Josman : “La rage montait et elle a fini par exploser”

Son besoin de renouvellement artistique, son rapport aux réseaux sociaux, la réception mitigée de SPLIT, ses engagements en dehors de la musique… Josman nous dit tout.

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Photo : Félix Devaux pour Views

À l’occasion du tournage du clip de “GOAL” sorti hier, nous avons longuement échangé avec Josman. Une interview pour faire le point avec un rappeur français particulièrement prolifique ces derniers années. S’il a sorti son EP “MYSTR J.O.$” le 29 janvier dernier, en collaboration avec son frère beatmaker MYSTR, Josman est déjà tourné vers l’avenir : « Je bosse sur mon nouvel album depuis la sortie de “SPLIT” » nous a-t-il notamment expliqué.

Son besoin de renouvellement artistique, son rapport aux réseaux sociaux, la réception mitigée de SPLIT, ses engagements en dehors de la musique… Josman nous dit tout.

Comment s’est fait ton dernier EP MYSTER J.O.$ ?

J’ai commencé à bosser dessus juste après la sortie de SPLIT. Je voulais enchaîner, aller vite. J’ai travaillé pas mal de morceaux qui étaient pas mal, mais qui ne sonnaient pas vraiment comme un album. Et j’avais quand même envie de les proposer. Je travaillais avec mon frère, qui avait déjà bossé sur SPLIT avec les morceaux “Seul”, “Lifestyle” et sur “Mallette.” Son nom de producteur, c’est MYSTR. Au bout de quelques mois, je me suis rendu compte que les meilleurs morceaux que j’avais en stock étaient basés sur des prod’ de moi et de MYSTR. J’ai décidé de garder les 6 meilleurs, d’en faire un petit EP et de l’appeler MYSTR J.O.$ pour le jeu de mot.

C’était bizarre de sortir un projet sans productions de Eazy Dew, ton collaborateur historique ?

Pas vraiment car au final, dans tous mes projets, il n’y a jamais eu que des prod’ de Eazy Dew. Depuis Matrix, j’avais produit plus de la moitié des morceaux, dans 000$ il y a des prod’ de moi et d’autres gens, dans SPLIT pareil… Je n’ai jamais travaillé avec Eazy Dew de manière totalement exclusive. Il n’est pas exclu loin de là ! Il est présent à la réalisation, au mix et aux arrangements. Il est toujours dans la boucle.

Tu n’as pas non plus bosser avec Marius Gonzalez sur ce projet, en faisant appel à Helmi pour clipper deux morceaux du projet.

Avec MYSTR J.O.$, j’avais envie de travailler d’autres choses, que ce soit au niveau de la musique ou de la vidéo. Ça fait longtemps que je voulais travailler avec Helmi, on avait déjà des idées de clips à faire ensemble. S’il n’y avait pas eu toutes ces galères de pandémie, il aurait aussi fait des clips pour SPLIT. Avec Marius on bosse toujours à deux et avec Helmi, je me suis dit que j’allais me détacher de l’aspect réalisation.

Ça correspondait à un besoin de lâcher prise ?

Il y avait surtout beaucoup de curiosité. Je sais que Helmi est un grand réalisateur, très reconnu dans son milieu, qui a de l’expérience. Avec Marius, on a commencé ensemble et on a appris ensemble. Marius continue sa progression, il commence à travailler avec d’autres artistes et à être plus complet dans son travail de réalisateur. Je voulais essayer de bosser le côté visuel, sans être trop impliqué. Helmi a eu carte blanche.

Après SPLIT et ses 23 morceaux, tu passes ici à un format beaucoup plus ramassé. Qu’est-ce que tu apprécies dans le format EP ?

Après SPLIT, je voulais surtout revenir avec un album différent. Il fallait passer un cap, passer à une autre étape, mais je savais que j’avais besoin d’un peu plus de temps pour travailler. D’un autre côté, je ne voulais pas laisser le public en attente trop longtemps. Au début, je voulais sortir des singles, puis je me suis dit qu’il y avait une cohérence dans ce que j’avais fait. Donc sortons 6 singles ! Je ne me suis pas pris la tête par rapport au format EP, j’avais envie de donner des morceaux au public pendant que je travaille mon prochain album.

 SPLIT n’est absolument pas un album à oublier, bien au contraire. 

Tu bosses dessus actuellement ?

Exactement. Comme je te le disais, j’ai commencé à bosser dessus dès la sortie de SPLIT. J’ai un peu avancé, mais je savais que j’allais prendre mon temps et que tout le process allait être long. Ce qui a été difficile avec SPLIT, c’est que je n’ai pas pu bien défendre mon projet. Des gens se sont posés beaucoup de questions et je n’ai pas eu l’occasion d’y répondre. Ma promo principale reste la scène et je n’ai pas pu en faire de toute l’année, comme tout le monde. Je voulais attendre de pouvoir défendre SPLIT comme il faut, d’en parler, de le mettre aux yeux du monde. Malgré la période, sortir des singles reste une bonne alternative pour continuer à exister. Et ça me laisse du temps pour travailler le nouvel album de manière plus poussée.

Avec le recul, tu as l’impression que SPLIT n’a pas été reçu à sa juste valeur ?

Depuis 000$, je travaille en grande partie mes albums pour la scène. Je ne les pense pas uniquement pour la scène, mais c’est quand même un élément très important. Ça m’avait fait la même chose sur J.O.$, quand j’avais sorti “V&V” en extrait et qu’il n’avait pas été très bien accueilli. Mais une fois que les gens se prennent le morceau en live, c’est différent. Il y a l’écoute dans ses écouteurs et l’écoute sur scène. SPLIT était bourré de morceaux que j’aurais pu faire comprendre au public en live. Mon précédent album a beaucoup marché grâce à la scène, c’est un fait.

