Cela n’aura échappé à personne, le custom et le vintage n’ont jamais semblé aussi en vogue. Qu’il soit question de mode éthique ou tout simplement de style pur, les amateurs de pièces OG et personnalisées sont au centre des débats de la mode actuelle. En lançant sa campagne “Waffleheads”, Vans a tenu à mettre à l’honneur ces collectionneurs, artistes et créatifs de tous horizons qui ont fait du textile et des sneakers un support d’expression à part entière.
À l’occasion de la dernière Paris Fashion Week, la marque californienne de skatewear organisait un événement mettant à l’honneur les “Waffleheads” du monde entier. Au programme : Talk, exposition et atelier de customisation de pièces animé par Patta. C’est dans ce cadre d’exception que nous avons pu rencontrer Ryan Hawaii, l’un des invités du Q&A sur la culture sneakers dans notre société actuelle. À seulement 25 ans, ce designer londonien a déjà collaboré avec Virgil Abloh et ne cesse d’électriser la mode britannique grâce à ses créations anarchiques et résolument punks. Collectionneur invétéré de Vans et connu pour ses créations DIY, Ryan Hawaii a répondu à nos questions sur la créativité, l’industrie de la mode et sur ce qui rend une pièce iconique.
Peux-tu te présenter à nos lecteurs ?
Je m’appelle Ryan Hawaii, je suis un artiste et designer qui est originaire de Londres. Je suis connu pour mes créations custom et pour essayer de mixer les mondes de l’art, de la musique et de la mode.
Par quoi es-tu inspiré quand tu crées ?
Je suis un grand fan de Basquiat, de ce qu’il représente dans l’histoire de l’art et de tout le mouvement artistique qu’il a entraîné avec lui. Je m’intéresse aussi beaucoup à la philosophie, à la méditation… Je ne pourrai pas dire avec précision ce qui m’inspire, mais je sais que beaucoup de choses m’influencent.
Tes créations sont flashy, bruyantes, clivantes. Qu’est-ce que tu souhaites exprimer ?
Cet aspect DIY vient du fait que j’ai une “personnalité DIY” (rires). J’ai toujours aimé customiser mes vêtements et inventer des pièces qui n’existaient pas auparavant. Je pense à quelque chose, j’ai cette image mentale qui se forme dans ma tête, et j’essaie de la reproduire au mieux dans la réalité.
Quelle est ton rapport à Vans en tant que marque ?
Je porte des Vans depuis que je peux me payer des chaussures ! Réfléchissons cinq minutes. Ce sont des sneakers abordables, d’excellente qualité, avec des designs toujours cool. C’est un incontournable.
Que penses-tu de la démocratisation du skatewear dans la mode ?
C’est sûr que ça doit déranger certains skateurs. Mais si vous aimez le skate, que vous pratiquez toute votre vie, au final vous aurez toujours plus de légitimité en portant du Vans que quelqu’un qui suit simplement la tendance.
L’esthétique punk est également une pièce centrale de ton travail, d’où te vient cette passion ?
Je viens de Londres, d’East London, toute ma vie j’ai vu des gens qui peignaient sur leurs t-shirts (rires). J’aime l’esprit punk, leurs idées, leur esthétique. C’est quelque chose qui m’a toujours naturellement attiré. J’adore mixer les influences. Prendre quelque chose qui vient de la culture punk, l’associer à un élément pop culture, tout en le mixant avec un truc du monde de l’art… C’est ce qui me plaît.
Tu disais que la musique t’inspirait. Quels genres écoutes-tu ?
Beaucoup de hip-hop, à la fois britannique et américain. Pas mal de trucs old-school. J’écoute aussi pas mal de jazz, de reggae, de soul. Ma dernière claque, c’est le nouvel album de Skepta. C’est un bon pote en plus, il m’encourage beaucoup.
C’est un art qui t’inspire pendant le design ?
Bien sûr, dans mon studio il y a toujours de la musique qui tourne. Tout le monde passe ce qu’il aime, c’est génial car comme ça on découvre de nouveaux genres et on peut en apprendre plus sur les autres en découvrant la musique qu’ils aiment.
As-tu besoin de musique pour créer ?
Je ne dirai pas que j’en ai “besoin”, mais le son c’est le sang qui coule dans mes veines. On a besoin de nos poumons, de notre gorge, moi c’est la musique. D’autant plus maintenant, étant donné la relation qui existe entre la musique et la mode.
On a l’impression que c’est deux univers qui n’ont jamais été autant liés…
J’ai l’impression que c’est deux mondes qui ont toujours été connectés, mais pas toujours de façon officielle. Les gens qui étaient passionnés par la mode étaient toujours ceux qui écoutaient la meilleure musique. Des gars comme PNL n’auraient jamais pu être présents en front-row d’un défilé de la Fashion Week il y a 10 ans. Maintenant, on parle plus de leur présence que du défilé lui-même ! La musique a migré vers la mode et la mode a migré vers l’industrie culturelle. Virgil Abloh en est l’exemple parfait.
