Le rôle du Joker est devenu un terrain d’expérimentation pour les plus grands acteurs du circuit. Jack Nicholson, Heath Ledger ou encore Jared Leto se sont plongés au fil des années dans la psychologie sombre, complexe et jouissive du clown prince du crime. Onze années, déjà, se sont écoulées depuis l’Oscar posthume du meilleur acteur secondaire attribué à Heath Ledger pour son interprétation dans The Dark Knight. Au-delà de sa performance légendaire, c’est également à cet époque que DC Comics pouvait se confronter aux blockbusters de Marvel, avec l’aide de Christopher Nolan. En terme d’univers créé, cette trilogie n’avait rien à envier aux prémices du MCU (Marvel Cinematic Universe).
Mieux encore : elle était clairement au-dessus. Depuis, le studio produit des films décevants, tels que Batman vs Superman ou Suicide Squad, à cause d’une incohérence créative qui perdure depuis le départ de Nolan. Délaissant psychologie et symbolisme au profit d’une volonté d’action et de dynamisme rappelant les productions ennemies, le résultat final est souvent fade et sans relief. Le studio souhaite cependant rebondir et laisse place à des réalisateurs comme James Wan sur Aquaman récemment. Et il semble que Joker soit dans cette lignée : celle d’insuffler un nouveau souffle à un studio qui souffre désormais de la comparaison avec Marvel.
Joaquin Phoenix en chef de file
Joker se déroulera dans un univers cinématographique totalement différent de celui des précédents films du DC Universe, afin de se démarquer des échecs précédents. La Warner a d’ailleurs décidé de se concentrer sur les Origin Stories, récemment visibles avec les sorties de Wonder Woman et Aquaman. Un nouveau départ prometteur mais risqué en raison de la popularité du Joker, incomparable à celle des deux super-héros évoqués précédemment. Des peurs qui sont toutefois limitées par une distribution impressionnante. Tout d’abord Joaquin Phoenix (Her, The Master), l’un des meilleurs acteurs de sa génération, qui rassure sur sa capacité d’adaptation émotionnelle à travers le trailer dévoilé aujourd’hui.
Phoenix commence le film dans le rôle d’Arthur Fleck, un homme relativement calme mais confronté à l’échec. Il n’a aucune perspective professionnelle, ni d’amis ou de femmes dans sa vie, en dehors de sa mère dont il doit encore s’occuper. Pas de possibilité d’exploiter son for intérieur – jusqu’à ce qu’il découvre la trappe de la folie. Son interprétation du Joker sera liée à celles de Heath Ledger et de Nicholson. Il en est conscient : l’acteur originaire de Porto Rico ne fonctionne que de cette façon, être animé par l’inaccessible et la grandeur. Qui de mieux que lui pour assumer ce rôle ?
Une autre approche du Joker
Robert DeNiro (The Godfather Pt. II, Raging Bull), Zazie Beetz (Atlanta, Deadpool 2), Brian Tyree Henry (Atlanta, If Beale Street Could Talk) et Frances Conroy (AHS, Aviator) l’accompagnent. En définitive, un éventail de talents à diriger et à polir pour l’équipe technique et le réalisateur, Todd Philipps. Ce dernier, connu notamment pour la franchise Very Bad Trip et ses talents de scénariste, aura beaucoup à jouer. Il a d’ailleurs cité des classiques de Martin Scorsese comme Taxi Driver et The King of Comedy comme sources d’inspiration pour son incursion dans le genre des super-héros, et à part la présence de Robert De Niro lui-même, ce film semble être le récit d’un homme écrasé par la société. Comme Travis Bickle avant lui, Arthur Fleck doit finir par craquer.
D’après les images du trailer, le film semble en effet étudier en profondeur les origines du célèbre villain plutôt que de s’attacher à raconter ses exploits (ou méfaits) comme un film de super-héros typique. La photographie, les lumières et la production globale rappellent le cinéma de Lynne Ramsay, notamment dans You Were Never Really Here, elle-même inspirée par Taxi Driver. Le tournant artistique de Phillips peut être la variable qui détermine si ce film est un succès ou un autre film décevant à DC. Fort heureusement, d’autres variables sont au vert.
Freddie Quell (The Master), Theodore Twombly (Her), Abe Lucas (The Irrational Man), Joe (You Were Never Really Here) et désormais… Arthur Fleck. Le sort de Joker repose en grande partie sur les épaules de Joaquin Phoenix. La vision plus humaine du villain de DC Comics apparaît comme la différence pouvant créer une spirale positive pour le studio. Le temps accordé au développement psychologique et à la transformation rendront compte du talent de Joaquin Phoenix, maître de l’émotion et d’une vulnérabilité blessée et criante. Rendez-vous le 4 octobre.