Zaytoven : “Être surnommé ‘le parrain de la trap’ c’est l’accomplissement de ma carrière”

Entretien avec une légende du rap qui a remporté un Grammy et collaboré avec Future, Migos ou encore Gucci Mane.

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Avec un nom inspiré de Beethoven, une jeunesse entre la Bay Area et Atlanta bercée par le gospel et une rencontre inopinée avec Gucci Mane, Zaytoven était plus que quiconque destiné à marquer la musique de son époque.

En 20 ans de carrière, Xavier Lamar Dotson, de son vrai nom, a gagné un Grammy Awards, a collaboré avec les plus grands noms du rap et a surtout permis à la trap de devenir ce qu’elle est aujourd’hui, en la façonnant à son image. De ses compositions cultes au piano à sa capacité à dénicher des jeunes talents ou encore sa longévité dans le rap américain, pour tout cela et bien plus encore, Zaytoven est une figure majeure du genre. Entretien.

Views : Premièrement comment vas-tu ?

Je vais bien, merci ! Je viens de finir un jogging, c’est pour ça que je suis dehors en sueur (rires).

Comment s’est déroulé 2020 pour toi jusqu’ici ? Notamment avec la pandémie et toutes ses conséquences.

Ça a évidemment été surprenant et bizarre, mais pour moi il y a eu du bon. Ça m’a permis de ralentir un peu dans mon travail, parce que j’étais sur beaucoup de projets en même temps. Ça m’a permis de souffler et de me re-concentrer sur ce que j’avais à faire à la maison, passer du temps avec ma famille. Et puis j’ai pu travailler au studio chez moi, donc ça s’est plutôt bien passé.

Dans quelle mesure pensestu que le fait d’avoir grandi dans le gospel, et globalement dans la musique religieuse, a façonné l’artiste que tu es devenu ?

Tout d’abord, il faut savoir que joue encore à l’Église jusqu’à aujourd’hui, c’est donc toujours en moi. Et j’ai le sentiment que le fait d’avoir grandi avec ce son, c’est ce qui a rendu mes productions si importantes. Le gospel se résume à créer une atmosphère, toucher les gens, pour que chacun puisse raconter son histoire. Et c’est aussi ce qu’est la trap. Du coup, j’ai le sentiment que la musique que je crée dans la trap va de paire avec la musique religieuse que je joue.

Et comment tu as réalisé la transition de jouer à l’église à devenir un producteur hip-hop ?

Ça a commencé en m’amusant, tout simplement. Je me suis amusé avec du matériel et c’est vite arrivé. J’ai toujours joué à l’église étant petit, mais en grandissant, j’ai commencé à faire des productions rap parce que c’était le plus simple à faire sur le moment. Ensuite des gens ont commencé à poser dessus et j’ai peu à peu développé mon propre son. La transition n’a pas été dure, puisque j’ai repris des éléments musicaux que je connaissais déjà.

Depuis, tu as travaillé avec certains des plus grands rappeurs de leur génération comme Gucci Mane, Migos ou Future. Est-ce qu’il y a de grandes différences dans le processus créatif en studio entre tous ces artistes ?

Dans la majorité, on travaille tous de la même manière. Surtout Gucci Mane et Future qui bossent vraiment de la même façon. En gros je dirais qu’on crée de façon spontané. On s’installe en studio, on commence à travailler sur une prod, on trouve un son et s’engouffre dedans. Tout part de là.

Cela ne m’étonne pas que tu parles de spontanéité, puisque tu es connu pour travailler très vite. Et parfois même faire des productions en seulement 15 minutes…

Oui parce que je me suis habitué au travail en studio. Quand tu es en studio avec certains de ces rappeurs, qu’ils entendent une instru qu’ils aiment, ils sont directement prêts à commencer à rapper dessus. Tu n’as donc pas beaucoup de temps pour te poser et perfectionner le beat. Il faut les laisser rapper.

Et du coup, c’est le fait collaborer avec ces rappeurs en question qui t’a rendu si spontané ?

Ouais, je pense vraiment que c’est pour ça que je travaille de cette façon.

Tu as rencontré Gucci Mane en 2001 quand il ne rappait pas encore, et tu l’as encouragé à faire de la musique. Tu peux détailler un peu comment ça s’est passé ?

C’était juste un petit nouveau qui venait d’arriver à Atlanta à cette époque et moi j’avais un studio dans mon sous-sol. Gucci était venu avec son neveu qui tentait de se lancer dans le rap, ils cherchaient des productions. Il s’est mis à écrire des chansons pour son neveu, puis peu à peu des morceaux pour lui-même. Au fil du temps on est devenu une équipe, on travaillait ensemble au studio et quand on avait terminé des morceaux on les testait en les faisant écouter en club, pour voir comment le public réagissait.

