C’est un fait indéniable, le Nigéria compte l’une des scènes musicales les plus intéressantes du continent africain. À l’image de Wizkid ou Burna Boy, les artistes nigérians ont parfaitement su conquérir l’Occident à la seule force de leur talent. Fort de cet héritage, le dernier né de cette prestigieuse lignée créative n’est autre que le jeune Rema, un chanteur qui n’en finit plus de surprendre. Avec seulement deux EP garnissant sa discographie, le natif de Benin City est non seulement considéré comme l’un des grands espoirs de la musique nigériane, mais bien de la musique africaine dans son ensemble. Avec son style si particulier, qui l’amène à évoluer aux frontières de l’afrobeat et de la trap, le jeune artiste a connu une ascension fulgurante au cours des derniers mois. Car s’il commence à se faire un nom en cette fin d’année 2019, Rema était encore un parfait inconnu aux yeux du public européen il y a quelques mois. Décryptage d’un phénomène qui n’a pas fini de faire parler de lui.
Divine Ikubor, de son vrai nom, naît en 2000 dans la modeste Benin City, une ville de l’État d’Edo, située au sud du Nigéria. État le plus peuplé et le plus riche d’Afrique, le Nigéria est également l’un des pays les plus inégalitaires du continent, la faute à une corruption omniprésente au sein des organes de gouvernance. Rema grandit ainsi dans la pauvreté, affrontant deux terribles drames familiaux lors de son enfance. À 8 ans, il perd son père des suites d’une maladie respiratoire. Puis, l’année de ses 15 ans, Rema assiste impuissant au décès de son grand frère. Forcé de trouver un emploi afin d’aider sa mère à subvenir au besoin du foyer, le jeune adolescent se réfugie dans la foi et la religion. Profondément croyant et chrétien pratiquant, Rema se découvre un amour pour la musique en se rendant régulièrement à l’Église. C’est là qu’il commencera à chanter, d’abord dans un choeur gospel, avant de trouver d’autres adolescents avec lesquels il se met à rapper une fois le service terminé. S’il s’est tourné vers plus de musicalité au moment de franchir le pas du professionalisme, Rema a fait ses gammes dans le rap hardcore.
Après avoir gagné un télé-crochet local en duo avec un ami d’enfance, le jeune Rema se met à partager ses freestyles et ses covers sur Twitter. Un décision judicieuse, qui lui permettra de rejoindre la longue liste des pépites dénichées sur les réseaux sociaux. En début d’année, le chanteur reçoit en effet un message de D’Prince, qui n’est autre que le frère de Don Jazzy, fondateur de Mavin Records, le label référence de l’afrobeat. Rema quitte alors son Benin City natal pour la tentaculaire Lagos, la ville la plus peuplée d’Afrique. Une poignée de sessions studio suffisent à convaincre l’influent Don Jazzy de le signer dans son roster. La voix douce et enfantine de Rema, son sens inné du rythme et le soin qu’il apporte à la sélection de ses productions séduisent ainsi le boss de la musique nigériane, qui voit en lui un nouveau diamant brut à polir.
Emballé par cette signature et cette nouvelle vie à Lagos, Rema ne perd pas de temps et dévoile son premier projet en mars 2019, avec son EP éponyme. Sur Rema, le chanteur fait étalage de son talent, de ses influences multiples et de ses capacités vocales si particulières. Composé de quatre morceaux aux allures de tubes, notamment les excellents “Dumebi” et “Corny”, ce premier projet restera numéro 1 d’Apple Music Nigeria pendant de longues semaines. Souvent dansantes, parfois mélancoliques, les créations de Rema lui assurent un succès domestique instantané. “Toutes les étapes de ma carrière ont conduit à ce que vous entendez aujourd’hui”, expliquait-il dans une interview il y a quelques mois. “J’ai été rappeur hardcore, j’ai commencé à chanter il n’y a pas si longtemps. […] Mon esprit est comme une pièce où les mélodies discutent entre elles.” Bien assez tôt, la scène nigériane se fait trop petite pour lui. La conquête planétaire peut débuter.
En juillet, une autre sensation issue du net, Lil Nas X, adoube Rema en le partageant en story et en tweetant à son propos “Tu es une star bro.” C’est ensuite au tour de Barack Obama d’honorer le chanteur nigérian, en l’intégrant à sa Summer Playlist. À la fin du mois de septembre, Rema est choisi par YouTube pour intégrer le programme Foundry, un tremplin destiné aux jeunes artistes de la musique mondiale. En partie responsable de l’émergence de la popstar Dua Lipa il y a quelques années, YouTube Foundry va désormais offrir une aide financière, marketing et promotionnelle à Rema. Fort du soutien de la première plateforme vidéo au monde, le nigérian enchaîne début octobre et sort son deuxième EP, intitulé Bad Commando. Il y perfectionne la recette dévoilée sur son précédent projet, se montrant toujours aussi efficace sur un format court de quatre morceaux. Les influences africaines traditionnelles se mêlent parfaitement au flow résolument moderne de Rema, confirmant aisément les belles promesses entrevues sur son EP éponyme.
Alors qu’il confie être inspiré par des artistes américains comme Michael Jackson, Juice WRLD et Trippie Redd, Rema lorgne également du côté des piliers de la musique de son pays, Wizkid en tête. “Je respecte Wizkid et tous les autres artistes géniaux qui m’ont précédé dans l’industrie musicale” avouait-il il y a quelques mois. “Ils ont influencé et encouragé la jeunesse, cela m’inspire. Je veux juste faire la même chose à ma manière.” Car malgré le succès naissant et la célébrité nouvelle, parfois difficile à gérer à un si jeune âge, Rema n’oublie pas d’où il vient. “Ma musique est destinée aux jeunes de ma génération et aux personnes plus vieilles qui veulent se sentir jeunes de nouveau. Je veux faire voler le drapeau du Nigéria partout à travers le globe” avait-il déclaré en marge de la sortie de son premier EP. Sa conquête ne fait sûrement que débuter.
Rema sera en interview sur Views TV dès lundi prochain, pour ne pas manquer cet entretien exclusif, abonnez- vous à notre chaîne YouTube.
Prod : RadicalPR. Photo : Fanny Viguier. Marques : Wekafore, Spencer Badu, NIke X MMW, Basscoutur, Asics, Carhartt at Citadium Haussman.