Comment Red Nation est devenue la nouvelle référence du beatmaking en France

Entretien avec son fondateur Donzo, un homme de l'ombre du rap français.

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Au moment de s’entretenir avec lui, Donzo, fondateur de la structure Red Nation, nous explique que c’est la première fois qu’il fait face à cet exercice. A plusieurs reprises il nous répétera durant l’interview que chez Red Nation “on fait le travail avant de parler.” Et force est de constater qu’il ne ment pas. Après 4 ans d’existence, 7 singles de diamant et une multitude de certifications, il est grand temps pour lui de se livrer sur ce qu’est sa structure et de comprendre comment elle est devenue aussi importante au sein du rap français.

Comme il nous l’explique, Donzo a toujours trainé avec “des gens du milieu.” De fil en aiguille, il fait la rencontre de Siboy et les deux hommes fondent ensemble Marabout Music. Pour lui, le tournant arrive lors de sa rencontre avec le compositeur Heezy Lee. À ce moment-là, Donzo décide qu’il est temps de monter sa propre structure et de signer le jeune producteur. Quatre ans plus tard, on peut affirmer qu’il s’agissait d’un pari remporté haut la main. Red Nation est aujourd’hui une maison d’édition, au sein de laquelle Donzo gère cinq artistes : Heezy Lee, H8mkrz, Serk Le Labo, Jack Flaag et Yaya OnTheTrack. Ces 5 artistes se réunissent autour d’un point commun : ils sont tous beatmakers. Entretien avec le fondateur de ce nouvel empire.

Views : La structure est essentiellement composée de beatmakers. C’est un choix de ta part ou ça s’est fait naturellement ?

Donzo : Ça s’est fait naturellement. Signer des rappeurs chez Red Nation n’était pas mon ambition première, parce que moi ce que j’aime, c’est les prods. J’écouterai toujours une prod avant d’écouter le couplet d’un artiste. Mais je pense de plus en plus à signer des artistes chez Red Nation, c’est même la suite logique de cette aventure.

Le statut des beatmkers a beaucoup évolué ces dernières années, penses-tu qu’ils sont enfin reconnus à leur juste valeur ?

On n’y est pas encore vraiment mais ça se construit doucement. Il y a énormément de beatmakers en France et beaucoup de noms commencent à sortir de l’ombre actuellement, notamment grâce au public qui s’intéresse de plus en plus à ce milieu. Personnellement, je trouve que le manque de reconnaissance vient plutôt de l’industrie et de certains artistes ou média qui aujourd’hui encore ont du mal à créditer un beatmaker sur une simple vidéo youtube, dans un teaser instagram ou dans un article annonçant la sortie d’un clip par exemple. Mais heureusement ce n’est pas une généralité et tout le monde commence à y mettre de la bonne volonté.

Heezy Lee

Ce statut a également évolué au terme des certifications, qui permettent aux beatmakers d’être mis en lumière.

Bien sûr, comme je te l’ai dit, le public français écoute énormément de musique “urbaine”. Ce qui logiquement fait sortir certains noms du lot, que ce soit artistes, interprètes, ou compositeurs. Les nombres de ventes physiques et les scores du streaming sont très bons en France, mais c’est également le cas dans d’autres pays d’Europe ou le rap français tourne bien et y obtient régulièrement des certifications. Même si le nombre de certifications s’est un peu calmé depuis que les méthodes de calculs du streaming ont été revues la musique française se porte bien et on peut en être fier.

Et jusqu’ici, c’est quel morceau produit par ton équipe qui te rend le plus fier ?

Je dirais “DKR.” Sans réfléchir “DKR” pourquoi parce que c’est le morceau d’une carrière d’un des plus gros artistes du rap français. Et j’ai deux de mes compos dessus, c’est une compo d’Heezy Lee et Jack Flaag. Donc voilà c’est un travail d’équipe et c’est un pur Booba x Red Nation : on fait beaucoup de co-prod avec des gens extérieurs comme “Réseaux” de Niska, mais là pour le coup c’est deux gars de chez moi qui ont fait un morceau historique dans la carrière de Booba. Ouais c’est la fierté : mais ce n’est pas la fierté d’avoir fait ce morceau pour moi, c’est qu’eux l’aient fait, pour eux, pour leur carrière personnelle.

Jack Flaag

Toi qui est là depuis un moment maintenant, comment juges-tu l’état du rap actuellement ?

Je pense que musicalement on est super chaud en ce moment. On a encore du mal à dépasser la frontière internationale, mais on la franchit de plus en plus. Ces dernières années, pas mal d’artistes français sont aller faire des scènes incroyables en Afrique et dans le monde. Il y a également toute une nouvelle génération d’artistes et producteurs indépendants qui gèrent très bien leur business. Il y a 20 ans, les indés avaient du mal à discuter et à négocier avec les labels, aujourd’hui, tout le monde met de l’eau dans son vin et on voit le résultat. Le rap ne s’est jamais porté aussi bien.

On sent la notion d’indépendance très importante pour toi, tout en travaillant de mèche avec les labels.

Bien sûr que c’est important. Chacun doit pouvoir être maître de son business.. Je n’ai rien contre les labels, je ne suis pas du tout le genre de gars qui va cracher sur les majors. Si demain je dois signer un artiste, j’irai peut-être chercher un deal en major parce qu’aujourd’hui sur des licences ou sur des distribs, ils ont su revoir leur mode de fonctionnement. Ils ont réussi à se remettre en question et à donner du soutien aux indés, on l’a vu avec PNL, JUL ou d’autres. J’aime l’indépendance, mais je n’aurai jamais honte d’aller chercher l’appui d’un label pour avoir leur force de frappe.

Qu’est ce qui a changé selon toi par rapport à avant ?

Beaucoup de choses ont changé. C’est une nouvelle époque, avec une génération plus jeune de DA et de chef de projets qui écoutent du rap et qui s’intéressent réellement aux artistes avec qui ils travaillent, car ils aiment cette culture. Beaucoup d’artistes sont potes avec leur DA car ils les suivent au studio, ils aiment être là et s’investissent dans chaque projet parce qu’ils sont passionnés par ça.

Et qu’est ce que tu conseil à un artiste indépendant aujourd’hui, pour bien s’y retrouver là-dedans ?

Ce qui est primordial pour tout artiste, indé ou non, c’est d’être très bien entouré. Bien choisir son manager et son attaché de presse par exemple. Ce sont eux qui vont gérer, et développer ton business.

Maintenant que la structure est bien en place et qu’elle est vouée à se développer encore plus, qu’est ce qu’on peut te souhaiter à l’avenir ?

Une longévité fructueuse et beaucoup d’autres certifs pour tous les artistes/compositeurs Red Nation.

Vous pouvez retrouver ci-dessous la playlist Spotify des titres réalisés par Red Nation et suivre Donzo sur son compte Instagram.

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