Entretien croisé avec les PDG de Beats by Dre, UNDEFEATED et Ghetto Gastro

A l’occasion de la collaboration entre Beats by Dre et UNDEFEATED, les PDG de ces deux groupes organisaient un déjeuner orchestré par le collectif de chefs Ghetto Gastro.

Pour leur troisième collaboration, Beats et UNDEFEATED ont imaginé une nouvelle Beats Pills+ intégralement recouverte du camo de la griffe américaine, ainsi qu’une paire de Beats X arborant un coloris inédit. Conçus comme de véritables hommages à la culture urbaine, ces nouveaux produits qui allient le savoir-faire sonique de Beats et le style incontournable d’UNDEFEATED étaient présentés en grande pompe à Paris au début du mois. Présents pour l’occasion, les dirigeants des deux marques nous ont convié à un déjeuner concocté par Ghetto Gastro, un collectif de chefs cuisiniers originaires du Bronx. Relativement méconnus en France, les membres de ce crew gastronomique jouissent d’une très belle renommée aux Etats-Unis et n’ont qu’une hâte : conquérir le monde grâce à leur réinvention de la “Black Cuisine.” Après un repas, servi dans le cadre sublime d’un grand appartement du septième arrondissement parisien, nous avons eu la chance d’organiser un entretien croisé entre Luke Wood, le passionnant PDG de Beats by Dre que nous avions déjà rencontré en juillet dernier, James Bond, PDG d’UNDEFEATED et Jon Gray, leader de Ghetto Gastro. L’occasion pour ces trois acteurs majeurs de la culture de notre époque d’évoquer l’importance des collaborations, leur vision de l’industrie, ainsi que les liens qui les unissent. Confortablement installés dans un petit salon, les trois dirigeants, repus, démarrent leur discussion.

Views : Qu’est ce qui connecte Beats, UNDEFEATED et Ghetto Gastro ?

Luke Wood (Beats) : Je ne réponds pas en premier car je parle trop ! (rires)

James Bond (UNDEFEATED) : Je pense que c’est une sorte de bouillon de culture. On donne des choses à digérer aux gens à partir de ce repas. Quand je suis rentré dans la cuisine, il y avait cette odeur délicieuse, de la super musique était diffusée à travers les enceintes Beats… Il y a tout une vibe tu vois ? Tu manges cette nourriture, tu as des conversations intéressantes avec des gens qui le sont tout autant. C’est un vrai art de vivre, un lifestyle à 360 degrés. Tu le sens, tu le goûtes, tu l’écoutes, tu le portes.

Luke Wood : Je dirais que c’est avant tout une histoire de passion. Ce qui compte dans la vie c’est ces moments qui vous paraissent exceptionnels. La nourriture, les vêtements, la musique, c’est uniquement une question de plaisir.

Jon Gray (Ghetto Gastro) : Tout ça, c’est une question de défi. Ce qui nous relie tous les trois, c’est qu’on a lancé des business dans des territoires inexplorés, de différentes façons, avec différentes attitudes. C’est une chance que ça ait marché pour nous et on est conscient. C’est aussi pour cela qu’on est animé par ce désir de collaborer les uns avec les autres.

Selon vous, pourquoi est-ce que les collaborations sont devenues aussi importantes ces derniers temps ? 

Luke Wood : Personnellement, je pense que la plupart des collaborations sont merdiques. Les gens essaient de s’accaparer l’influence d’une autre marque, d’utiliser leur plateforme, d’amplifier leur seule renommée… Tout ça n’a absolument aucun intérêt. Une collaboration vaut le coup uniquement si vous racontez une nouvelle histoire. C’est tout ce qui compte. Avec UNDEFEATED, cette histoire est unique par rapport à ce que l’on fait. Elle fait sens grâce à nos héritages communs. C’est une rencontre importante, car ils ne font pas ce qu’on fait et on ne fait pas ce qu’ils font. Mais en unissant nos forces, on peut amener de nouvelles idées et enrichir notre narration. Ce n’est pas une histoire de “tu as tant de followers sur Insta, j’ai tant de followers sur Insta, travaillons ensemble et vendons des trucs.” J’espère sincèrement que la mode des collaborations est terminée, mais que les amis vont continuer à travailler ensemble. Le monde ne s’en porterait que mieux.

