La Station F est définitivement un lieu à part. Situé en plein treizième arrondissement, à l’endroit où l’architecture haussmannienne laisse place à la modernité du quartier de la Bibliothèque François Mitterrand, le plus grand campus de start-ups au monde marque une sorte de frontière imaginaire entre ces deux mondes. C’est dans ce temple de l’entrepreunariat que la marque aux trois bandes a décidé d’installer la Platform A, son programme international d’accélérateur de startups. Elles seront treize à intégrer ce prestigieux incubateur, où créativité et innovation seront les maîtres mots. Ces jeunes entreprises travaillent en effet sur de nouvelles idées et de nouveaux business models pour l’industrie du sport. Et alors que nous pénétrons dans la gigantesque Halle Freyssinet, lieu originelle de la Station F, il semble difficile d’imaginer un environnement plus propice au développement de ces projets.
Les 34 000 mètres carré du campus fondé par Xavier Niel nous laissent entrevoir des centaines d’entrepreneurs affairés au travail, dans des open-spaces, des box de réunion ou encore dans des jungles artificielles. Une véritable fourmilière de l’entrepreunariat donc, dans laquelle Pharrell Williams est de passage aujourd’hui. Égérie phare d’adidas, élevé au rang de “visionnaire” par la griffe allemande, le natif de Virginia Beach est en charge de l’inauguration de la Platform A. Inutile de s’étendre sur les raisons de ce choix lorsque l’on connaît la carrière d’un homme aussi habile micro en main que derrière une table de mixage ou dans un atelier de création. Casquette rose pâle sur le crâne, crewneck vert pomme sur le dos, ceinture Chanel à son effigie à la taille, Pharrell ne passe pas inaperçu dans le décor policé de la Station F.
À peine a-t-il le temps d’engloutir quelques slices d’une magnifique pizza sortie tout droit des fourneaux de la célèbre Felicità, elle aussi hébergée dans la Station F, Pharrell Williams prend place dans un fauteuil à l’allure confortable pour répondre à nos questions. “Je n’ai rien vu de tel ailleurs dans le monde” déclare-t-il en préambule, visiblement impressionné par le campus parisien. “C’est fou, tout ce complexe dédié à l’entrepreunariat. Le premier truc qui m’est venu à l’esprit en voyant ça c’est qu’il nous en faut un chez moi, en Virginie. Pas à New York, pas à Los Angeles, non, en Virginie” poursuit-il en esquissant un sourire. Présent dans la capitale à l’occasion de la Fashion Week, Pharrell avoue dans la foulée vouer un véritable culte à la Ville Lumière : “Je ne suis pas surpris qu’adidas ait choisi Paris pour lancer ce fabuleux projet. Paris trouve toujours le moyen d’être en première ligne lorsqu’il s’agit de créativité. Pour beaucoup d’aspects, Paris est le berceau de l’art.”
Selon lui, aucune ville ne peut rivaliser avec la capitale sur le plan culturel : “Les allemands ont des arguments à faire valoir, les anglais aussi, mais Paris respire l’art comme nul autre endroit. Vous pouvez trouver de l’art en Grande-Bretagne, en Amérique, partout. Ici, vous ressentez l’art. Vous ressentez la mode, vous ressentez la musique, vous ressentez n’importe quelle discipline artistique instantanément. Ça vous entoure en permanence.” Inspiré par son environnement, Pharrell nous donne ensuite sa définition propre de la créativité, reconnaissant volontiers qu’il s’agit là d’une question difficile. “C’est une façon de s’exprimer” déclare-t-il après quelques secondes de réflexion. “La créativité, je pense que c’est le fait de créer quelque chose à partir de rien, tout en restant innovant.” Détendu et souriant, Pharrell semble comme un poisson dans l’eau, alors qu’il répond à une question sur ce qu’il peut apporter au partenariat entre adidas et la Station F.
“Je pense que je peux apporter de l’empathie aux différents acteurs de ce projet. Prendre en compte leurs avis. On réalise des choses positives en écoutant ceux qui nous entourent” confie-t-il avec sincérité, avant d’expliquer que le fait de travailler en partenariat permettait d’obtenir de biens meilleurs résultats qu’en restant seul dans son coin. Outre ses casquettes d’artiste adulé et de producteur respecté, Pharrell Williams n’en demeure pas moins un styliste et homme d’affaires talentueux, comme il l’a prouvé du côté d’adidas, de Chanel ou de sa marque Billionaire Boys Club. Rien d’illogique donc dans le fait de voir l’artiste américain donner de précieux conseils aux start-ups qui vont intégrer la Platform A. “Quand vous débutez dans le business, ce n’est que des essais et des erreurs. Ce n’est vraiment que ça” avoue-t-il, en précisant qu’il s’était personnellement impliqué dans la supervision des entreprises choisies pour intégrer ce programme. Il poursuit : “C’est la meilleure chose qui puisse arriver à votre projet, parce que vous apprenez ce qui va fonctionner et ce qui ne va pas fonctionner. Il faut être prêt à affronter ça, dans un sens comme dans l’autre.”
Et alors qu’un froid polaire fait grelotter la France depuis quelques jours, Pharrell ne manque pas de se lancer dans un plaidoyer en faveur de l’environnement. “Il faut se préoccuper de notre planète, de notre humanité. Il nous faut un bon éco-système, un air pur et des personnes en bonne santé. On dépend de la planète, il est nécessaire que les grandes entreprises la respectent” lance Pharrell avec de l’espoir dans les yeux. Il continue son plaidoyer, qui ne peut pas être plus d’actualité, étant donné les crises sociales que traversent actuellement de nombreux pays : “Une entreprise doit agir en fonction de ce qu’il se passe dans le monde. Des marques clament qu’elles ne font pas de politique ? Ça signifie qu’elles ne portent pas d’intérêt au quotidien de leurs consommateurs.” Le message est passé.
Pharrell conclue alors son développement avec des paroles lourdes de sens : “Sans les ressources que nous offre la Terre, il n’y aura plus d’inspiration pour créer quoi que ce soit.” Les minutes ayant défilé à vitesse grand V, il est temps pour lui d’aller prendre place sur la grande scène montée à l’occasion de la keynote d’adidas. Accompagnée par des cadres français et internationaux de la marque, réunis devant une foule compacte, Pharrell livre une ultime pensée sur le programme lancé par la griffe qu’il représente : “Nous ne voulons pas construire de murs. Nous voulons les faire voler en éclats.” Les treize start-ups de la Platform A savent ce qui leur restent à faire.