritables égéries de Lacoste par le biais de leur duo Arsenik, ô combien influent et ce, depuis les années 90 déjà.

Paradoxal donc, mais pas autant que la déclinaison de l’offre faite par Roméo Elvis à Lacoste, qui propose de son côté un univers largement moins banlieusard, lui qui au delà de ses concerts musclés et de son penchant pour les drogues douces, descend de ce que l’on appellerait une bonne famille, ses parents étant tous deux des artistes pour le moins reconnus en Belgique. Plus doux dans son approche musicale et moins urbain dans son style et apparence physique, le Bruxellois serait dès lors apparu comme un parfait collaborateur pour Lacoste.

Habituée à observer avec satisfaction mais détachement le développement de ses polos et autres bobs dans les cités, Lacoste pourrait, malgré les quelques évènements cités plus hauts, avoir choisi au cours des derniers mois de prendre un virage non négligeable en direction d’une clientèle plus jeune et avant tout plus vaste. Un constat fait le mois dernier déjà, lorsque la marque française a refait son apparition sur les podiums de la Fashion Week parisienne, après plus de 13 ans d’absence, avec une collection haut de gamme, mais surtout très influencée par la rue dans certaines de ses formes et par le biais d’accessoires à la connotation urbaine évidente.

Après avoir durant plusieurs années joué la carte de la sobriété, en s’alliant à des personnalités appréciées des milieux aisés ou à d’illustres sportifs représentant au mieux l’identité insufflée par René Lacoste à la marque il y a de cela 85 ans, une nouvelle direction semble avoir été prise par Lacoste, dans la lignée de la mise sur pieds de la gamme Live arrivée en 2011 déjà. Une tendance que ne viendra pas contredire sa dernière collaboration avec Supreme, qui marque, mine de rien, un véritable tournant dans l’histoire de la marque qui se voulait encore passablement preppy, chic et sportswear jusqu’à peu.

Si la gamme présentée par les deux monuments de la mode sportive en mars 2017 se rapprochait déjà de nos cités, avec son lot de tracksuits, de camp caps et de vestes Harrington, l’ambiance proposée par Lacoste et Supreme semblait alors pour le moins sobre et dénuée de toute connotation urbaine. Le lookbook, dévoilé sur fond blanc, affichait en effet des mannequins aux traits proches de l’esprit skatewear de Supreme et en totale adéquation avec l’identité sportive et jeune de la collaboration.

Pour cette année, force est de constater que le ton a changé. Les casquettes laissent place aux bobs et les tenues sont accompagnées de baskets associées aux cités de manière incontestable. Nike Air Max 90 ou Nike Air VaporMax Plus aux pieds, les modèles se présentent sous un angle différent aujourd’hui, sacoche sur l’épaule, regard agressif et environnements modestes, en témoignent les chambres vides et typiques des HLMs aux meubles vieillissants, ou encore l’épicerie de quartier choisie pour mettre en valeur un tracksuit aux coupes amples et résolument connoté ghetto.

Impossible de le nier, le lookbook du deuxième opus de la collaboration transpire la cité et son microcosme unique. Les divers crewnecks et hoodies au patch vintage n’y changeront rien, puisque l’oeil du consommateur restera focalisé sur les clichés on ne peut plus forts dévoilés aujourd’hui par Supreme. Et si Lacoste a accepté la publication d’une telle galerie d’images, on imagine volontiers l’enseigne française prévoir de plus amples travaux allant dans ce sens pour les prochaines saisons. Très réussie et esthétiquement digne d’éloges, la collection fera sans l’ombre d’un doute l’effet d’une bombe ce jeudi en ligne et devant les diverses boutiques de la marque, pendant que Roméo Elvis et certains de ses acolytes se rappelleront ne pas avoir collé avec l’image d’un Lacoste chic et bien trop distingué pour se mélanger au monde d’un rap vulgaire et définitivement trop street. Paradoxal.

L’ensemble de la nouvelle collaboration Supreme x Lacoste qui sortira ce jeudi est à retrouver ici.