Jon Gray : Ce qui compte c’est pouvoir vibrer avec ses frères, avoir des idées et créer quelque chose de tangible à partir de ces idées.

Vous êtes d’accords pour dire qu’une marque ne peut plus exister uniquement par elle-même ? Vous êtes la preuve vivante que les entreprises se tournent de plus en plus vers l’extérieur. 

James Bond : Je pense que ce qui marche avec la collaboration Beats x UNDEFEATED, si on met nos relations personnelles à part, c’est que je n’essaie pas de faire des casques audio. J’essaie d’apporter une nouvelle vision à quelque chose qui existe déjà, qui est déjà parfaitement au point sur le plan technique. Beats a déjà une relation forte avec la musique et la culture urbaine, mais être capable de transformer leur produit en objet de mode est une bonne chose, car ça leur apporte une compétence nouvelle.

On peut donc parler de deal gagnant-gagnant ? 

James Bond : Je peux faire quelque chose que je ne pourrais pas réaliser en temps normal. Beats m’aide à donner de la résonance à ce projet. On a la chance de créer quelque chose que les deux partis apprécient et pour lesquels ils s’entraident.

Luke Wood : Ça me rappelle une histoire célèbre des Beatles. C’est comme les différentes versions de “While My Guitar Gently Weeps.” George Harrison est un guitariste exceptionnel, tout le monde le sait, et il fait un super boulot sur ce morceau qu’il a lui-même composé. Néanmoins, il a cette inspiration géniale de ramener Eric Clapton pour jouer le riff de guitare. Clapton, l’un des plus grands guitaristes de tous les temps, a emmené le titre des Beatles vers des sphères qu’il n’aurait jamais pu atteindre car il a apporté sa personnalité au morceau. “While My Guitar Gently Weeps” est toujours une chanson des Beatles, mais vous pouvez sentir la personnalité d’un autre artiste qui était en studio à leurs côtés. Si vous regardez nos produits avec UNDEFEATED, bien sûr qu’on pourrait les faire seuls dans notre coin. Mais ça ne ressemblerait jamais à ça, ça ne serait pas plaisant comme ça et ça ne vous ferait pas ressentir la même chose. C’est une combinaison unique et je pense que c’est ce qui marche le mieux.

Jon Gray : Et je suis d’accord avec tout ça ! (rires)

La nouvelle collaboration entre Beats et UNDEFEATED a été promue en France par le rappeur Niska et par le joueur du PSG Marco Verratti. Ils viennent de mondes différents et pourtant cette association fait sens. Comment arrivez-vous à créer cette cohérence ? 

Luke Wood : Du point de vue de Beats, les gens avec lesquels on travaille ont un dénominateur commun : une passion pour la musique. Que vous soyez joueur de Ligue 1 ou star de la NBA, ta performance est profondément influencée par la musique écoutée au cours des 24 dernières heures ou des 10 minutes avant l’entrée sur le terrain. Tu sens que tu peux tout faire. Dominer tout le monde. La musique t’inspire pour faire de grandes choses et je pense que la mode a le même effet. On le sait tous. Tu te regardes dans la glace et tu te sens bien avec ce que tu portes. Tu te dis que ce soir, tu peux tout réussir. C’est une sensation extraordinaire. Si tu te regardes dans la glace et que tu penses “Mmmmh, je ressemble pas à grand chose”, ta journée sera immédiatement plus compliquée.

Jon, quand tu cuisines avec le reste de Ghetto Gastro, est-ce que tu es inspiré par la musique ? Vous mettez du son quand vous travaillez ? 

Jon Gray : La musique, l’esthétisme, les outfits, les uniformes, les ustensiles… C’est une grande partie de notre boulot car ça donne de l’âme à ce qu’on fait. La musique nous donne le rythme, la coordination. Tu es debout pendant des heures, il fait chaud, tu coures à droite à gauche. On peut dire que c’est un sport ! On a besoin des bons outils pour réussir à se concentrer et la musique joue un grand rôle là dedans.

Si chacun de vous devez prendre le boulot de l’un des deux autres pour une journée, quel poste choisiriez-vous ? 