Vous vous connaissez bien il me semble.
Oui c’est sûr, c’est un très bon ami. Il m’a toujours encouragé, cela fait plusieurs années.
Il t’a conseillé à tes débuts ?
Pas vraiment, il m’a plutôt laissé faire mon truc. Quand il voit quelqu’un dont les créations lui plaisent, il va le laisser grandir, le pousser, mais le laisser entretenir sa flamme. Par exemple, il m’a laissé collaborer avec Off-White pour une capsule vendue en exclusivité à Selfridges à Londres, c’était une opportunité de dingue pour moi. Si je devais mettre des mots sur son rôle, je dirai que Virgil est davantage un accompagnateur qu’un mentor.
Tu as grandi à Londres. On a l’impression que c’est la ville avec le plus gros bouillonnement créatif en Europe actuellement, tu es d’accord avec ça ?
C’est très cool, j’adore cette ville maintenant. Mais jusqu’à mes 18 ans, je trouvais que c’était une ville qui pouvait être compliquée. Je viens d’un quartier difficile d’East London, c’est un environnement assez particulier. Tu apprends tout plus vite, en même temps tu n’as pas tellement le choix. À la fois, c’est une ville magnifique qui explose aujourd’hui sur les plans de l’art, de l’industrie. Au final, je suis heureux d’avoir eu la chance de grandir là-bas et de toujours y vivre.
À quel âge as-tu décidé que tu voulais devenir designer ?
J’ai commencé à créer mes premiers t-shirts à 15-16 ans, avant de m’y mettre sérieusement quand j’ai eu 20 ans. J’ai emménagé dans mon studio actuel il y a environ 3 ans et ça a changé ma vie. Ça a été un vrai tournant dans ma carrière. Avant d’être là-bas, je faisais tout depuis ma chambre. Ça a rendu le présent et les possibilités futures beaucoup plus concrets.
On parlait de Selfridges avec Virgil Abloh il y a quelques instants. J’ai lu que tu y travaillais et que tu t’étais fait virer de ton boulot à cause d’un pop-up que tu avais organisé pour vendre tes créations…
(Rires) Je n’y bossais pas. En fait, j’avais organisé un pop-up dans Londres qui avait eu beaucoup de succès. Suite à ça, j’ai décidé d’en organiser un second pop-up, à l’intérieur de Selfridges, vers le corner d’Off-White. J’avais invité plein de kids, mais j’avais gardé la localisation du store secrète jusqu’au jour de l’événement. Puis là, je vois plus de 150 gamins qui tentent d’entrer dans Selfridges pour accéder à notre pop-up, c’était n’importe quoi. La sécurité nous a viré, mais ce n’était pas du tout méchant ou quoi. Ils n’avaient juste pas anticipé qu’il y aurait autant de monde.
Justement, si tu devais établir le portrait robot de ton client type, comment le décrirais-tu ?
Ça va de 18 à 24 ans, ce sont des gens qui me connaissent car ils s’intéressent à la mode, qui ont des goûts assez pointus. Je ne suis pas encore un grand nom, donc pour l’instant j’ai plutôt un public de vrais connaisseurs.
Selon toi, pourquoi est-ce que les gens sont autant portés sur le custom et le DIY de nos jours ? On le voit bien avec les collections de Vans exposées ici.
C’est une tendance qui était complètement organique à la base. Puis, les gros labels se sont dits : “Oh m****, on peut séduire les consommateurs avec ça et faire de l’argent.” Ça marche souvent comme ça et je ne dis pas que c’est une mauvaise chose, loin de là.
Quels sont tes créateurs préférés en ce moment ?
J’adore Martin Margiela, Virgil Abloh, Samuel Ross, Ashley Williams, qui a récemment bossé avec Vans…
Quelles sont les prochaines étapes de ta carrière ?
Faire plus de présentations officielles, plus de défilés, faire plus d’argent (rires). Continuer à grandir, faire de grandes choses, c’est aussi simple que ça. J’ai encore énormément d’idées, de projets.
Dernière question, si tu devais donner un ou plusieurs conseils à quelqu’un qui souhaite se lancer dans la mode et réussir dans cette industrie ?
Trouve ce que tu aimes, ce qui t’anime. Qu’est-ce que tu aimes écouter ? Quelles sont les sous-cultures qui t’intéressent ? Plonge-toi dedans et à partir de là, ta personnalité et ta créativité prendront le relai. Ne suis pas la tendance, concentre toi sur toi et toi seul. Ça ne paiera pas tout de suite, mais ça se fera naturellement. C’est comme ça que ça doit se dérouler.
Les créations de Ryan Hawaii sont à retrouver sur son shop en ligne et sur son compte Instagram.