Parmi la nouvelle vague de rappeurs italiens, Capo Plaza occupe une place singulière. Né en 1998, Luca D’Orso – de son vrai nom – quitte la petite ville de Salerne pour Milan en 2014, avec une seule idée en tête : vivre de sa musique. Bourré de talent et de détermination, celui qui a commencé à écrire des textes à 13 ans réussit en quelques mois à se faire un nom dans le milieu du rap. Depuis la sortie de son album 20 en 2018, il est une star dans son pays. Grâce à ses collaborations avec SCH, Ninho, Aya Nakamura, Lil TJay ou encore Gunna, Capo Plaza est aujourd’hui un artiste sur qui l’Italie peut compter pour faire rayonner son rap en Europe et dans le monde.
Son deuxième album PLAZA, sorti le 22 janvier est quand à lui déjà certifié disque d’or. Enregistré en pleine crise sanitaire, ce projet laisse apparaître un artiste contrasté. Le rappeur de 22 ans évoque en effet la lumière, mais aussi les ombres. Riche de ses expériences et doté d’une lucidité remarquable face à son succès grandissant, Capo Plaza est l’incarnation des nouvelles ambitions du rap italien. Entretien avec la tête d’affiche transalpine.
On traverse une période difficile depuis plusieurs mois. Comment la crise du Coronavirus a impacté le processus créatif de ton album PLAZA ?
La crise sanitaire a eu un impact important. L’album a été réalisé en 4 ou 5 mois. On a dû comprimer le travail de façon très importante cette période. On a fait beaucoup de choses et on y a consacré beaucoup de temps. On voulait sortir de nouvelles sonorités. Le problème c’est que quand trop de temps s’écoule, je ne suis plus convaincu de mes chansons. Elles deviennent en quelque sorte obsolètes et je n’ai plus envie de les sortir. Donc on a d’abord dû repousser la sortie de l’album d’avril en novembre, puis de novembre en janvier. Il y a eu de nombreuses complications, mais finalement on y est arrivés. On est arrivés à atteindre notre objectif.
Qui t’entourait durant toute la période où tu as enregistré cet album ?
Mes producteurs, toute l’équipe derrière moi, au studio, jour après jour. Surtout dans les périodes difficiles comme celle-ci, c’est rassurant d’être entouré. C’est bien d’être avec des personnes qui t’aiment, qui connaissent et comprennent la musique. C’est important. On a réussi à aller de l’avant en équipe. La crise nous a tous pris au dépourvu, bien entendu. Et puis, il n’y a pas que le rappeur qui est au-devant de la scène, il y a aussi toute une équipe ce qui s’occupe des concerts, de pleins de tâches différentes à accomplir. On est tous sur le même bateau. On a essayé de travailler dur pour atteindre notre objectif malgré cette pandémie, parce que face à une crise pareille, on ne peut pas vraiment aller contre les éléments.
Cet album est plus personnel que le précédent. Pourquoi as-tu eu envie de te dévoiler davantage au public ?
Je souhaite faire comprendre aux gens que quand on a du succès, il n’y a pas que des côtés positifs. Bien sûr, le succès apporte plein de bonnes choses mais comme dans chaque travail, il y a aussi une partie un peu moins jolie, un peu plus négative. Avec cet album je voulais montrer qu’il y a aussi une personne derrière l’artiste. En Italie, on peut penser que lorsqu’on est artiste et qu’on a du succès, tout se passe bien, tout est beau, qu’il n’y a pas de problèmes, pas d’ennuis. Mais je voulais montrer les victoires et les défaites. Je voulais montrer qu’on peut gagner certaines fois et perdre d’autres fois. Je voulais montrer au public ces deux aspects du succès. Je voulais non seulement montrer le visage de Capo Plaza que les gens ont pu découvrir dans mon premier album 20, mais aussi un côté un peu plus émotionnel de ma personne.
C’est quoi ta définition de la réussite?
L’amour et la haine.
Qu’est-ce que le succès t’apprend ?
