En août 2016, le mystérieux chanteur provoquait un véritable séisme dans l’industrie musicale. En sortant coup sur coup l’album visuel Endless et l’album “classique” Blonde, Frank Ocean avait offert deux magnifiques cadeaux à ses fans. Sauf que derrière ce duo d’offrande, se cachait une manoeuvre stratégique parfaitement calculée. L’ancien membre d’Odd Future avait en effet dévoilé Endless quelques heures avant Blonde afin d’honorer son engagement avec le label Def Jam, une branche d’Universal Music Group, soit le plus grand géant de l’industrie du disque. Débarrassé de ses obligations contractuelles, Frank Ocean avait pu publier son véritable album en indépendant, sur son propre label BoysDontCry, et ainsi engranger un véritable pactole financier.
Quasiment trois ans plus tard, le natif de Long Beach est revenu sur ce tour de passe-passe qui avait défrayé la chronique. Mis à l’honneur par Dazed Magazine, qui avait convié une vingtaine d’artistes à lui poser les questions de leur choix, Frank Ocean a évoqué cet événement grâce à la question du rappeur JPEGMAFIA : “Qu’est-ce que tu as ressenti en ba*sant ton label comme ça ? Tous ces vieux blancs nous font ça tout le temps, donc qu’est-ce que ça faisait de leur faire vivre un truc qu’ils ont inventé ?” Plus loquace que lors du reste de l’interview, Frank Ocean avait vraisemblablement envie de se confier.
“Tu sais, c’est marrant de parler de ça parce que je ne pouvais pas réellement l’évoquer pendant plusieurs années” explique-t-il, avant de poursuivre ses confessions : “Je ne pouvais pas le dire au label évidemment. Mais d’un autre côté, je ne pouvais pas en parler à Apple parce que c’est un petit milieu et la nouvelle serait arrivée aux oreilles du label, c’est sûr. Donc je l’ai gardé pour moi et pour quelques proches.” Obligé de ruser et de se faire discret sur ses futurs projets, Frank Ocean se montrait alors extrêmement prudent, comme il l’explique dans la suite de sa réponse : “Je me baladais en permanence avec mes disques durs lorsque j’étais en déplacement car je ne stockais rien en ligne. Ces disques durs étaient devenus des représentations physiques de tout ce qui était en jeu à ce moment là. Si les fichiers avaient leaké, tout ce serait passé différemment pour moi.”
Il conclue finalement ses explications, non sans humour : “Quand le mois d’août est arrivé et que les deux projets ont été mis en ligne, je me suis senti euphorique. Mais j’avais surtout besoin de dormir. J’ai probablement dormi pendant une quinzaine d’heures après ça.” Une preuve de plus que Frank Ocean est définitivement un artiste à part, aussi bien sur le plan musical que sur celui de la réflexion stratégique.