Le directeur de la création de Calvin Klein s’est confié au New York Times sur sa relation avec la mode et l’art.
A l’occasion de l’exposition Andy Warhol organisée dans les somptueux bureaux new-yorkais de Calvin Klein, Raf Simons s’est entretenu en longueur avec le prestigieux quotidien de la ville. L’occasion pour lui d’y aborder l’état de l’industrie de la mode, son rapport à l’art et la grande pression auquel il est chaque jour confronté. Fait assez rare dans le milieu, le designer belge a fait part des doutes qu’il a pu ressentir lorsque l’on critiquait son travail : “J’avais tendance à être très fragile lorsqu’on réagissait à mes créations, mais je me suis de plus en plus en paix avec l’idée qu’une critique peut être positive, car elle engage un dialogue.”
Il poursuit sur ce même thème : “Je dois adapter mes réactions à tout ça et comprendre les réactions des entreprises pour lesquelles je travaille. Beaucoup de marques semblent plus intéressées par la réaction de millions de personnes que je connais à peine.” Âgé de 50 ans, le natif de Neerpelt a assisté à de nombreuses évolutions au cours de sa riche carrière, qu’elles soient créatives ou technologiques. Des évolutions qui influent évidemment sur son travail quotidien, comme il le confie au Times : “Maintenant, tout doit se dérouler sur un petit écran, dans l’instantané. Ce n’est pas difficile de créer quelque chose qui rend bien sur un petit écran. Et ensuite, dans la réalité, ça devient un désastre quand c’est porté par quelqu’un.” Selon lui, c’est la nature même de la mode et de la haute-couture qui a changé au cours des dernières années.
“À Antwerp, j’ai plus de temps pour être tranquille et pour dessiner dans mon coin. À New York, je n’ai pas le temps de poser les choses. Tout est organisé et mis dans l’agenda. Tout le monde s’agite, l’intensité est toujours présente. Chez Dior, j’avais le même sentiment de course contre la montre, d’être pressé par le temps” explique Simons, visiblement usé par la pression constante à laquelle il est soumise depuis des décennies de succès dans l’industrie de la mode. Interrogé sur le paradoxe de ressentir ces choses là et le fait de travailler pour les plus grandes maisons mondiales, le créateur belge se livre avec sincérité : “C’est mon choix et donc ma responsabilité. Visiblement je suis attiré par ça (…) J’admire les gens qui ont une opinion, même si elle va à l’encontre de ce en quoi je crois. Le problème est que maintenant dans la mode, tout ce que l’on fait est immédiatement jugé.” Difficile de lui donner tort.
Après avoir fait part des appréhensions et de sa vision de l’industrie de la mode de notre époque, Raf Simons a évoqué en longueur son rapport à l’art : “Dans les trois ou cinq choses qui m’importent le plus dans la vie, mis à part la famille et l’amour, l’art est sans conteste le numéro 1. C’est bien plus important que la mode.” Il explicite sa pensée, en faisant part des aspirations artistiques : “Je n’arrête pas de penser à ce que j’aimerai faire en dehors de la mode. Faire des films, créer des oeuvres, le simple fait de créer quelque chose. Dans la mode, le travail de designer a tellement changé.”
Tellement changé que Raf Simons avoue sans problème ne plus se reconnaître dans cette dénomination : “J’y pense tous les jours. Est-ce que c’est vraiment ça que tu fais ? D’une certaine manière, je ne pense pas que je sois un créateur de mode. J’avais l’habitude de m’énerver quand les gens disaient que je faisais ça. Maintenant ça m’est un peu égal.” Il conclue, en expliquant que même si l’art et la mode fonctionnent ensemble, le rapport de force entre les deux domaines ne sera jamais le même. “S’il y a un lien entre la mode et l’art, la supposition est que le designer veut exploiter l’art dans un but commercial. Personne ne pense que l’artiste exploite le designer” confie-t-il.
Finalement, c’est ce côté mercantile et stratégique qui semble déplaire à Simons : “Parfois je me dis que ça doit être génial d’être capable d’apporter des nouvelles idées comme ça et de ne pas avoir à les penser dans leur relation à une structure professionnelle et économique.” Le belge est définitivement un homme à part dans l’univers de la haute-couture.
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