La leçon principale que j’ai apprise du succès c’est que l’argent ne suffit pas à te rendre heureux. On ne peut pas acheter le bonheur avec de l’argent. Je ne pensais pas que c’était comme ça auparavant, mais le succès enseigne beaucoup. Surtout quand tu as 22 ans, tu peux faire plein de choses, mais tu peux aussi te priver de pas mal de choses. Par exemple, je ne peux pas aller au cinéma mais je me dis : “Tant pis, j’ai mon écran 85 pouces, je peux regarder un film sur cet écran.” Il y a aussi du positif mais il faut avoir un œil plus attentif. Je ne peux pas, par exemple, aller me balader dans mon quartier et faire tout ce que je veux. Parfois, c’est quelque chose qui me pèse mais je me dis que c’est pas grave. C’est aussi normal d’être freiné, ça fait partie du succès. J’ai toujours voulu faire ça de ma vie. Le succès te donne beaucoup et t’enlèves aussi pas mal de choses.
PLAZA est disponible en différents formats, y compris une édition spéciale avec un magazine dédicacé et une bande dessinée. Pourquoi c’était important pour toi de pousser si loin le concept de cet album?
Parfois quand on sort un album, il y a des vidéos qui l’accompagnent ou des lives. Là, dans la période dans laquelle nous nous trouvons, je ne pouvais pas montrer les backstages de l’album de cette manière. On a mis un magazine et une bande dessinée pour montrer les coulisses du projet d’une manière différente. Montrer comment j’en suis venu à créer PLAZA. Personnellement, je ne suis pas un grand fan de BD, c’était une idée de mon équipe. Et quand je l’ai vu réalisée, je l’ai reconsidérée. J’ai voulu y croire. C’est un projet destiné à partager le travail qu’il y a derrière cet album, à montrer où je suis allé piocher certaines sonorités, expliquer certains choix que j’ai fait.
Tu as collaboré avec plusieurs artistes italiens, français, américains ou encore allemands. Qu’est-ce que ces collaborations t’ont apporté artistiquement ?
Ces collaborations m’ont encouragé à faire toujours mieux, à me dépasser. C’était un honneur d’être sur les mêmes scènes que des géants italiens, américains, français, allemand ou anglais. C’était un honneur parce que ce sont des artistes dont je suis fan. Ces collaborations m’ont donné beaucoup de satisfaction, parce que ça m’aide à réaliser où je suis en train d’arriver. Et il y en aura d’autres encore dans le futur.
Tu as participé au remix italien de “Pookie” d’Aya Nakamura. Est-ce que tu aimerais collaborer avec d’autres artistes féminines ?
En Europe, je pense qu’Aya est la plus forte. J’aimerais beaucoup collaborer avec la rappeuse anglaise Stefflon Don aussi !
Tu as souvent cité Booba parmi tes rappeurs préférés. Il met fin à sa carrière ce mois-ci. Est-ce que son parcours t’inspire ?
Oui, bien sûr ! C’est un rappeur dont je m’inspire beaucoup depuis toujours. J’ai toujours été un très grand fan de Booba. Pour moi, il fait partie du top 3 des plus rappeurs les plus forts en Europe. J’espère avoir une carrière comme la sienne. J’espère aussi pouvoir un jour collaborer avec lui, parce que pour moi c’est tout simplement le roi. J’ai hâte d’écouter son nouvel album (ndlr : cet entretien a été réalisé quelques jours avant la sortie de ULTRA).
Quel conseil tu donnerais à un jeune qui vient d’une petite ville comme toi et qui souhaiterait se lancer sérieusement dans le rap ?
Je lui dirais de ne jamais lâcher. De ne pas abandonner. Si tu sens que tu peux y arriver, fonce ! Parce que si tu es doué, les gens s’en apercevront. Bien sûr, il faut vraiment travailler dur. Moi, je suis parti de rien mais je sentais que j’avais un feu en moi, une énergie. Je sentais que je pouvais y arriver et je pense avoir même dépassé mes attentes. Jamais je ne me serais imaginé sortir des frontières italiennes et que mon nom soit connu au niveau européen et international. Donc le message c’est : si tu le sens, vas-y, fonce ! Si tu es doué on s’en apercevra, mais être bon ne suffit pas, il faut aussi bosser très dur.
Le mois prochain tu fêteras tes 23 ans. Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour les mois et les années à venir ?
J’aimerais que ce soit toi qui me le dises.
On te souhaite de pouvoir interpréter les morceaux de PLAZA sur scène très bientôt !
Le nouvel album de Capo Plaza est à (re)découvrir ci-dessous.