Dimanche dernier, plus de 22 000 coureurs s’étaient donnés rendez-vous à Paris pour participer au plus prestigieux 10 km de France. Avec un trajet conçu pour mettre à l’honneur les plus grands monuments parisiens, de l’Opéra au Louvre en passant par la Tour Eiffel, adidas avait décidé de frapper un grand coup. Pour l’occasion, l’organisateur du 10K de Paris avait invité plusieurs de ses ambassadeurs, comme le quintuple champion olympique de biathlon Martin Fourcade, la championne olympique de boxe Estelle Mossely ou encore Stéphane Diagana, légende vivante de l’athlétisme français.
Premier français à avoir été sacré champion du monde d’athlétisme, l’ancien sprinteur devenu commentateur pour France Télévision a couru le 10k de Paris aux côtés de milliers d’anonymes, pour son plus grand plaisir. Une fois sa course terminée et notre récupération achevée, Stéphane Diagana a accepté de répondre à quelques questions sur la pratique du running, avec une problématique claire : comment se (re)mettre à la course à pieds ? Entretien.
Comment as-tu ressenti la course ?
C’est vraiment sympa, on a la chance d’évoluer dans un super parcours, avec une belle ambiance, une belle énergie. Le 10 kilomètres est un format vraiment sympa, parce que ça permet d’avoir une grande variété de participants.
On se faisait la même réflexion en courant ! Il y a vraiment de tout, des jeunes, des moins jeunes…
C’est la distance de course la plus accessible, certains sont là pour faire un bon chrono ou simplement une vraie performance, mais énormément de gens sont aussi là pour se prouver qu’ils peuvent le faire.
Ça ne te fait pas un peu bizarre, après toute ta carrière de pro, de courir avec des amateurs ? Ça arrive qu’on t’arrête pendant la course ?
Oui des gens mes reconnaissent, ils ont toujours un petit mot sympa ! (rires) Mais pour répondre à ta seconde question, ça ne me fait pas bizarre parce que je me suis mis à l’athlétisme parce que j’aimais courir quand j’étais gamin. C’est un véritable retour à ce qui m’a fait aimer mon sport.
C’est une passion qui a toujours été présente chez toi ?
Ce qui est sûr, c’est que ça ne s’est pas arrêté au moment où j’ai arrêté ma carrière sur la piste. Ça me rend heureux de courir. Je cours toujours, j’adore cette énergie. J’aime aussi regarder les gens courir, regarder comment ils courent, checker leurs appuis (rires). Il y a une telle diversité dans la façon de courir ! J’ai toujours cet oeil là quand je cours, surtout quand je cours dans un rythme un peu plus tranquille, j’ai le temps d’observer. C’est génial de voir les gens engagés physiquement et mentalement. Dans notre vie, on est souvent engagé en étant assis à son travail, on est davantage engagé mentalement que physiquement. Dans le running, ces deux éléments sont impliqués. Et voir les gens impliquer dans ce sport, ça fait plaisir.
C’est quelque chose que tu perçois clairement ?
Que ce soit au départ, à l’arrivée ou pendant la course, tu sens que les gens sont heureux de bouger, heureux de s’engager, de sentir leur coeur battre un peu plus vite, de sentir leur souffle, de reprendre contact avec leur corps. Il n’y a pas que le running qui permet ça évidemment, mais ce sport est tellement accessible… Je crois que c’est ce que les gens aiment, ils redécouvrent leur corps, ils le découvrent pour certains, le tout avec bonheur.
On peut dire que le running est le sport le plus universel au monde ?
C’est une discipline très libre, c’est ce qui contribue à son développement. On vit des vies avec peu de temps, avec beaucoup de déplacement, beaucoup de contraintes. C’est toujours plus facile de se trimballer une paire de running qu’une raquette de tennis avec un partenaire humain (rires).
Quels conseils donnerais-tu à quelqu’un qui voudrait se lancer dans le running mais qui n’ose pas ?
Je lui dirai que c’est un sport qui est vraiment accessible à tout le monde. On peut se redécouvrir des capacités physiques, mais il faut y aller progressivement. Plus on s’est arrêté longtemps, plus il faut être patient et mesuré dans la reprise. Ça veut dire que courir 30 minutes tous les jours, ce sera trop. On peut très bien commencer en courant tous les deux jours pendant 10 minutes, avant de prendre son petit-déjeuner, tranquillement. Et dans ces 10 minutes, on peut alterner entre de la marche et de la course. Après ça, on ajoute un petit peu plus de régularité, un petit peu plus de durée, de fréquence et ça va tout seul. Le plus dur pour beaucoup de gens c’est le fait d’accepter de repartir de pas grand chose. Mais pas grand chose, c’est déjà beaucoup quand on a rien fait depuis longtemps.
Il faut donc fonctionner par paliers, où chaque avancée est une petite victoire ?
