À l’heure où nous écrivons ces lignes, plus de la moitié de l’humanité se trouve confinée. Avec 725 000 cas et 34 000 décès recensés depuis le début de la pandémie, le Covid-19 est devenu une crise d’ampleur mondiale. Si les gouvernements des différents pays impactés sont en première ligne pour donner les moyens de combattre le coronavirus aux services de santé, de nombreuses entreprises se mobilisent pour participer à l’effort collectif. C’est notamment le cas de l’industrie de la mode, qui multiplie les actions fortes depuis plusieurs semaines déjà. On ne compte plus les secteurs d’activité frappés de plein fois par cette crise sanitaire, du sport à l’événementiel, en passant par le transport ou le bâtiment. Et la mode ne fait pas exception.
Très durement touchée par la crise du Covid-19, la mode est actuellement obligée de se réinventer. L’épidémie démarrée en Chine en décembre dernier avait tout d’abord obligé de nombreuses usines de production à fermer leurs portes, tout comme des milliers magasins installés en Chine. Une situation dramatique que connaît désormais l’Europe. De leurs côté, les Fashion Weeks asiatiques avaient toutes été annulées, à l’instar de celles de celles de Paris et Londres, prévues en juin, qui viennent d’annoncer leur report. Du retail à la création, tous les échelons de cette industrie sont donc impactés par le coronavirus. C’est surement l’une des raisons qui expliquent la mobilisation inédite des acteurs de la mode mondiale, animés par un objectif commun : venir en aide aux professionnels de santé.
L’Italie en première ligne
C’est un véritable drame qui est en train de se dérouler de l’autre côté des Alpes. L’Italie a en effet dépassé les 10 000 morts du Covid-19 ce week-end, un chiffre terrible pour un pays confiné depuis plus de trois semaines. Si l’une des zones les plus durement touchées est la Lombardie, cette région est également le berceau de la mode italienne, notamment grâce à la ville de Milan. Fort de cet ancrage local, de nombreuses marques de luxe transalpines ont donné l’exemple au reste de l’industrie textile. C’est notamment le cas de Prada, qui a effectué un don financier ayant permis de mettre sur pied deux unités supplémentaires de soins intensifs et de réanimation dans les hôpitaux milanais de Vittore Buzi, Saco et San Raffaele. Autre maison milanaise de renom, Giorgio Armani a offert 1,25 millions d’euros aux hôpitaux italiens, ainsi qu’à la protection civile.
Très investie dans la lutte contre le coronavirus, Armani a par ailleurs récemment stoppé toute activité de production textile en Italie. Toutes les usines de la marque servent désormais à fabriquer des blouses jetables, destinées aux personnels soignants travaillant dans les hôpitaux transalpins. Versace n’est pas en reste, en ayant donné 140 000 euros à la Croix-Rouge chinoise il y a quelques mois, puis une autre donation de 200 000 euros à destination de l’unité de soins intensifs de l’hôpital San Raffaele de Milan. Du côté de Dolce & Gabbana, le parti-pris est d’aider la recherche scientifique. La maison lombarde a en effet annoncé qu’elle finançait une étude destinée à mettre au point des traitements contre le Covid-19. La marque franco-italienne Moncler vient également de dépenser 10 millions d’euros pour aider à bâtir de nouveaux centres hospitaliers dans la Botte. Enfin, Gucci (qui appartient au groupe français Kering) a annoncé son intention de confectionner plus d’un million de masques et plus de 50 000 blouses pour les employés hospitaliers. La mode italienne a pris ses responsabilités, incitant ainsi ses concurrents étrangers à faire de même.
Les marques françaises répondent présent
Si l’Italie est synonyme de marques de luxe, la France reste la référence absolue dans ce secteur d’activité. En témoigne la présence sur notre sol des deux titans que sont Kering et LVMH. Le premier cité, déjà actif en Italie via l’action de Gucci, n’en oublie pas d’aider son pays d’origine. Le géant de la famille Pinault a en effet recquisitionné les ateliers Balenciaga et Saint Laurent pour fabriquer des quantités importantes de masques de protection. Pendant ce temps, LVMH se mue depuis quelques semaines en mécène, en mettant tout d’abord à contribution l’ensemble des unités de production de ses labels Parfums et Cosmétiques (Dior, Guerlain et Givenchy) en France pour fabriquer des milliers de litres de gels hydroalcooliques. Le conglomérat dirigé par la famille Arnault n’est pas non plus resté insensible à la problématique du manque de masques pour le personnel soignant, LVMH ayant annoncé son intention de distribuer des millions de protections dans les hôpitaux lors des prochaines semaines.
