Rencontre avec Jäde, l’étoile montante du R&B français

"Je ne me positionne pas comme une avant-gardiste, mais je pense que c’est mon originalité qui fait ma différence."

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Photo : Julien Perocheau pour Views

Si l’on considère que la scène hip-hop/R&B lyonnaise tend aujourd’hui à s’émanciper de la domination de la capitale, c’est parce qu’elle regorge de nouveaux artistes talentueux prêts à s’imposer à l’échelle nationale. Parmi cette nouvelle vague d’artistes, Jäde se distingue incontestablement par son style unique ainsi que sa voix suave et mielleuse. Depuis ses débuts sur SoundCloud avec une première mixtape intitulée ClichéTape, la jeune femme a réussi à bâtir une petite communauté autour d’elle et à tisser des liens forts avec ses fans, toujours plus fidèles. Elle ambitionne désormais de conquérir de nouveaux cœurs avec son projet Romance, un EP tout en relief mêlant trap, R&B et vaporwave. Rencontre avec Adèle alias Jäde, l’étoile montante du R&B français.

Ton vrai prénom, c’est Adèle, pourquoi tu as choisi le nom de scène Jäde ?

Jäde c’est moi en tant que tant que chanteuse, une meilleure version de moi-même. Je me suis dit que si j’avais un personnage ce serait plus facile, en plus il y a déjà la chanteuse Adèle qui existe. Jäde c’est juste un prénom que j’aime bien, donc j’ai choisi de l’adopter.

Tu as grandi à Lyon mais tu as quitté la ville pour la capitale à tes 18 ans. Pourquoi un tel changement ?

La première fois que j’ai visité Paris à 16 ans, je suis tombée amoureuse de la ville. J’ai tout fait pour venir à Paris, parce que c’était plus facile pour la musique et les opportunités.

Les artistes lyonnais ne sont pas trop influencés par la hype parisienne

La scène lyonnaise est en pleine expansion en ce moment, avec notamment Lyonzon, Lala&Ace ou encore Sasso qui font beaucoup parler d’eux. Que penses-tu de son évolution ?

Je trouve que les artistes lyonnais sont originaux et ont un délire particulier. Je ne sais pas si ça vient de la ville mais j’ai l’impression qu’on a tous une identité propre. À Paris j’ai l’impression qu’il y a cette idée de faire de la musique pour se montrer, c’est beaucoup axé sur l’image. Alors qu’à Lyon, il n’y a pas tout ça. Les artistes lyonnais ne sont pas trop influencés par la hype parisienne.

À quel moment tu as décidé de te lancer dans la musique?

Très jeune je savais que j’allais faire ça, sinon c’était la merde. Je devais être en primaire je crois. J’étais déjà à fond dans la chanson, on s’amusait avec ma soeur à jouer de la guitare, c’était notre activité à la maison. Mais tout s’est vraiment concrétisé au lycée, quand j’ai réalisé que c’était pas juste un rêve et que percer dans la musique est tout à fait possible. À partir de là que je me suis dis: « C’est ça que je veux faire et pas autre chose ». J’ai ensuite rencontré des producteurs, des gens qui partageaient les mêmes passions que moi, et après tout s’est enchaîné très vite.

Photo : Julien Perocheau pour Views

Tu as fait tes débuts sur SoundCloud, en publiant le morceau “Miel” en 2017 puis ta mixtape ClichéTape. Est-ce que tu considères que cette plateforme t’a servi de tremplin ?

Je ne dirais pas que c’est un tremplin, parce que un tremplin ça t’emmène vraiment haut. Alors que ce n’est pas le but, SoundCloud c’est juste un réseaux social. Mais ça m’a apportée une communauté qui depuis est devenue une vraie fan-base très importante pour moi. Ils m’écoutent vraiment, me supportent, comme si on avait grandi ensemble. Sur SoundCloud, il y avait plus de lien, je pouvais envoyer des messages et parler directement avec les gens. Ça nous a permis de nous rapprocher en quelque sorte.

Je ne me positionne pas comme une avant-gardiste, mais je pense que c’est mon originalité qui fait ma différence

Avec le recul, quel regard tu portes sur ton premier projet ClichéTape aujourd’hui ?

Je ressens beaucoup de nostalgie. J’étais vraiment au début de mon écriture, ça se voyait que j’avais énormément d’inspiration, que j’avais envie de raconter plein de choses. Après c’était un peu maladroit forcément. Mais aujourd’hui, j’aime toujours ce projet, je le considère comme mon premier bébé.

Dans le morceau “Diddy”, tu dis: « J’suis R&B 90 j’aime les câlins j’aime les kiss ». Comment tu définirais ton univers musical ?

C’est compliqué à dire parce que j’ai l’impression de partir dans des branches très différentes. Je peux faire des sons un peu trap tout comme des morceaux plus chantés et calmes. Même moi je ne comprends plus trop. En fait, j’aime trop de choses et je suis un peu une meuf de la dualité, et cet aspect de ma personnalité se ressent dans ma musique.

Quelle est ta vision de la scène R&B en France aujourd’hui ? Dans une interview tu parles d’Enchantée Julia par exemple, est-ce que selon toi vous incarnez une nouvelle vague du R&B français ?

