Malcolm McCormick n’est plus, mais Mac Miller continuera d’exister à travers l’importance de sa musique pour des millions de personnes. Aujourd’hui plus que jamais.
“Le connaître, c’est l’aimer” expliquait hier Karen Meyers, mère de Mac Miller, dans un communiqué demandant logiquement le respect du deuil et de la vie privée lors de cette douloureuse épreuve. “Le connaître, c’est l’aimer“, en une poignée de mots, une grand part de l’héritage laissé par Malcolm McCormick a été parfaitement symbolisé par celle qui lui a donné la vie.
Le monde du rap a perdu hier l’un de ses personnages les plus attachants et les plus appréciés, tristement fauché par ses addictions aux drogues dures alors qu’il aurait dû fêter son 27ème anniversaire le 19 janvier prochain. Si ce décès soudain fait l’effet d’un coup de poignard pour des millions de fans, il est tout aussi impressionnant de voir la réaction provoquée par sa mort : des hommages poignants d’artistes diverses et variés, de personnages de l’ombre qui ont eu la chance de le côtoyer, et bien sûr de ses fans, pour qui la musique de Mac Miller a souvent été thérapeutique. Si ce décès est un drame en tous points, il aura au moins montré à quel point l’homme derrière l’artiste a glané l’amour et le respect de ceux l’ayant croisé. À un point tel que le principal intéressé n’en a sans doute jamais eu conscience, lui qui a toujours rejeté l’idée d’être une célébrité.
Derrière lui, le rappeur de Pittsburg (et producteur sous l’alias Larry Fisherman) laisse une riche discographie composée de 5 albums, dont le dernier en date Swimming, sorti il y a un mois à peine, et d’une douzaine de mixtapes, dont celle traduisant le mieux ses problèmes d’anxiété, de dépression et d’addictions : Faces. Un projet qui décrivait brutalement la forme d’auto-destruction que Mac Miller a fait subir à son corps et son esprit pendant de trop nombreuses années. Pourtant, dans sa toute dernière interview donnée à Zane Lowe sur Beats 1, Mac expliquait bien que sa musique du moment était totalement en accord avec son état d’esprit. En clair, il allait mieux, puisqu’après les disques torturés qu’étaient Watching Movies With The Sound Off et Faces, il montrait depuis deux ans avec The Divine Feminine et Swimming qu’il vivait une période beaucoup plus saine, durant laquelle son goût pour la vie semblait retrouvé. Chose qu’il confirma à Zane Lowe, en lui expliquant : “Quand j’ai sorti The Divine Feminine, j’avais les idées claires pour la première fois depuis 10 ans.” Malheureusement, cette prise de conscience ne lui a pas permis de totalement s’éloigner de ses démons. Alors qu’en mai dernier il était arrêté pour conduite en état d’ivresse, sa rupture ultra-médiatisée avec Ariana Grande n’a pas aidé un homme qui n’a jamais semblé prêt à faire face à la célébrité et à ses travers : le stress, l’exposition malsaine de sa vie privée, les convoitises ou encore la solitude terriblement paradoxale qui accompagne la célébrité. Sa santé mentale relativement fragile a été mise à rude épreuve par un statut difficile à digérer, auquel une villa à Los Angeles et des millions de dollars sur un compte en banque n’en sont qu’une fausse thérapie.
Au fil de sa carrière, l’artiste originaire de Pennsylvanie n’a jamais caché ses démons, sans pour autant glorifier son mode de vie ni l’exagérer dans le but de vendre des disques. En 2015, sur le morceau “Full Circle / God Speed”, véritable moment fort de son album GO:OD AM, Mac Miller rappait avec une introspection glaçante : “Et ils ne veulent pas voir ça / Ils ne veulent pas me voir faire une overdose et devoir parler à ma mère / Lui dire qu’ils auraient pu faire plus pour m’aider / Et elle pleurera en disant qu’elle ferait tout pour me retrouver“, avant de terminer son couplet par : “Mais ces lignes blanches réduisent mes moments noirs / Ces pilules que j’ingurgite, je dois agir comme un homme / Admettre que c’est un problème, je dois me réveiller / Avant qu’un matin je ne me réveille pas.” De la façon la plus tragique possible, et sur fond d’appel au secours, Mac Miller écrivait alors les lignes les plus prémonitoires de sa carrière, à travers un morceau qui symbolise les années les plus difficiles de sa vie.
Si ce décès est d’autant plus difficile à encaisser pour de nombreuses personnes, c’est sans doute parce qu’il concerne un artiste qu’il a toujours été facile de soutenir, aussi bien pour sa musique que pour sa personnalité attachante. Pour beaucoup de ses fans, l’évolution de la musique de Mac Miller a coïncidé avec de nombreuses étapes de leur vie. La musique juvénile, insouciante et festive de ses débuts, symbolisant bien la période de l’adolescence, a laissé place à la complexité de la vie d’adulte et ses nombreux sujets tabous que sont notamment la dépression et les addictions. Pour ces gens-là, voir Mac Miller enfin heureux sur ses deux derniers albums faisait office d’une victoire quasi-collective, montrant qu’il est possible de sortir des pires difficultés personnelles. À ce titre, l’attachement qui lui est porté par ses fans les plus dévoués dépasse le cadre de la musique et la tristesse éprouvée aujourd’hui va au-delà de celle d’un artiste dont la musique n’est que divertissement. Pour cette partie de son public, le vide que va laisser Malcolm McCormick est immense.
En ce mois de septembre 2018, le monde du rap pleure donc un nouvel artiste perdant la vie à un âge beaucoup trop précoce pour le croire. Cela devient une triste habitude pour les fans de cette musique, de voir des idoles partir à un âge où la vie était encore devant eux. La violence a souvent été la raison de la disparition d’artiste hip-hop depuis plus de deux décennies. Mais dernièrement, c’est plus que jamais la santé mentale et les addictions qu’elle engendre qui sont la grande maladie d’une génération tourmentée et qui doivent donc être traitées comme telle par toute l’industrie musicale.
À l’heure qu’il est, nous avons une énorme pensée pour sa maman, avec qui Mac Miller semblait avoir une relation très importante, comme il le confiait régulièrement dans sa musique. Et évidemment, à son entourage musical, ses proches, ses fans et à tous les gens qui ont été un jour été touché par la musique d’un artiste qui, comme le bon vin, ne cessait de s’améliorer en vieillissant. Malcolm McCormick n’est plus, mais Mac Miller continuera d’exister à travers l’importance de sa musique pour des millions de personnes. Aujourd’hui plus que jamais.