Après avoir annoncé cette semaine que leur dernière production nommée Bird Box avait réussi la meilleure semaine de démarrage de l’histoire de la plateforme (à titre de 46 millions de visionnages), Netflix attisait la curiosité des plus hésitants. Période de fin d’année, casting relevé, gros budget : tout était réuni pour délivrer un blockbuster digne de ce nom. Seulement, quelques minutes après le visionnage, des doutes subsistent quant à la volonté du géant américain de proposer une vraie idée de cinéma. La logique de production interne de Netflix est-elle uniquement basée sur un algorithme ?
Commençons par les aspects positifs du film. La bande originale, plutôt correcte, tient son rôle tout au long du film afin de maintenir l’audience concernée. En terme de casting, Sandra Bullock est impeccable dans son personnage. Actrice reconnue, elle porte le film avec talent et permet à la plateforme de s’adresser à toutes les générations. Le choix est payant. Le talentueux Trevante Rhodes l’accompagne, lui qui s’était fait connaître en 2016 dans le magnifique Moonlight de Barry Jenkins. Son jeu et son charisme naturel viennent tant bien que mal contrecarrer l’aspect fade et revu de l’arc amoureux entre les deux personnages. De plus, les effets spéciaux sont plutôt de qualité pour créer l’univers post-apocalyptique proposé par le long-métrage.
Cependant, si on se penche sur les failles de Bird Box, il y a de quoi dérouler. Le scénario n’a tout d’abord rien d’innovant. La trame suit un camp de survivants replié dans une maison afin d’éviter tout contact visuel avec des entités venues changer le cours du monde. Panic Room, La Route ou plus récemment A Quiet Place se déroulaient tous les trois dans un univers à peu près semblable. D’ailleurs, la comparaison avec le premier film de John Krasinski n’est pas loyale : A Quiet Place part d’une base originale, appuyée par une bande-son prenante et une réalisation soignée. Pour Birdbox, Netflix a préféré privilégier des gros plans à l’épaule soutenus par des cuts incessants, évoquant les téléfilms aux moyens limités du dimanche après-midi.
Certains choix de casting soulèvent par ailleurs des questions. L’apparition de Sarah Paulson, connue et reconnue pour son talent, notamment dans la franchise d’American Horror Story, n’apparaît qu’une poignée de minutes dans le film sans pouvoir véritablement apporter de profondeur à son personnage. Un moyen pour la plateforme de compter dans son audience l’immense fanbase de l’actrice et d’AHS plus globalement, qui la suivent à chaque instant, à défaut de juger l’oeuvre dans laquelle est présente.
De plus, le reste des personnages de Bird Box apparaissent comme stéréotypés. Déjà nommé deux fois aux Oscars par le passé grâce à une filmographie imposante, John Malkovich tient ici un rôle sans relief et plutôt irritant. Certainement choisi pour sa capacité à cibler les “millennials”, le rappeur Machine Gun Kelly n’apporte strictement rien à l’histoire, mises à part des réflexions d’adolescent en crise face à la situation apocalyptique. Lil Rel Howery (Charlie), prometteur dans Get Out, est confiné au rôle le plus cliché du film : il est le premier à mourir, alors qu’il est le seul du groupe à posséder des informations sur les entités.
Après une entame solide, l’intrigue se perd dans des raccourcis scénaristiques qui se font nettement ressentir. L’entraide et l’amour, dans un contexte cataclysmique, peuvent évidemment être magnifiés si la vision du réalisateur dépasse celle du producteur avide d’un carton au box-office. Mais le produit offert par Nettflix est ici très consensuel, il ne prend aucun risque et cet happy-end, un poil précipité par rapport aux questionnements que soulevaient le scénario, en est la parfaite représentation.