Prends quelqu’un qui, tous les 3 jours, lace ses chaussures et se dit le matin : “Avant mon petit-déj’, je vais aller marcher 10 minutes.” Si la personne fait ça 2 fois, 3 fois par semaine, c’est déjà bon signe car ça montre qu’il a inscrit l’activité physique dans sa routine. Pour que ce soit plaisant et qu’on le fasse dans la durée, il faut que ce soit facile, il ne faut pas que ce soit quelque chose de difficile, qui nous rebute. Une fois cette étape passée, comme par hasard, on trouve le temps, on progresse et on s’engage plus. On ne peut pas immédiatement demander de la fréquence, c’est à dire courir 5 fois par semaine, de la durée, comme courir en 45 minutes, et de l’intensité en même temps. C’est impossible. Donc il faut accepter d’avoir un peu moins de fréquence, courir moins souvent dans la semaine, mais le faire de manière régulière. Un peu moins de durée aussi, ne pas faire des sorties de 30 minutes, mais plutôt viser du 10-15 minutes de course au début. Pour diminuer en intensité, on peut alterner entre des phases de marche et de course. Quand on a installé cette routine, on peut ensuite la changer, augmenter la durée, l’intensité et la fréquence.
Il est coutume de dire qu’écouter de la musique en courant peut se révéler piégeux, en causant des changements de rythme ou d’état d’esprit. Où te situes par rapport à ça ?
Ça peut être un piège c’est sûr, mais ça peut également être une aide. Ma femme a des amis qui, quand elles se sont mises à courir courir, ne sortaient que dans les conditions idéales : beau temps, musique dans les oreilles, en groupe… Jamais elles ne pouvaient y aller seules par mauvais temps. Et puis au fur et à mesure de leur progression, même si il pleuvait, elles y allaient, elles n’avaient même plus besoin de musique pour se motiver. La musique peut beaucoup aider un runner débutant parce que il y a des gens qui trouvent le temps long lorsqu’on courre et ça peut se comprendre ! Personnellement je ne ressens pas vraiment ça, je trouve qu’il se passe toujours des choses, je ressens une infinité de choses et je n’aime pas être perturbé par de la musique, alors que dans la vie de tous les jours je suis un vrai passionné de musique. Quand je cours, je veux être complètement à l’écoute de mon corps et ne surtout pas être perturbé par de la musique.
Par essence, le running est quand même le sport le plus individuel au monde car tu fais face à l’effort tout seul, sans coéquipiers. Mais dans une course comme le 10k de Paris, on voit énormément de groupe de potes, de crews de runners, de couples… Ce serait finalement un sport social ?
Dans l’athlétisme, il y a parfois des liens plus forts qui se créent en club chez les gamins que dans les sports collectifs. Avec le running, c’est exactement pareil. En se découvrant soi-même, on découvre quelque chose qui est universel. Peu importe si on courre un marathon en 2 heures ou en 5 heures, on vit la même chose à 90%. Et donc au final on se comprend totalement, peu importe le niveau. Je peux raconter une anecdote que j’aime bien et qui explique bien ce phénomène. J’étais au départ du marathon de Londres et le pote avec qui je devais le courir a du déclarer forfait au dernier moment. J’étais tout seul parmi des milliers de personnes. Tout seul face à mon objectif de le courir en 3 heures. Je pars, il y a beaucoup de monde. Au bout d’un moment, je vois quelqu’un a côté de moi. Je vois bien qu’il m’emboite le pas. Je me retourne, je le regarde et là il me fait, en anglais : “3 hours?”, donc je lui réponds “3 hours” et il me dit “Okay, let’s go.” On y va, je ne le connaissais absolument pas. Il me dit qu’il est écossais, qu’il a déjà fait le marathon de Londres en moins de 3 heures… Au fil de la course je l’attends, il m’attend, je l’attends, il m’attend. À 2 kilomètres de l’arrivée je sens mes mollets qui commencent à se durcir et je vois que de son côté il est bien. Je lui dis d’y aller et il me répond “non non je t’attends.” Je lui dis que de toute façon je vais finir tranquille, qu’il peut vraiment y aller. Il part devant, on termine, on prend la médaille, la couverture de survie. Je remonte la ligne et je retrouve mon nouvel ami écossais. Et là, on tombe dans les bras l’un de l’autre. Pourtant, on ne se connaît pas, on est en sueur, complètement dégueulasses. Je pense que ça résume bien ce qu’est ce sport. On vit des choses qui sont très similaires et ça sert de raccourci pour aller à l’essentiel. Quand tu cours, il n’y a plus de statut social. On peut avoir les meilleures chaussures au monde, quand on est en pas bien, on est pas bien, on est comme tout le monde. C’est ce qu’apprécie les gens, qu’on se rencontre différemment dans l’effort, qu’il y ait un langage commun qui s’installe.
Pour les plus aventureux, les pré-inscriptions pour l’adidas 10k Paris 2020 sont dès à présent ouvertes.