Simon Porte Jacquemus, le créateur de mode aux allures d’influenceur lifestyle

Soleil, bonne humeur et Instagram.

jacquemus

Reconnue et célébrée à travers le monde depuis de nombreuses décennies, la mode constitue l’un des principaux vecteurs de la puissance culturelle française. De ses créateurs emblématiques à sa nouvelle génération ambitieuse, la mode hexagonale est animée par de nombreux acteurs. Intitulée “Ils façonnent la création française d’aujourd’hui et de demain”, cette série de portraits a pour but de vous les faire découvrir. Aujourd’hui, c’est au tour du médiatique Simon Porte Jacquemus.

1 – Martin Margiela, le créateur invisible à l’influence sans limites

2 – Hedi Slimane, le réformateur de la haute-couture française

Depuis 2009, Simon Porte Jacquemus offre un coup de frais au luxe. Du soleil, la mer, de la bonne humeur, des couleurs et des histoires à raconter, sur fond de communication digitale sans filtre innovante, voilà une recette inhabituelle dans l’univers du prêt-à-porter haut-de-gamme. Et pourtant, c’est grâce à cette définition singulière que le créateur français est parvenu à se démarquer et à convaincre les stars du monde entier de revêtir ses créations. À l’instar de N.O.S, Gigi Hadid ou Emily Ratajkowski, la mode méditerranéenne de Jacquemus convainc. Aujourd’hui, il a réussi le pari d’exporter bien plus qu’une vision différente de la mode. En effet, c’est tout un art de vivre que le créateur sudiste cultive. Retour sur le parcours de celui qui chante la vie au travers de ses créations depuis plus de dix ans maintenant.

Hiver 1990, Simon Porte Jacquemus naît dans le sud de la France, du côté de Salon de Provence. Loin des catwalks parisiens et de la hype des Fashion Weeks, entouré de sa famille et notamment de sa mère adorée, Valérie, le jeune homme développe rapidement un attrait pour la mode. À seulement 8 ans, le jeune Simon crée son premier vêtement, une jupe, faite à partir d’un lacet et d’un rideau en lin, que sa mère portera fièrement à la sortie de l’école en 1998. Cet évènement, qui aurait pu rester anecdotique, marquera le début d’une longue histoire d’amour entre la mode et le provençal.

Rêveur et ambitieux, le jeune homme souhaite depuis toujours vivre à Paris. C’est en effet là qu’il espère tenter sa chance. Depuis la jupe de ses 8 ans, Simon Porte Jacquemus a grandi. Le bac en poche, il quitte courageusement son Sud natal et rejoint la capitale où il débute des études de mode. Les mois passent et son école, l’ESMOD, ne correspond pas du tout à ce qu’il avait imaginé. Que ce soit les gens ou l’ambiance, rien ne lui ressemble. C’est un premier coup dur. Le sort va alors s’acharner et lui enlever ce qu’il a de plus cher, sa mère, qui décède peu de temps après qu’il soit parti pour Paris. Au lieu de se décourager face à de telles épreuves, Simon Porte Jacquemus va au contraire retrousser ses manches et mettre toute son énergie au service de ses rêves d’enfant.

Il quitte alors son école de mode parisienne et met ce qu’il peut de coté pour créer sa propre marque. En 2009, sans investisseur et avec un budget d’environ 1000 euros, il donne naissance à la maison française Jacquemus. Un nom qui se veut un hommage direct à sa mère. Ses débuts dans la mode sont alors très éloignés des standards habituels. Sans mannequins professionnels, avec peu de moyens pour créer ses pièces et se faire connaitre, Simon Porte Jacquemus doit trouver des solutions et redoubler d’effort pour mener à bien son projet. Tout cela, à seulement 19 ans.

Ses premières collections seront donc simples et iront à l’essentiel. En effet, il est nécessaire de réduire les coûts de production et les détails souvent chers à réaliser. En terme de communication, idem, il faut faire un maximum avec le minimum. Il commencera par présenter des collections brutes au parfum du sud qu’il affectionne tant et les popularisera en forçant le destin. C’est en allant à la rencontre du monde de la mode, avec ses créations et des amies qui jouent les mannequins, que le jeune homme d’à peine 20 ans attirera l’attention des professionnels du milieu, comme Emmanuelle Alt, rédactrice en chef de Vogue Paris. Loin d’avoir atteint son objectif, Jacquemus va spontanément commencer à se servir du digital pour se faire connaitre. Il publie alors ses premières collections sur Tumblr, contacte les journalistes et mannequins professionnels, comme Caroline de Maigret, via son compte Facebook. Il ne le sait pas encore, mais ce modèle créé dans un premier temps pour des raisons pratiques, posera les bases de son succès.

Suite au buzz généré autour de la présentation sauvage de sa collection Automne/Hiver 2011, il est invité à participer à la Fashion Week parisienne l’année suivante, en 2012 et à seulement 22 ans. La machine Jacquemus est en marche. Pour le jeune prodige, l’objectif est alors de donner un sens à la mode. Ce qui compte pour lui, c’est l’histoire qu’il va raconter à travers ses vêtements. C’est d’ailleurs l’une des dimensions les plus intéressantes que Simon Porte Jacquemus apporte à la mode contemporaine : ce rôle de narrateur poussé à l’extrême, qu’il incarne en tant que créateur depuis plus de 10 ans. Et c’est d’autant plus frappant dans le procédé de création qu’il utilise pour donner vie à ses collections.

