Avec “Summer Pack”, Childish Gambino brouille les pistes pour son ultime album

L’atmosphère anxiogène de “This Is America” a laissé place à la douceur de l’été des morceaux de Summer Pack et une question demeure : A quoi ressemblera le dernier album de Childish Gambino ?

Donald Glover est un habitué du contre-pied. Auréolé de succès suite à son dernier album en date Awaken, My Love !, le natif d’Atlanta avait annoncé il y a quelques mois sa volonté d’achever la carrière de Childish Gambino avec un ultime projet. Un juteux contrat signé chez RCA Records et la sortie d’un tube planétaire plus tard, le rappeur a dévoilé hier par surprise Summer Pack, un mini-projet composé de deux titres. Comme leurs noms l’indiquent, “Summertime Magic” et “Feels Like Summer” sont deux morceaux calibrés pour l’été, du fait de leurs sonorités ensoleillées et de leur ambiance résolument romantique. L’ambiance n’est plus à la contestation sociale mais bien à la frivolité d’un bel amour de vacances, sur fond de carte postale et de glaces à l’italienne. Là où “This Is America” faisait figure de manifeste socialement engagé et enragé, Summer Pack prend un virage à 180 degrés vers un monde de douceur et de romance.

Difficile donc d’établir ne serait-ce qu’une simple esquisse de ligne directrice pour le prochain album de Childish Gambino. Ce n’est toutefois pas la première fois que l’alter-ego musical de Donald Glover brouille les pistes et passe du coq à l’âne. Après avoir été violemment critiqué par la presse spécialisée pour son premier album Camp, sommet de nerd-rap, Childish Gambino avait fait preuve de plus de maturité sur son second opus Because The Internet. Un projet chéri par les fans mais qui n’avaient pas non plus totalement convaincu la critique. Après s’être essayé à la pop sur le très bel EP Kaui, le projet qui se rapproche le plus des sonorités de Summer Pack, Childish Gambino avait sorti son album le plus réussi à ce jour : Awaken, My Love! Un album qui s’éloigne du rap pour embrasser des sonorités funk et soul, tout en étant porteur d’un message éminemment politique et engagé pour la cause afro-américaine.

Le succès de sa série Atlanta finira d’affirmer Donald Glover comme l’un des porte-paroles de la cause noire aux Etats-Unis, et cela bien avant le raz-de-marée “This Is America.” Accompagné par un clip devenu viral et décortiqué par des millions de fans, l’avant dernier single de Childish Gambino lui a permis d’opérer une véritable percée au près du grand public et des médias généralistes. Violent, dérangeant et contestataire, “This Is America” laissait entrevoir une certaine noirceur pour la suite et fin des aventures musicales de Donald Glover. Un argument contrebalancé par son interprétation d’un titre intitulé “Saturday” sur la scène du Saturday Night Live il y a quelques mois, sans que ce dernier ne bénéficie de sortie officielle.

Beaucoup moins virulent que “This is America”  au niveau des sonorités, “Saturday” est un superbe morceau funk lui aussi teinté de sonorités estivales. Néanmoins, sur le fond, ce titre évoque le mal-être des classes populaires et le désir d’oublier la pauvreté grâce au divertissement de masse. Comme sur “This is America”, l’ambivalence entre le fond et la forme du morceau occupe une place centrale. A l’écoute du dansant “Saturday” et de son rythme festif, on pense évidemment Stevie Wonder, une inspiration évoquée à de nombreuses reprises par Donald Glover, notamment dans Atlanta.

“This Is America” se place donc en quelque sorte comme un “intrus” au milieu de ses trois morceaux enjoués. Pour autant, il est actuellement impossible d’affirmer que le dernier album de Childish Gambino sera taillé pour les dancefloors de bords de mer. Il est tout d’abord très peu probable qu’il sorte cet été. De plus, rien ne promet que “Saturday” et les deux titres de Summer Pack figureront dessus. Il serait bien plus logique d’y retrouver “This Is America”, qui garantirait à lui seul une certification rapide au projet de Gambino du fait de son extraordinaire succès dans les charts ces dernières semaines.

Alors à quoi ressemblera l’ultime volet de la carrière musicale de Donald Glover ? A l’heure qu’il est, seul le principal intéressé et son producteur de toujours Ludwig Göransson le savent. On peut toutefois se permettre d’imaginer que Childish Gambino offrira à ses fans une synthèse de ses influences et de son savoir-faire, en proposant des morceaux à la fois très orientés rap à l’image de son début de carrière et d’autres titres plus mélodieux et instrumentaux comme ce qu’il a produit récemment. Reste à savoir comment l’artiste géorgien fera pour faire cohabiter tous ces éléments dans un projet cohérent. A moins qu’il ne décide de se lancer dans une dernière salve d’expérimentations sonores, en répudiant son passé artistique pour tenter d’opérer une énième réinvention.

Il y a plus d’un an, le rappeur justifiait son désir d’en finir avec l’industrie musicale : “J’ai le sentiment qu’il y a toujours une raison qui explique les choses que l’on fait et j’ai toujours eu une raison d’être rebelle. Être rebelle a toujours été quelque chose de naturel pour moi et c’est pour ça qu’on a toujours vu Atlanta comme une série à part. J’ai l’impression que la direction que je prendrais si je continuais avec Childish Gambino ne serait plus comme ça. ‘Redbone’ est un morceau rebelle parce que c’est du gospel qui passe à la radio. J’ai la sensation que c’est le plus loin où l’on puisse aller avant de tout simplement devenir ce qui passe à la radio”. Des paroles qui résonnent assez bizarrement aujourd’hui étant donné l’aspect très “radio friendly” de Summer Pack. L’art du contre-pied, encore et toujours.

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