Clairement, ouais. En tout cas je l’espère parce que sinon ça veut dire qu’on fait quoi en fait ? (rires). On est là pour qu’il se passe un truc, pour que les choses évoluent. Je pense qu’il faudra du temps car pour le moment on n’en est encore qu’au début. Nos chansons ne sont pas diffusées dans les grosses radios, c’est une musique de niche encore. Mais si l’on se base sur les États-Unis, ça devrait bientôt arriver en France. Il y a des artistes comme Enchantée Julia ou encore Joanna qui commencent à prendre plus de place dans le paysage musical aussi. On arrive fort.

Photo : Julien Perocheau pour Views

Tu as un style musical assez unique marqué par une voix très suave et aiguë. Est-ce que tu as l’impression de te démarquer par rapport aux autres artistes français ?

Au niveau du hip-hop féminin en France, c’est plus facile de se démarquer dans le sens où il n’y a pas énormément de concurrence en comparaison avec les hommes. Bien sûr, ça commence changer, mais personne n’a vraiment été mise en avant. Je ne me positionne pas comme une avant-gardiste, mais je pense que c’est mon originalité qui fait ma différence. À travers mes textes bruts, les gens voient que je suis sincère.

Tu te sentirais d’ouvrir la porte à un nouveau style de musique ?

Bien sûr on est là pour ça, mais je ne pense pas qu’il y ait un élu désigné pour ouvrir la voie. Selon moi, ça va être un mouvement collectif.

Dans une interview tu parles de Dalida en tant qu’artiste qui t’inspire. Quelles sont tes autres sources d’inspiration?

J’aime beaucoup les chanteuses de R&B américaines comme Jhené Aiko, Kaash Paige ou encore Summer Walker. Elles véhiculent une une image qu’il n’y a pas ici, elle sont plus libres de raconter ce qu’elles veulent, personne ne leur prend la tête. En France, je trouve qu’on est encore un peu coincés sur la question de l’image de la femme dans la scène hip-hop. Mais moi j’ai pas peur de me confronter à ça, je veux rester moi-même et faire ce qui me plait.

Ce qui fait la force de la musique, c’est sa capacité à te procurer des émotions et des souvenirs peu importe la période de ta vie

En général, comment tu travailles sur tes morceaux ?

J’écoute les prods chez moi, je pose une maquette, et ensuite je reviens en studio avec l’équipe, et on retravaille en faisant quelques arrangements. Mais parfois on travaille directement en studio, on échange des idées avec le producteur. Pour moi, un bon morceau c’est aussi un produit collectif. Par contre, j’aime bien m’isoler chez moi pour certaines chansons qui nécessitent de prendre un certain recul. En fait, la méthode de travaille n’est pas fixe, je suis quelqu’un qui aime bien tester, donc je m’autorise toutes les possibilités.

Ton nouvel EP Romance est sorti aujourd’hui. À part l’amour, quels sont les autres thèmes que tu abordes ?

Il n’y en a pas vraiment d’autres. En fait, ça parle d’une relation de A à Z. Par contre, dans le morceau “Adulte”, je fais une sorte de retrospective de ma vie. Mais globalement, c’est quand même un EP de love.

Quand tu dis « de A à Z », ça veut dire que ça finit mal ?

Tu veux que je spoile ? (rires) Oui clairement, c’est une histoire qui se termine mal. Moi j’ai des schémas d’amour négatifs, mais je sais que ce n’est pas le cas pour tout le monde. Je reste quand même sur une touche optimiste, pas par rapport à ma relation, mais par rapport à ma vie. Ce projet va me permettre de prendre un certain recul, C’est une part de moi que j’offre, en mode « maintenant c’est à vous ».

Est-ce que pour toi ce projet vient clore la première phase de ta carrière « Soundcloud » ou tu considères toujours y être aujourd’hui ?

Non, pour moi c’est vraiment un nouveau projet qui m’apporte quelque chose de différent. Là, j’ai l’impression que je me suis améliorée depuis “Première Fois”, que je raconte mieux les histoires, et que des gens attendent le projet aussi. Je pense que ça peut m’amener quelque part, du moins c’est le but.

Avec quel artiste tu rêverais de collaborer ?

J’ai plein d’idées différentes qui me viennent en tête. PARTYNEXTDOOR ce serait le rêve, mais il y a plein d’artistes que j’aimerais rencontrer, comme PNL par exemple, juste pour discuter.

Un album qui t’a particulièrement marquée ?

Channel Orange de Frank Ocean, parce que les morceaux de cet album ne vieillissent pas. Je suis nostalgique quand je les écoute, ils me rappellent une certaine période de ma vie. C’est ça qui fait la force de la musique, sa capacité à te procurer des émotions et des souvenirs peu importe la période de ta vie.

Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour les prochains mois ?

Que je sois tranquille dans la tête, que ce projet plaise et qu’il me permette de continuer de faire ce que j’aime. Parce que la vie d’artiste c’est pas trop stable, tu te poses sans arrêt des questions, t’es dans tes doutes et tout. J’aimerais bien me sentir tranquille, savoir que ça le fait.

Le nouvel EP de Jäde Romance est disponible sur toutes les plateformes de streaming.

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