Veste de survêtement FILA sur les épaules et grand sourire sur le visage, Spider ZED donne immédiatement l’impression d’être quelqu’un d’accueillant. Alors qu’il vient de sortir son nouvel EP Bien ou quoi il y a un mois, le rappeur parisien nous reçoit chez lui afin de discuter de ce projet, de sa carrière et de… Carla Bruni. À peine a-t-il bu une gorgée de café et tiré sur sa roulée que Spider ZED nous fait part de l’un de ses objectifs de carrière : “Je voudrais faire une collab’ improbable, avec un vieux chanteur français super connu ou une artiste comme Carla Bruni.” Il poursuit ses explications : “L’idée c’est de faire un duo à la Booba et Christine and the Queens. Le genre d’association où quand tu lis le featuring tu te dis que c’est une blague. L’autre solution, ce serait de faire un truc avec un rappeur hyper street”. “Pour jouer sur le contraste avec ma personnalité qui ne l’est pas du tout” précise-t-il en rigolant. Son style à lui ? “Assez enfantin, assez mignon et surtout très sincère” selon ses dires.
L’écoute des sept morceaux qui composent Bien ou quoi confirment en tout cas cette description. Doux, voire onirique, sur le plan musical, tout en étant désabusé et très concret sur le plan lyrique, l’univers de Spider ZED est un savant brassage d’univers. Enregistré entre octobre et avril, ce nouvel EP a vocation à être un palier de plus dans l’ascension du parisien. Un chemin entamé à l’adolescence, lorsque le jeune Marin, de son vrai nom, passe des heures à analyser le flow et les textes des différents participants des Rap Contenders. “J’écoute du rap depuis mes 10 ans. Mais quand ce truc a commencé, quand on a vu un gars comme Nekfeu, on s’est tout dit qu’on pouvait rapper aussi alors qu’on était terriblement nul” explique-t-il dans un grand éclat de rire. Avec une bonne dose d’auto-dérision, Spider ZED continue ses explications : “J’écrivais des trucs éclatés parce que je voulais avoir l’air cool, c’était vraiment nul et c’est là que je me suis dit qu’il valait mieux faire des choses qui me ressemblent.”
Avec une jeunesse passée dans les rues de la capitale, marquée par des artistes comme Orelsan, VALD ou encore Hippocampe Fou, Spider ZED comprend rapidement que la musique est aussi bien une affaire de forme que de fond : “La première fois que je me suis dit que je pouvais me reconnaître dans des textes de rap c’était avec Perdu d’avance d’Orelsan. C’était plus que le simple fait d’aimer la musique, c’était surtout le fait de se reconnaître dedans.” Beaucoup moins influencé par le rap US, “qui ne partage pas les mêmes codes et qui ne permet pas vraiment de s’identifier”, Spider ZED assume totalement son besoin de se sentir proche d’un artiste et de son univers pour pouvoir l’apprécier. Voilà pourquoi le rappeur parisien explique être inspiré et écrire “sur la vie, tout simplement.” Il se met alors à prendre des notes sur les péripéties que peut rencontrer un jeune adulte de notre époque, entre peines de coeurs et galères de la vie quotidienne.
“Des jeunes qui se sentent un peu nuls, qui se disent ‘oh merde, on a grandi, on a des responsabilités, qu’est-ce qu’on fout ?’, il y en a beaucoup ! Donc c’est une musique qui peut toucher pas mal de gens” confie Spider ZED dans un sourire. Ce parti-pris artistique lui permet donc de pleinement s’exprimer, même s’il peut également fermer certaines portes, comme Marin nous l’explique : “J’ai eu des rendez-vous avec une grande maison de disque et le patron m’avait dit que je devais vraiment commencer à écrire sur les autres, écrire des morceaux qui fédèrent les gens. Je lui ai dit que c’était une bonne idée, mais au fond je sais que je n’y arriverai pas.” Évoluant en indépendant depuis le début de sa carrière, Spider ZED juge cette situation “formidable” pour la liberté artistique sans limite qu’elle lui offre.
