Vendredi dernier, c’était l’évènement sur Instagram et plus globalement sur les réseaux sociaux. 6ix9ine signait son retour avec un live qui accompagnait son nouveau morceau intitulé “GOOBA”. Comme souvent avec le tumultueux rappeur de Brooklyn, il a su incroyablement bien capter l’attention et s’approprier la lumière, entre trolls, provocations et tirades enflammées pour célébrer sa sortie de prison.
Au bout de quelques secondes seulement, les compteurs s’affolent et finissent à plus de 2 millions de personnes réunies sur le live Instagram du rappeur, soit 1,7 million de plus que le précédent record détenu par Tory Lanez. Après une entrée sur le morceau “Bad Boys” d’Inner Circle, menottes en main, l’attraction principale de l’évènement enchaîne ensuite avec un monologue décousu mais dans son style habituel. Il évoque tour à tour sa richesse, son statut de roi auto-proclamé de New-York, mais surtout cherche à justifier pourquoi il a coopéré avec la justice : “Qu’est-ce que j’ai fait de mal ?” demanda-t-il de façon rhétorique : “Être loyal avec des mecs qui m’ont kidnappé, frappé en vidéo et tout ça ? Je suis supposé être loyal envers ça ?” La question de savoir si 6ix9ine a eu raison ou pas de collaborer avec la justice n’a toute façon plus aucun intérêt pour lui puisque l’on a rapidement réalisé que cela ne change absolument pas la perception et l’intérêt de ses fans. Ils sont majoritairement des jeunes qui ont découvert le rap à une époque où la sacro-sainte “street credibility” n’était déjà plus un critère de jugement et n’ont donc aucun problème à écouter 6ix9ine en 2020. Il est donc presque curieux de voir Tekashi chercher à s’en justifier, d’autant que le nombre de personnes présentes sur le live résumait à elle seule que l’on avait eu largement tort de penser que sa coopération avec la justice américaine ruinerait sa carrière.
En préalable de ce retour, on pouvait par contre légitimement se demander si Daniel Hernandez, de son vrai nom, allait revenir différent de celui qu’il avait été avant son incarcération en novembre 2018. Après tout, c’est bien ce qu’il avait promis lors de son procès : “Par la suite, je veux utiliser ma plateforme pour corriger mes erreurs. Je veux inspirer la jeunesse. Mon comportement à l’avenir sera à l’image d’une success story faite d’amélioration, de rédemption et d’une volonté de changement.” Il n’aura pas fallu plus de quelques secondes pour réaliser que ce changement n’était absolument au programme et que le rappeur d’origine mexicaine était toujours autant enfermé dans un personnage auquel seul lui et ses fans les plus crédules semblent croire. À défaut de montrer le moindre regret ou remord, il faut reconnaitre à 6ix9ine qu’il n’a toutefois rien perdu de son sens du divertissement et son humour parfois très efficace, ce qu’il a encore prouvé par séquence lors du live ou lorsque son visage a été remplacé par celui d’un rat dans le clip de “GOOBA”.
Un point sur lequel 6ix9ine n’a pas changé non plus, c’est bien artistiquement. Le rappeur a signé son retour à la musique après 18 mois d’absence avec un morceau peu inspiré qui n’est qu’une mise à jour contextuelle de ce qu’il proposait il y a de ça deux ans. Une référence au coronavirus, d’autres à sa sortie de prison, une blague sur le fait d’être “un snitch”, voilà grosso modo ce que ce morceau propose de neuf. Le reste n’est qu’un énorme déjà vu qui illustre toutes les limites de 6ix9ine en tant que rappeur, elles qui avaient déjà largement été illustrées sur son précédent album, le décevant Dummy Boy. La qualité de ce titre, exactement comme la justification de sa collaboration avec la justice, semble totalement secondaire là encore. Qu’importe le morceau qui allait accompagner le retour de 6ix9ine, il allait être un carton commercial, symbolisant bien plus la fascination du public pour la personnalité de Tekashi que pour la qualité intrinsèque de ce retour au rap. Et cela n’a pas manqué puisque “GOOBA” a déjà allègrement dépassé les 100 millions de vues sur YouTube.
Au final, ce qui frappe le plus avec ce retour, c’est bien à quel point 6ix9ine est revenu exactement comme il est parti. Un sens du divertissement qu’il faut lui reconnaitre mais surtout une personnalité exubérante et des limites musicales de plus en plus évidentes. Si cela ne l’empêchera pas de continuer à prospérer et utiliser les chiffres pour légitimer son personnage, et il aurait tort de s’en priver, il faudra désormais considérer 6ix9ine seulement pour ce qu’il est. Un entertainer qui brille par sa capacité à captiver la foule, à défaut de régulièrement proposer de la musique qui vaut la peine d’être écoutée.
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