Luke éclate de rire

Jon Gray : Merde…

James Bond : Je ne sais pas… Je dirais chef cuisinier, comme Jon. Parce que je dois améliorer certains trucs en cuisine. Je dois bosser sur mon habileté avec les couteaux pour faire des trucs cools.

Jon et Luke éclatent de rire

James Bond : Okay, c’est peut être un peu trop de responsabilité.

Jon Gray : Je dirigerai UNDEFEATED depuis le Bronx. C’est la réponse facile pour moi.

Luke Wood : Je suis un chef affreux, mais j’adore cuisiner. Je n’ai aucun goût culinaire donc j’aimerais beaucoup acquérir cette nouvelle compétence !

Jon Gray : On peut t’offrir un petit tutoriel pour que tu muscles ton jeu.

Plus sérieusement, comment décririez-vous le statut de la culture urbaine en 2018 ? Elle est absolument partout et vous y êtes tous pour quelque chose. 

Jon Gray : Ouais, on peut dire que l’underground est devenu mainstream. C’est une époque intéressante et je suis super curieux de savoir jusqu’où ça va aller. Le streetwear est partout, regardez Virgil Abloh qui signe chez Vuitton et toutes les maisons de luxe qui s’y mettent. C’est fascinant. La voix des oppressés est devenue la musique la plus populaire au monde. Je veux vraiment voir jusqu’où notre mouvement ira.

James Bond : Regardez Kanye. il implose totalement. Tout ce pouvoir, cette influence… Savoir que tu as contribué à faire évoluer le prisme, ça doit être très perturbant mentalement. On met trop de pression sur des gens qui ont été habitués à être dans l’ombre tout leur vie et qui se retrouvent sur le devant de la scène du jour au lendemain. On attend qu’ils soient les nouveaux leaders culturels du monde. Je ne pense pas que ça soit juste pour certaines personnes, je ne sais pas s’ils peuvent encaisser une telle charge. Personnellement, je veux juste collaborer avec Beats et chiller avec mes enfants. Mais le problème c’est que tu as des gars qui aimeraient faire pareil, mais on leur demande d’être les portes-paroles de leur génération.

Luke Wood : Quand tu as un message à faire passer mais qu’on ne te donne pas de voix, tu dois hurler de toutes tes forces. Il faut aussi se dire que tu n’as rien à perdre. Si tu me vois comme ça dans la rue, tu te dis que je suis un privilégié. Un homme blanc, issu de la classe moyenne de l’upstate New York. Sauf que mes parents étaient ruinés et qu’adolescent j’ai vu ma voiture d’occasion se faire enlever par la fourrière parce que je ne pouvais plus rien payer. J’ai vu ma famille se faire déposséder de notre maison familiale et déménager dans un appartement minable. C’était mon expérience de vie. J’avais aucun pouvoir, donc je n’avais rien à perdre. C’est pour ça que la première fois que j’ai entendu du hip-hop, j’ai entendu des mecs aussi enragés que moi. Eux non plus n’avaient rien à perdre. C’est là que tu prends des risques et que des choses intéressantes arrivent. Je pense que c’est ce qu’on essaie tous de faire, chacun à notre façon.

James Bond : Il y aussi à ce jour où tu te réveilles et tu te dis “p*tin, mais en fait je m’en fous de ce que les gens pensent de moi.” Cette liberté aide beaucoup. Si tu restes concentré sur ce que les gens disent de toi, tu ne sors plus de chez toi.

Jon Gray : Le succès que j’ai rencontré dans la street m’a donné une confiance au delà de l’imaginable pour tout accomplir tout ce que j’ai fait par la suite. Je ne vais pas me prendre une balle dans ma cuisine, le pire truc qui puisse m’arriver dans cette nouvelle vie c’est de brûler un toast (rires). Les enjeux sont différents, mais c’est une bénédiction d’avoir la chance de se lever chaque matin et de faire un travail enrichissant pour toi et pour les gens pour lesquels tu oeuvres. Je dis toujours que le repas est le premier réseau social. Les gens se rencontrent à table, partagent des idées, créent du lien. Tout part d’ici.

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