“L’homme est un loup pour l’homme.” Cette maxime bien connue du philosophe Thomas Hobbes résume assez clairement l’état d’esprit de la série L’Effondrement. En huit épisodes, cette pépite télévisuelle créée par le collectif français Les Parasites imagine l’effondrement aussi soudain que brutal de notre société. Pénurie d’essence, supermarchés pris d’assauts, exodes massifs… Cette succession de situations ultra-réalises explore avec brio les thématiques de la collapsologie, une science qui étudie les possibilités d’effondrement de notre civilisation industrielle. Un contexte qui fait quelque peu écho à la situation sanitaire actuelle, bien que nous soyons encore très loin des événements contés dans la série. Néanmoins, l’atmosphère anxiogène de L’Effondrement possède une résonance certaine.
À l’origine de cette série coup de poing, on retrouve un collectif qui a d’abord fait ses armes sur YouTube, Les Parasites. Derrière ce nom se cache Guillaume Desjardins, Jérémy Bernard et Bastien Ughetto, trois vidéastes engagés, qui ont réussi à vendre leur projet à Canal+ il y a de cela plusieurs mois. Avec un budget de deux millions d’euros, les trois showrunners ont fait le parti-pris de proposer une série d’anthologie, qui relate la chute de notre société au travers de différents prismes. Les épisodes de L’Effondrement ne sont en effet pas liés entre eux par des personnages, mais par leur sujet. Du supermarché à la station-service, en passant par une centrale nucléaire ou un hameau de survivants, cette mini-série offre une multitude de points de vue sur un événement central.
À part quelques indices divulguées au cours de la série, on ne sait pas grand chose de la véritable cause de l’effondrement, de ses conséquences politiques ou économiques. Ce qui est en jeu ici, c’est l’humain et la survie. D’épisodes en épisodes, on suit ainsi une galerie de personnages qui ne sont pas connectés entre eux, mais qui sont confrontés, au même moment et à différents endroits, à une situation aussi inédite que dramatique. Et bien souvent, c’est le chemin de la violence et de l’individualisme qui est empruntée par les différents protagonistes de L’Effondrement, interprétés par une flopée de jeunes talents, mais aussi par quelques têtes connues comme Audrey Fleurot (Engrenages, Intouchables), Thibault de Montalembert (10 Pour Cent) ou encore Lubna Azabal (Incendies).
Organisés de façon chronologique (des débuts de l’effondrement jusqu’à plusieurs mois plus tard), les épisodes de cette série Canal sont par ailleurs tous extrêmement originals dans leur approche, que ce soit sur le fond ou sur la forme. L’Effondrement traite ainsi de thématiques importantes, comme l’écologie, les inégalités sociales et les dérives du capitalisme, avec un style brut et affirmé. Les Parasites ont en effet décidé de tourner l’intégralité de leur série en plan-séquence (soit un plan unique, sans aucun cut), avec des épisodes très compacts, ces derniers allant de 15 à 26 minutes.
Ce parti-pris artistique vise à donner un sentiment d’urgence, de nervosité et surtout à immerger l’audience dans cet enfer collectif. “Ça permet de toucher au vrai, d’être immersif. Et c’est aussi l’idée que l’effondrement va arriver : le spectateur est embarqué et n’a pas le choix de regarder ailleurs, il n’a pas d’échappatoire” confiaient ainsi les trois français à L’Express en marge de la diffusion TV de la série à l’automne dernier. Ce choix de réalisation original fait en tout cas mouche, en épousant parfaitement l’essence anxiogène de L’Effondrement. On se retrouve régulièrement plongé au coeur d’une action sur-vitaminée, dominée par la peur et par un instinct de survie primaire. Et même si tout n’est pas tout noir, on pense notamment à l’épisode de la maison de retraite, le tableau peint par Les Parasites est extrêmement pessimiste.
Cet effondrement, le collectif français fait en tout cas tout pour l’éviter. Les Parasite sont en effet très impliqués dans la protection de l’environnement, comme l’indique l’ultime épisode de la série, qui sert de mise en garde car situé avant le début de cette apocalypse à la française. Les trois réalisateurs avaient par ailleurs promis d’avoir le bilan carbone le plus faible de la production audiovisuelle hexagonale, en organisant un tournage 100% éco-responsable : décors réutilisés, buffets végétariens, co-voiturage ou transports en commun obligatoires pour les acteurs, zéro matériel plastique… Le message de fond de la série est donc loin d’être une façade.
Hantée par une réelle conscience politique et une vision cinématographique audacieuse, L’Effondrement est une série choc et importante, à (re)découvrir sans plus attendre. Elle est dès à présent disponible sur la chaîne youtube du collectif Les Parasites, ainsi qu’en replay sur MyCanal.
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