En effet, ce petit prince de la mode imagine d’abord les tableaux dans lesquels il veut faire évoluer ses créations, avant même de les dessiner. L’histoire d’abord, les vêtements qui vont avec ensuite. Il se démarque ainsi complètement des autres grandes maisons dès ses premiers défilés. Jacquemus crée des collections qui parlent à tous, que chacun peut comprendre et rend ainsi le luxe plus accessible. Pas financièrement, mais artistiquement et émotionnellement parlant. Au cours du fabuleux show “Le Souk” Automne/Hiver 2018, de son premier défilé Homme “Le Gadjo” Printemps/Été 2019 en bord de mer ou encore plus récemment de “Coup de Soleil” Printemps/Été 2020, probablement le défilé le plus instagrammable de l’histoire, Simon Porte Jacquemus redonne le sourire à la mode en remettant le Sud et le style méditerranéen au goût du jour.

Cette narration si particulière n’intervient toutefois pas que sur les podiums. C’est là que réside la force du créateur français. Il raconte sa marque tout au long de l’année sur les réseaux sociaux, notamment sur Instagram. Au fil du temps, il a fini par créer un véritable univers digital autour de la maison Jacquemus, au sein duquel il raconte sa mère, sa grand-mère, les femmes et les hommes qui l’inspirent. Il se dégage de cet univers 100% Jacquemus une saveur, une odeur, un sourire que l’on n’a pas l’habitude de voir dans le monde du luxe. Une spécificité qu’il cultive aussi au travers de ces deux restaurants, Café Citron et l’Oursin, deux lieux parisiens imaginés par le créateur français, révélateurs de l’imaginaire qui lui est propre. La réforme qu’a entamé Simon Porte Jacquemus ne s’arrête toutefois pas là. Le nouveau chouchou des réseaux sociaux ne raconte pas que son travail de créateur, il parle également de lui et poste régulièrement des clichés personnels, le mettant en scène dans sa vie de tous les jours. C’est sûrement la véritable révolution amorcée par Jacquemus, aucun créateur de mode n’ayant jamais semblé aussi proche de sa clientèle. Le créateur gère ses réseaux sociaux à la manière d’un influenceur et cela fonctionne.

À la différence des autres marques du milieu très fermé du prêt-à-porter haut de gamme, Simon Porte Jacquemus est en avance sur les plateformes digitales et creuse l’écart entre lui et ses pairs. On le retrouve depuis peu sur TikTok, le réseau social du moment, où il comptabilise déjà plus de 138 000 abonnés. Un bon début, mais encore loin des 2,3 millions de followers de son compte Instagram. C’est là, en effet, que prennent vie les plus gros succès commerciaux de la marque. Le relais des pièces les plus emblématiques, comme le sac XXS Chiquito, le chapeau de paille XXL du défilé “La Bomba” Printemps/Été 2017, par des stars comme Kylie Jenner, Dua Lipa ou encore Chiara Ferragni, toutes abonnées à son compte Instagram, lui permettent de convaincre une clientèle branchée et de vendre ses créations, aussi excentriques soient-elles. Ses dernier buzz, la campagne de Bella Hadid “Jacquemus At Home” pour présenter sa collection Printemps/Été 2020 via FaceTime ou encore la mise en scène sur Instagram de sa grand-mère Liline, en égérie de ses dernières créations, prouvent une fois de plus qu’il maitrise parfaitement la puissance des réseaux. Le modèle 2.0 imaginé par Simon Porte Jacquemus fonctionne tellement bien que la marque se paie le luxe de ne posséder aucun magasin physique à son nom. En effet, acheter du Jacquemus n’est possible que sur internet ou chez les retailers les plus hype au monde.

Aujourd’hui, Simon Porte Jacquemus a réussi son pari. Cet amoureux du Sud fait figure d’exemple pour toute une génération. Le jeune homme de 19 ans, parti de rien il y a plus de 10 ans, est maintenant à la tête d’une maison de prêt-à-porter de luxe française, dont les ventes ont généré plus de 23 millions d’euros en 2019. Et surtout, il réalise l’exploit de faire de son art et de ses créations des histoires que chacun est libre de vivre au quotidien. Le créateur provençal transforme ainsi le visage d’un prêt-à-porter de luxe à la moue boudeuse, devenue désuet avec le temps. Simon Porte Jacquemus fait partie de ces nouveaux noms de la mode qui la révolutionne. C’est à grand coup de défilés mixtes, de mannequins pulpeuses et de nouveaux calendriers mode, s’adaptant aux nouvelles préoccupations, aux nouvelles technologies et à des générations de plus en plus sensibles aux valeurs d’authenticité et de transparence, que Jacquemus amorce le futur d’un prêt-à-porter haut-de-gamme. Un avenir qui s’annonce vraisemblablement radieux.