Outre ses textes profondément introspectifs, l’univers musical du rappeur se distingue par des productions souvent délicates, voire enfantines. “Je bosse toujours la prod’ en premier” révèle-t-il en hochant la tête. “Je fais tout tout seul chez moi. Je trouve les accords, j’ajoute des percussions, et si ça m’inspire, je me mets à écrire dessus.” Ce goût pour la composition, et plus globalement pour une certaine musicalité dans le rap, lui vient de son enfance, où tout ne s’est pas passé comme prévu. “Je voulais faire de la guitare quand j’étais gamin, mais au final je ne m’y suis jamais mis. Je voulais être une rockstar, mais appremment il faut commencer par la guitare acoustique et ce n’est vraiment pas ce que j’avais en tête. Je ne voulais pas devenir Michel Delpech, même si respect à lui” se remémore-t-il avant d’éclater de rire. Une décision qui amènera Spider ZED à se lancer dans la production sans aucune notion de solfège ou de rythmique. “Mes premières prod’ c’était uniquement des samples. Les basses étaient hyper fausses car je ne comprenais rien aux notes. C’était terriblement nul” dévoile-t-il, avant d’expliquer qu’il a ensuite appris sur le tas, à force de travail et recherches Google.
Il sortira son premier projet “officiel” en 2017 avec Mes Ex. Suivront les EP Figurine, Pas si sûr et donc, Bien ou quoi, il y a seulement quelques semaines. Une progression naturelle selon lui, qui correspond à ses aspirations de jeune rappeur, qu’il avoue avec sincérité : “Pendant longtemps, tu ne te rends pas vraiment compte de combien la musique rapporte. Quand tu commences à avoir des revenus sur les plateformes de streaming, tu te dis que tu peux doubler, tripler ça. Tu commences à faire tes calculs et à te fixer divers objectifs.” Shooté par sa petite amie, produit par lui-même, auto-réalisateur de ses clips… Spider ZED évolue donc en totale autonomie dans l’industrie musicale. Il ne demeure pas moins proche de certaines personnalités du rap français, en étant membre du High Five Crew ou encore en assurant une première partie de la tournée de son pote Lord Esperanza.
Lorsqu’on l’interroge sur ces expérience scéniques, le parisien se montre partagé. Toujours aussi transparent et honnête, Spider ZED s’explique : “Il y a fois des fois où c’est vraiment terrible. Les mecs du public en ont rien à foutre de ta gueule, c’est la pire sensation au monde. C’est des dates où tu as l’impression que rien ne va, même la salle te semble dégueulasse. Le truc, c’est que tu dois faire le show, il y a quand même toujours 2-3 personnes qui sont venus pour toi.” Ces nuits compliquées sont toutefois loins d’être monnaie courante, comme il nous le confie en suivant : “La première partie de Lord Esperanza, c’était cadeau. Les gens me connaissent, ils étaient trop contents, c’est un bordel incroyable.” Spider ZED reconnaît finalement se nourrir de chaque expérience, qu’elle soit bonne ou mauvaise. L’important est de grandir.
Et alors que notre entretien touche à sa fin, le rappeur nous fait part de ses projets à court et moyen terme : “Je me dis qu’il faut que je sorte soit un nouvel EP, soit un nouvel album. Dans ma tête je me dis ‘bon ça fait 3 EP, on va peut être faire un album !’ Sauf que si j’ai envie de sortir 7 titres, ce sera un autre EP. Si je me lance dans un album ça veut dire qu’il faut que je produise tout, que je fasse des sons pendant un an. Je n’ai pas envie de disparaître pendant aussi longtemps.” Il n’est en tout cas pas question de signer dans une grande écurie pour le moment, album ou pas. “Je pense que pour passer un cap à un moment, tu es obligé de signer au moins en distribution” déclare le rappeur, avant de poursuivre son raisonnement : “Prends les grosses playlists de Spotify. À moins que tu aies un buzz complètement viral, jamais ils ne mettront un indépendant dedans. Ils s’en foutent de ta gueule. Je n’ai jamais signé nul part donc je ne peux pas vraiment parler de ce que je ne connais pas. Ce que je sais par contre, c’est que je me sens bien comme ça.” Un atout de plus dans la manche d’un artiste aussi prometteur qu’intéressant.
Le dernier projet de Spider ZED Bien ou quoi est à (re)découvrir ci-dessous.