Il est coutume de dire qu’il n’existe pas de mauvaise publicité. Ce n’est en tout cas pas le tumultueux 6ix9ine qui dira le contraire. Jamais dans l’histoire du rap, un artiste aura autant usé du concept du “succès de scandale” pour exister et même plus que ça : matraquer Internet de sa présence jusqu’à le rendre incontournable. À tel point que même après avoir été rendu coupable d’un crime sexuel et avoir entièrement collaboré avec la police pour faire tomber des membres du Nine Trey Gansta Bloods dont il faisait partie, il est logique de penser qu’il sera plus populaire que jamais quand il sortira de prison. Paradoxal sur la papier ? Clairement. Incompatible avec les moeurs du rap américain en 2019 ? Absolument pas. La fameuse “street credibility” n’est désormais plus un critère pour juger d’un rappeur. Aussi longtemps que la personnalité de Tekashi fascinera et générera de l’intérêt, positif comme négatif, pas grand chose ne l’empêchera de prospérer.
Il y a 15 ans encore, même le plus grand des rappeurs aurait dû faire une croix sur sa carrière dans la situation de 6ix9ine. En 2019, les choses ont bien changé. Tekashi va pouvoir se servir de cette sortie prématurée comme d’un atout marketing immense pour réaliser son retour à la fin de l’année 2020. Le coût de ce retour prématuré a toutefois un prix : une étiquette de “balance” sera accolée à son nom, au moins un temps. Mais qu’importe, puisque le jeu en vaut la chandelle. Un morceau “First Day Out”, un nouvel album, un retour sur les réseaux sociaux… À eux seuls, ils généreront assez d’argent à celui qui est né sous le nom de Daniel Hernandez pour prendre le risque de continuer sa carrière.
Drake est un ancien acteur qui a été accusé de ne pas écrire ses textes. Rick Ross est un ancien gardien de prison. Young Thug porte des robes. Kevin Abstract revendique son homosexualité dans la moitié de ses morceaux. Et au final, ce qui aurait choqué ou été discriminé il y a quelques années est devenu, fort logiquement, tout à fait normal aujourd’hui. Dans cette continuité, un artiste qui a coopéré avec la police ne sera pas beaucoup plus inquiété que ça par le public, si ce n’est qu’il continuera d’être un meme sur les réseaux sociaux, ce qu’il a toujours plus ou moins été. En clair, le public rap en 2019 se fiche qu’un rappeur soit une “balance”. Une révolution par rapport aux années 90 et 2000, où la street-cred était vitale pour les artistes hip-hop.
Évidemment, tout cela n’est pas seulement possible parce que l’ère du “clout rap” le permet. La capacité de pratiquement naturelle de 6ix9ine à user des médias, des réseaux sociaux et de vivre grâce à l’attention qui lui est adressée fait qu’il aura tout ce dont il a besoin pour réussir son coup à sa sortie. À l’exception évidente des représailles physiques qui pèsent sur lui. Mais ça, le rappeur de Brooklyn en connaissait les connaissances lorsqu’il a dénoncé des gangsters dont il s’est un temps servi pour construire son image violente et subversive.
Au final, qu’importe son dénouement, l’histoire chaotique et sans précédente de la carrière de 6ix9ine est déjà ancrée dans l’histoire du rap des années 2010, pour le meilleur mais surtout le pire. Et lorsqu’il sortira de prison et sera encore plus populaire qu’il ne l’était déjà, il deviendra plus qu’évident que la mauvaise publicité n’existe pas lorsque l’on évoque le cas de 6ix9ine.
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