Le groupe tricolore a en effet trouvé “Une fournisseur industriel chinois capable de livrer dix millions de masques en France dans les prochains jours”, ce dernier étant également capable de “renouveler la commande durant au moins quatre semaines dans des quantités similaires (soit environ 40 millions de masques).” Coût estimé de l’opération ? Cinq millions d’euros. Si les conglomérats français du luxe sont sous le feu des projecteurs, d’autres marques participent tout autant à l’effort sanitaire. C’est par exemple le cas de Sandro, qui a distribué 10 000 masques au personnel non-médical des centres hospitaliers français. Un beau geste qui permet aux agents d’entretien, aux cuisiniers et bien d’autres de bénéficier d’une protection malgré la pénurie. La marque parisienne ne s’arrête d’ailleurs pas là, en proposant un petit-déjeuner hebdomadaire aux soignants des hôpitaux les plus sollicités par la crise du Covid-19.
Mobilisée dans la lutte contre le coronavirus, la France offre de belles histoires. Et s’il ne s’agit pas d’industrie textile, il semble difficile de ne pas évoquer le projet fou de Franck Bouis, PDG de l’entreprise de parfum Jean Bouis. Ce dernier a renvoyé tous ses salariés dans leurs foyers, afin de respecter les mesures de confinement, pour rester seul dans son usine et fabriquer du gel hydroalcoolique à destination des hôpitaux. La France a donc suivi l’exemple italien. Et ces deux pays, fers de lance de la mode mondiale, ont ainsi entraîné dans leur sillon toute une industrie.
Des initiatives qui fleurissent partout à travers le monde
Si les marques et grands groupes européens mènent la danse, c’est la mode dans son ensemble qui enchaîne les actions positives. Le groupe qatari Mayhoola, qui possède notamment Balmain et Valentina, a par exemple fait un don de 2 millions d’euros pour aider les hôpitaux de Lombardie à faire face à l’afflux de malades. Autre mastodonte, le groupe japonais Fast Retailing (Uniqlo, Comptoir des Cotonniers, Princesse tam.tam, Theory, Helmut Lang…) a fabriqué 10 millions de masques pour les hôpitaux de l’archipel nippon, mais aussi pour de nombreux pays européens. Autre action significative, le leader mondial de la confection textile Inditex (Zara, Pull & Bear) renonce à produire de nouvelles pièces, en prêtant ses usines à l’Espagne, autre pays dramatiquement touché, pour fabriquer des masques et des blouses. Son grand rival H&M a par ailleurs pris la même décision, pour venir en aide à la Suède et au reste de l’Europe.
Aux États-Unis, le pays avec le plus de cas de Covid-19, les initiatives ne sont pas en reste. Le label Pyer Moss a ainsi transformé ses bureaux new-yorkais en centre de don destiné à aider ceux qui combattent le coronavirus. Ajouté à cela, le créateur de la marque Kerby Jean-Raymond a annoncé qu’une enveloppe de 50 000 dollars allait être reversée aux petites entreprises en difficulté du fait de cette pandémie. À une autre échelle, Nike a annoncé son intention de faire un énorme don de 15 millions de dollars à divers associations de l’Oregon. Si la marque au swoosh voit les choses en grand, c’est également le cas de Ralph Lauren, qui a récemment signé un chèque de 10 millions de dollars pour venir en aide aux personnes touchées par le coronavirus. Ce n’est pas tout, la marque ayant également pour projet de produire 250 000 masques et blouses pour équiper le personnel soignant américain. Luxe, sportswear, prêt-à-porter… L’union sacrée a été décrétée.
Reste désormais à savoir si cet élan collectif de générosité est le signe avant-coureur d’un changement de paradigme pour l’industrie de la mode, ou si il n’est simplement qu’une simple réaction (certes salutaire) à la crise sanitaire que nous traversons actuellement. En clair, un moyen de s’offrir une belle image aux yeux du public. C’est un fait difficile à nier, le coronavirus doit pousser l’industrie de la mode à se repositionner pour être plus éthique et durable. Les géants du secteur prouvent actuellement qu’ils peuvent s’en donner les moyens. Maintenant, le plus dur sera de confirmer ses belles promesses, qui ne doivent pas rester sans lendemain.