Et donc très tôt tu as senti son potentiel ?

Oh définitivement. J’ai senti que c’était une star dès la première fois qu’il est venu au studio.

Il y a une autre histoire que je trouve intéressante, c’est celle derrière le morceau “Versace” de Migos. Tu avais déjà évoqué par le passé que tout le monde avait refusé ce beat avant Migos ne finisse par le prendre deux ans plus tard. Est-ce que tu avais anticipé que ce morceau allait devenir aussi impactant ?

Je n’ai pas anticipé le succès en particulier de ce morceau, par contre j’avais clairement anticipé le succès de Migos. Pour moi leur star-power était évident. Comme Gucci Mane, la première fois que j’ai vu Migos je me suis dit “Oh, eux c’est des superstars.” Au final on a enregistré beaucoup de morceaux, “Versace” était l’un d’entre eux mais je ne savais pas que ce serait LE morceau qui ressortirait. Je l’ai vraiment su quand on m’a dit que Drake allait faire le remix. D’ailleurs, je me souviens qu’avant que Drake ne le fasse, j’étais à San Francisco à une soirée et le DJ avait dit ; “Je vais jouer le morceau plus chaud d’Atlanta en ce moment.” Et je me souviens m’être dit : “Qui lui a dit ça ? C’est faux.” Parce que c’était clairement pas le morceau du moment à Atlanta, c’était sur une mixtape, c’était cool, mais pas encore ce que ça allait devenir. Et le lendemain, Coach K m’a appelé et m’a dit “Drake va poser un couplet sur Versace” et moi j’étais là genre “Whaaaat ?” Là je savais que ça allait devenir fou.

Tu es rarement cité pour ta longévité, pourtant elle particulièrement impressionnante. Quel en est le secret selon toi ?

J’ai le sentiment que c’est la récompense de la régularité. Je pense avoir été quelqu’un de régulier et je le suis encore aujourd’hui : je fais 5 à 10 productions chaque jour, je garde une oreille sur tout ce qui sort et je travaille avec tous les jeunes talents que j’aime, bien avant que quiconque ne les voit comme des stars. Si je trouve qu’ils ont du potentiel, je vais travailler avec eux même s’ils n’ont pas d’argent. Je pense que tout ça m’a permis de durer. Ça a commencé avec Gucci Mane, mais ça a continué avec OJ da Juiceman, Young Dolph, Migos, Young Scooter… Et quand ils deviennent chauds, les gens réalisent que Zaytoven a déjà bossé avec eux.

Tu es surnommé “Le parrain de la trap” et je me demandais si pour toi ce n’était pas le plus grand accomplissement de ta carrière, le fait d’être vu comme un pionnier d’un genre devenu aussi important ?

Je pense que oui ça l’est, c’est quelque chose de très fort et donc qu’on me donne ce titre me touche énormément.

J’ai le sentiment que ça dépasse largement les certifications et toutes les récompenses de ce genre.

Je pense que oui, à mes yeux en tout cas, c’est le cas.

Quel est ton album favori sur lequel tu as travaillé ?

(Ndlr : Il répond sans hésiter) C’est Beast Mode 2 de Future ! C’est vraiment mon préféré.

Tu penses que c’est possible que l’on ait droit à un Beast Mode 3 ?

Oui j’aimerais beaucoup. Je sais que Future et moi on a assez de morceaux pour sortir Beast Mode 5 (rires). Du coup on va voir ce que l’avenir nous réserve.

Ton prochain projet c’est un album avec Young Scooter…

(Il coupe) Oui, d’ailleurs il n’arrête pas de m’appeler depuis tout à l’heure (rires). Mais oui, c’est avec lui. Je crois que j’aime ce projet autant que j’aime Beast Mode 2. C’est tellement authentique… C’est l’un de ces projets que les gens vont écouter pendant au moins deux ans, parce que c’est pratiquement parfait. La façon dont les morceaux s’enchainent, notre alchimie… C’est vraiment parfait à mes yeux.

Tu espères que ça sorte cette année ?

Oh oui, ça arrive bientôt. On sort un single ce vendredi, puis un autre single le 15 juin et je pense que l’album sortira autour du 1er juillet.

Un mot de la fin ?

Gardez vos yeux et vos oreilles ouverts pour ce que je prépare. De la musique et des films arrivent, donc soyez prêts pour ce que Zaytoven vous cuisine !

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