En quelques mois seulement, Seezy, producteur originaire d’Evry et âgé de 21 ans, s’est construit un nom et une image de marque qui n’a que peu d’égale pour un compositeur de son âge. Et bien que cette ascension paraisse soudaine, elle n’est finalement que le déroulement d’un plan finement pensé par celui qui ne rêve que d’une chose : devenir un producteur dont le nom résonne autant que celui des artistes pour lesquels il produit.
Qualifier Seezy d’ovni dans le déroulement de sa carrière et son héritage musical n’aurait rien d’insensé et pour cause : il n’écoutait pas de rap 5 ans en arrière et n’a commencé à en écouter que lorsqu’il a réalisé de modestes débuts dans le beatmaking. Fan de métal de longue date, son intérêt pour le beatmaking est presque parti d’un hasard de la vie : “Mon cousin rappait et écoutait beaucoup de rap, il m’a proposé de produire pour lui et m’a montré le logiciel FL Studio. La suite est simple, comme dans un jeu vidéo que tu veux finir vite, je me suis pris au jeu pour découvrir jusqu’où ça allait me mener. Dès lors, je suivais tout ce qui sortait.”
S’il qualifie modestement ses premières créations pour son cousin de “beats claqués“, il se dit toutefois assez fier avec le recul de la première production qu’il a placé en 2014, pour un morceau intitulé “Pesos” du rappeur Stezo Wezo : “Aujourd’hui je me dit que c’était pas si mal que ça en la réécoutant“. Dès lors, la carrière de Seezy n’a jamais semble prendre de raccourci. Un an plus tard, il signe chez Universal et avec le même manager qu’un certain Vald, ce qui générera une rencontre qui changera la carrière de l’un comme de l’autre.
Quelques mois après leur rencontre, Seezy et Vald collaborent pour la première fois sur le titre “Ostud” avant que Agartha, le premier album de Vald, soit la véritable première pierre de l’édifice de leur duo musical. Le producteur parisien produit alors “Eurotrap”, “Mégadose” ou encore “Strip” mais c’est bien le hit “Vitrine” qui sera le premier succès massif de Seezy. Cette production si importante, Seezy la qualifie comme étant sa préférée en expliquant adorer “cette ambiance jazzy sombre“. Le succès phénoménal du morceau (où Damso est présent en featuring) ne lui donnera pas tort. Si entre temps, Seezy a pu collaborer avec Fianso sur “Bandit Saleté” ou encore avec Ninho sur “Laisse pas traîner ton fils”, c’est bien à l’occasion de XEU, le second album de Vald, que la notoriété et globalement la carrière de Seezy changent de dimension. Il nous explique : “On a réalisé l’album ensemble de A à Z, on l’a drivé, on lui a d’avantage dit ce qu’on pensait, ce qu’il fallait faire selon nous, avec toute l’équipe. Agartha est beaucoup plus bordélique, XEU est beaucoup plus cohérent selon moi.” En ayant produit 15 des 16 morceaux, Seezy a pu alors apporter une véritable direction artistique à un artiste connu pour partir dans tous les sens dû à un bouillonnement créatif. Devenu rapidement un succès critique et commercial, ce choix de responsabiliser autant le jeune producteur avec XEU s’avère être un choix payant pour Vald. Et ce dernier lui a bien rendu cet apport artistique en n’hésitant pas à le mettre en avant : “J’ai eu une plus grande exposition, Vald m’a repost et m’a poussé partout sur ses réseaux sociaux, ça c’est incroyable. Aujourd’hui grâce à ça, j’ai de la demande d’un peu partout et je suis sur énormément de projet qui vont sortir bientôt, avec tous types de rappeurs.” Avant d’ajouter : “XEU m’a aussi fait réaliser que je ne voulais pas être un producteur qui envoie des prods par mail, mais être en studio avec le rappeur.”
Celui qui a désormais arrêté la fac pour se consacrer pleinement à la musique explique que cette décision a été prise lors de son retour d’un voyage à Los Angeles pour finaliser XEU : “Je me suis dit ‘qu’est ce que je fais là ?’ j’avais rien à faire là, je savais que je pouvais gagner plus d’argent dans ce que je fais maintenant que dans un master en fac de biologie.” Cette décision se confirme d’autant plus lorsqu’il sèche pour la première fois la fac pour rejoindre Vald et Lorenzo en studio, pour créer ce qui deviendrait le single “Bizarre” : “J’ai séché une seule fois la fac, c’était pour “Bizarre” et j’ai réalisé que si je n’avais pas séché j’aurais jamais placé ce titre. C’est là que j’ai compris que la fac me faisait vraiment perdre des opportunités.”
Les études laissées de coté, le succès affirmé et un nom résonnant de plus en plus dans le paysage du rap français, Seezy se prend désormais à rêver vers d’autres cieux. : “J’ai envie de réaliser des projets entiers avec pleins d’artistes différents, les driver dans une direction, les faire sortir de leur zone de confort et les aider à se dépasser.” En précisant toutefois qu’un projet solo n’était pas à l’ordre du jour puisqu’il souhaite attendre d’être totalement installé. Compositeur nourri par l’ambition et l’envie de toujours faire mieux, Seezy explique être poussé par une “pression invisible“: “On ne sait pas ce que les autres producteurs font, on ne le découvre que quand ça sort, donc ça pousse à faire mieux sans pour autant savoir ce qu’ils s’apprêtent à placer.” Cette pression existe d’autant plus depuis qu’il a arrêté l’école, en partant selon lui du principe qu’il ne peut pas se permettre de ne pas être productif après avoir tout lâché pour la musique.
L’une des grandes questions que de jeunes aspirant beatmakers ou de simples observateurs peuvent se poser est sans doute, comment devient-on “comme Seezy” ? Comment devient-on si rapidement un nom qui compte dans le rap français ? Le principal intéressé explique qu’il est question de travail, de beaucoup de travail, mais pas seulement : “Je réalise des stratégies dans ma tête pour placer parce qu’il faut bien comprendre que tu peux avoir les meilleures prods possibles, en avoir des centaines, mais sans les contacts tu n’es rien du tout. Du coup, il faut trouver les moyens pour réussir à les placer. Ça peut être par mail, à la fin d’un concert en allant voir l’artiste, pendant un Planet Rap, j’ai déjà pensé à pleins d’options dans ma tête.”
Après avoir goûté au succès, celui qui se dit fan de Murda Beatz, TM88 ou encore Southside n’a désormais plus qu’une idée en tête, devenir ce qu’il rêve d’être, un producteur à l’américaine : “Je veux avoir cette image de producteur star et quand j’arrive en studio avoir l’impact d’un rappeur. C’est que je veux leur ressembler, avec toutes ces chaines en or et ces Rolex (rires).” Et force est de constater qu’au vu de la palette de productions qu’il a signé en si peu de temps et l’attachement que le public lui porte, le prénommé Samuel pourrait bien un jour goûter au statut de producteur star. En attendant, ne soyez pas surpris de le retrouver sur certains des projets phares de l’année 2018 dans le rap francophone. Comme une évidence.