Depuis plusieurs années, FILA s’est imposé comme un acteur incontournable du marché de la sneakers et du sportswear dans son ensemble. Retour sur une marque qui a su renaître de ces cendres en s’inspirant de son passé.
Solidement installé dans la hype contemporaine, FILA a su remonter la pente après de nombreuses années de traversée du désert. Même si une telle renaissance n’est pas rare dans le milieu de la mode, l’exemple de la griffe italienne est pour le moins passionnant à décrypter. Née dans un petit village de la région du Piémont en 1911, FILA est, comme c’est souvent le cas, une entreprise familiale. Johan et Giansevero Fila créent en effet une entreprise destinée à équiper les habitants des Alpes italiennes pour lutter contre le froid et les rudes conditions climatiques de l’hiver. La direction artistique des premières créations FILA est claire : allier le sens italien du style avec une qualité textile conférant une utilité certaine aux vêtements. Devenue au fil des décennies une marque majeure au sein de la Botte, FILA passe un véritable cap à l’aube des années 70. En 1971, la marque de sportswear engage en effet le designer Pierlugi Rolando, qui sera chargé de faire de FILA un équipementier majeur dans le tennis.
Comme le rappelle The New Yorker, c’est également lors de cette année qu’adidas signe un contrat avec le numéro 1 mondial du circuit de l’époque pour nommer une sneaker en son nom. La Stan Smith était née. Un an plus tard, Pierlugi Rolando et FILA dévoilent la légendaire collection “White Line.” Avec un nom volontairement provocateur, qui se moque des codes du tennis imposant de jouer en blanc et qui évoque également une trace de cocaïne, FILA mélange les genres en proposant des pièces sportswear à la fois classiques et résolument modernes. Dominés par le blanc, les items de la collection White Line incorporent des motifs inédits pour le sportswear de l’époque, comme des rayures ou des carreaux composés de rouges et de bleus vibrants. Cette collection sera un succès mondial et marquera l’avènement de FILA en tant que géant du sportswear mondial. Désormais considérée comme un graal pour les collectionneur de pièces vintage, la collection White Line adresse un message à la mode de son époque, un concept que décrit la marque en ces termes : “Le classicisme n’a pas besoin d’être conservateur et les designs intemporels peuvent toujours être contemporains.”
Outre son gigantesque succès commercial, cette collection est portée sur les plus grands courts du monde par Björn Borg, l’un des meilleurs joueurs de tous les temps, vainqueur de 11 tournois du Grand Chelem durant sa carrière. Très bel homme, incroyablement talentueux sur le court, toujours maître de ses nerfs et doté d’un jeu d’une élégance folle, Borg s’apparente à l’égérie parfaite pour FILA. Le suédois dominera le tennis des années 70 et confèrera au tennis une image résolument glamour, qui demeurera à jamais associée à ses tenues signées FILA, notamment son mythique polo blanc à rayure. Mais par dessus tout, la superstar globale qu’est Borg dans les seventies permet à la griffe italienne de toucher les marchés américains et asiatiques, qui raffolent de l’image chic et tempéré de celui qu’on surnomme Iceborg. Par la suite, FILA continuera son aventure dans le tennis en sponsorisant des grandes stars comme Boris Becker et Kim Clijters. Néanmoins, aucun joueur n’atteindra ne serait-ce que le quart de la notoriété de Borg dans la culture mondiale. Décennie dorée pour la marque piémontaise, les années 70 marqueront l’avénement de FILA en tant que marque de sport. Les eighties et les nineties seront quant à elles synonymes de démocratisation de la marque, qui va passer, comme ce fut souvent le cas, des courts de tennis à la rue. Les divers survêtements et autres polos siglés FILA deviennent rapidement des phénomènes de mode, aussi bien appréciés par les fans de street culture que par les adolescents de bonne famille. Même si le tennis demeure alors la principale source de revenue de FILA, le monde du hip-hop commence à s’intéresser à une marque qui devient de plus en plus globale. LL Cool J adopte notamment les tracksuits de la griffe italienne tout comme Tupac et ses 96 GL sur le livret de l’album All Eyez On Me.
