À la conquête de la musique latine, Drake chante désormais en espagnol

Hier soir, Bad Bunny et Drake ont dévoilé “Mia”, une collaboration annoncée de longue date qui pourrait bien être le hit de cette fin d’année, mais surtout, une nouvelle démonstration de la stratégie internationale du canadien.

En matière d’expérimentations musicales, de collaborations internationales ou encore « d’appropriations » de tendances, Drake semblait jusqu’ici avoir pratiquement tout fait dans sa carrière. “Pratiquement” car il a désormais rajouté une corde à son arc avec “Mia”, et pas des moindres : un morceau typiquement calibré pour être un tube (très) grand public, sur lequel le co-fondateur d’OVO chante en espagnol. Après avoir collaboré avec les plus grandes pop-stars (de Rihanna à Justin Bieber en passant même par le regretté Michael Jackson), Drake s’attaque ici de façon encore plus directe à un immense marché : la musique latine.

Aujourd’hui, les Hispaniques et les Latino-Américains représentent près de 20% de la population américaine. Plus globalement, près de 500 millions de personnes parlent espagnol dans le monde. En collaborant avec la superstar incontestable du reggaeton qu’est Bad Bunny, artiste qui possède un public bien différent du sien, et en prenant la décision de chanter en espagnol, Drake s’adresse directement à cette tranche de la population et s’offre l’immense luxe de toucher un public que ses albums seuls peuvent plus difficilement atteindre. Et au vu du morceau, totalement calibré pour être matraqué en radio à travers le monde, il ne fait aucun doute que ce vaste public ne pourra pas échapper à “Mia” et ses rythmiques chaleureuses.

S’associer avec des artistes pour toucher plus facilement un certain public, initialement moins enclin à être cible de sa musique, a toujours été une stratégie de choix pour le canadien. Il n’y a qu’à voir cette année, lorsque Drake collabore avec Lil Baby ou Blocboy JB. D’une part, c’est l’occasion pour lui de mettre en lumière auprès de ses fans des artistes qu’il apprécie, mais aussi de réussir à s’immiscer dans des cercles rap plus nichés dans des villes clés pour le rap américain : ici, Atlanta et Memphis. Il en va de même lorsque sur More Life, il convie les légendes du grime que sont Skepta et Giggs, si cela permet à un certain public américain de découvrir les deux hommes, c’est aussi et surtout l’occasion pour Drake de placer ses pions dans le rap anglais, si important en Europe. Peu d’artistes peuvent aujourd’hui prétendre passer dans une radio grand public en Espagne et dans le même temps être écoutés dans des évènements rap plus confidentiels à Atlanta, Londres ou Chicago. C’est le cas de Drake, montrant que sa force de frappe n’est pas seulement immense : elle est globale et savamment calculée.

Évidemment, cette polyvalence extrême est avant tout possible car Drake est un excellent interprète, capable de fournir une belle performance chantée comme ici ou de couplet enragé comme sur le banger “Never Recover” avec Lil Baby et Gunna, dans le plus pur style de la trap. Cette capacité à se fondre dans des styles totalement opposés, couplée à une stratégie de réussir à toucher tous les publics, font de Drake la superstar qu’il est aujourd’hui. Et alors qu’il vient de truster le sommet du Billboard Hot 100 pendant près de la moitié de l’année et que Spotify vient de révéler, à l’occasion de ses 10 ans, qu’il est l’artiste le plus écouté de l’histoire de la plateforme, il relèverait de l’euphémisme de dire que cette stratégie porte ses fruits.

Si la musique internationale est un immense jeu d’échec pour la superstar du Grand Nord, il n’a jamais semblé aussi proche de l’échec et mat.

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