A l’image de ce qu’a récemment vécu une marque comme Lacoste, la rue s’approprie les codes élégants d’une marque spécialisée dans le tennis pour la transformer en partie intégrante de la culture urbaine. Alors que la popularité mondiale de la NBA explose au cours des 90’s, Nike fait preuve de flair en signant très rapidement un jeune Michael Jordan. FILA tente de répondre en enrôlant le grand espoir Grant Hill et en lui créant une signature shoe : la 96 GL. Avec son shape massif et sa mise en avant du logo de la marque italienne, cette sneaker devient rapidement incontournable dans les rues américaines. Cette paire connaîtra paradoxalement un plus grand succès dans le streetwear de l’époque que Grant Hill en NBA, ce dernier ayant vécu une carrière gâchée par les blessures.
Partie de l’utilitaire dans le Piémont pour conquérir les country clubs raffinés du globe avec ces collections de tennis, FILA pénètre la sphère urbaine dans les années 90 et devient un incontournable de la street culture. Mais alors que son avenir semblait radieux, la marque se perd au début du nouveau millénaire. FILA va alors être vendue à de multiples reprises, tout d’abord à un fond d’investissement américain, puis à un groupe coréen qui déplacera son siège social à Séoul en 2007. La marque souffre alors d’une image ringarde, flirtant avec le kitsch. FILA ne semble pas fait pour les années 2000 et les années 2000 ne collent pas avec l’ADN de la marque créée par Johan et Giansevero en 1911. La griffe de la Botte ne parvient pas à imposer son identité, passant de propriétaires en propriétaires, sans jamais conserver une ligne directrice.
Loin de ses ambitions tennistiques et urbaines, FILA ira jusqu’à signer un contrat de sponsoring avec l’héritière Paris Hilton. L’époque Björn Borg semble loin, si loin. Néanmoins, la vague nostalgique des 90’s qui s’empara de la mode il y a quelques années permet à la marque italienne d’amorcer son retour sur le devant de la scène. En 2015, la division britannique de FILA fait appel aux services du créateur russe Gosha Rubchinskiy pour élaborer une collection qui fera office de manifeste. La marque centenaire signe officiellement son retour sur le devant de la scène et en a fini avec sa décennie d’errements stylistiques. La pièce phare de la collection imaginée par Rubchinskiy est sans conteste le hoodie bleu marine arborant un énorme logo FILA et son nom en cyrillique, qui sera notamment porté par A$AP Rocky quelques semaines après sa sortie. La Logomania n’en est qu’à ses balbutiements, mais FILA a déjà mis le pied dedans.
Le « revival nineties » que connaît la mode actuelle permet alors à la griffe piémontaise d’effectuer un retour en grâce aux yeux des consommateurs, de nouveaux avides de pièces de sportswear rétro, de sneakers massives et de coupes volontairement oversized. FILA se tourne vers l’Asie et signe des collaborations réussies avec BAPE ou encore Pokémon!, tout en connaissant un succès gigantesque avec ses chunky sneakers et notamment la célèbre Disruptor II. Aperçue au pied de la quasi-totalité d’Instagram, la silhouette agressive du best-seller de FILA est devenu un phénomène de mode ayant dépassé l’univers des sneakerheads. Comme l’explique un responsable de la marque au New Yorker, FILA a compris qu’il était vitale de puiser dans le riche passé de la marque pour s’adresser aux consommateurs contemporains, de plus en plus adeptes de designs vintage. La Disruptor II sera suivie par la Venom, elle aussi un très beau succès, et désormais la Ray, qui s’annonce déjà comme un nouveau succès retentissant pour la marque transalpine.
Auréolée de succès sur le marché saturé des sneakers, FILA brille également avec sa division textile. Toujours animées par une volonté passéiste, les différentes collections dévoilées par la griffe italienne mettent en avant son branding iconique, ses couleurs tricolores, ainsi que des coupes sportives orientées rétro. Ayant disparu des radars pendant près de 15 ans, FILA apporte donc un vent de fraîcheur sur le streetwear de notre époque. La marque aux 107 ans d’histoire n’est bien évidemment pas la seule responsable des tendances actuelles. Elle a néanmoins parfaitement su surfer dessus grâce à son histoire et son ADN. La marque vient par ailleurs d’organiser son premier défilé à la Fashion Week, à Milan le mois dernier. FILA y a présenté une collection qui sonnait comme un hommage direct à son passé tennistique, avec notamment des polos aux cols imposants, qui évoquaient directement ceux de la collection White Line des années 70. La mode est avant tout une histoire de cycles et FILA l’a compris mieux que quiconque.
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