On se souvient notamment de ces extraits de tes concerts qui tournaient beaucoup sur Twitter…

C’est pour ça que je fais ce métier ! J’ai toujours voulu mettre ma musique au premier plan, de la faire parler d’elle-même. Beaucoup de morceaux de SPLIT ont payé le fait qu’il n’y ait plus de concerts. Après, il y a d’autres choses qui font qu’il n’a pas été perçu à sa juste valeur, mais ça reste quand même la raison principale.

Tu as beau raconter ta vie toute la journée sur Instagram, si ta musique ne suit pas, personne ne te calcule. 

Quelles sont les autres raisons selon toi ?

J’ai vu beaucoup de choses sur les réseaux. La longueur de l’album notamment. Encore une fois, je sais qu’il y a des morceaux qui peuvent paraitre “en trop” dans une liste de lecture, mais qui auraient totalement eu leur place sur scène. Je ne me plains pas, le SPLIT Tour est reporté, on va remonter sur scène. Avec l’EP, j’aurai encore d’autres morceaux à défendre. Même si ça reste un EP de transition, je n’ai pas envie de totalement passer à autre chose. SPLIT n’est absolument pas un album à oublier, bien au contraire. Il y a encore plein de choses à montrer et à démontrer avec ce projet.

Tu conseillerais aux gens d’y revenir ? C’est une démarche de moins en moins fréquente tant on est abreuvés de nouvelles sorties.

Non, je ne leur conseillerais pas. J’ai quand même vu pas mal de tweets du style : “Ah ok, j’ai capté au bout d’une ou deux écoutes” ou “c’est long, mais il y a quand même pas mal de sons qui me plaisent.” On va être honnête deux minutes : il y a beaucoup de bons morceaux dans SPLIT, et ce, malgré sa longueur. Il y a des sons qui ne se ressemblent pas du tout, les différentes personnalités sont bien perceptibles. Je comprends qu’on soit à l’ère du streaming, que l’industrie de la musique ait changé, que les gens aient besoin d’écouter des albums d’une traite sur leur trajet quotidien.

Ce n’est pas comme ça que tu conçois la musique ?

Ce n’est pas comme ça que j’ai voulu travailler cet album. C’était la même chose sur mes précédents projets : j’ai sorti un album, les gens se sont posés des questions et une fois arrivés les concerts, les gens sont revenus sur des morceaux. Ce que je voulais avec SPLIT, c’est que chaque morceau du projet parle à quelqu’un et c’est le cas.

Au final, l’objectif commercial t’importait peu de ce que je comprends.

Je voulais que chaque son ait une cible, que chaque son parle à quelqu’un. Je voulais que les gens soient en désaccord sur cet album ! Un mec qui kiffe le rap a des sons rap, une meuf qui kiffe des sons dansants a des sons dansants : tout le monde peut y trouver son compte. Évidemment, si je voulais faire un album avec un but commercial et rentrer dans les tops charts, je n’aurais pas fait la même musique, décliné sur 23 morceaux (rires). Il y a des titres que j’avais vraiment envie de proposer, comme “Fleur d’amour.” Je sais que ce n’est pas le track le plus accessible de la Terre, mais j’avais envie de l’inclure car c’est une jolie métaphore filée. Ce sont des choses différentes, que je n’aurais pas faites si j’étais dans un état d’esprit de pression.

Tu réfutes donc le terme “d’échec” qu’on a pu entendre ici et là ?

Ce n’est pas un échec. Je sais d’où je viens, je sais que je suis simplement un mec qui fait de la musique. Aujourd’hui je vis de ça, j’arrive à partager des choses avec les gens, donc je ne considérerai SPLIT comme un échec. C’est juste une autre facette de ma musique, c’est un album conceptuel que je suis très content d’avoir fait. Je prends du recul après chaque album. Après 000$, il fallait que je step-up pour J.0.$. Avec SPLIT, j’avais envie de créer un délire un peu différent. Je suis plus dans le même état d’esprit, par exemple sur J.0.$ j’arrivais avec la hargne du rookie qui a quelque chose à prouver. Là, je souhaitais surtout m’amuser, me permettre de plus de choses. Je ne me suis fixé aucune limite et ça m’a permis de faire des sons comme je n’en avais jamais fait. Après je ne te le cache pas, j’ai quand même hâte de dévoiler le prochain album.

Si ma musique d’il y a 5 ans ne ressemble pas à celle d’aujourd’hui, c’est parce que le moi d’il y a 5 ans ne ressemble pas au moi d’aujourd’hui. 

Tu aimerais collaborer avec des producteurs en particulier pour ce futur projet ? Pour continuer à faire évoluer le “son Josman” ?

Je n’ai pas de noms en tête, mais j’aimerais m’ouvrir à d’autres styles de production, c’est certain. Le milieu du beatmaking a très bien évolué en France. Il y a de plus en plus de concurrence, de compétitions. Les producteurs sont davantage mis en lumière et surtout, ils sont de plus en plus forts. Cette mise en lumière, elle n’existait pas quand j’ai commencé à faire de la musique. À mes débuts, je m’occupais de faire mes propres prod’, c’est une discipline qui me tient vraiment à coeur.

Tu penses que ça correspond à un besoin de contrôle total sur tes créations ?

Je ne sais pas si c’est une qualité ou un défaut, mais j’ai besoin de contrôler tout ce qui me concerne. Que ce soit l’image, la musique, la production, l’enregistrement… Tout ce qui me concerne sur le plan artistique, j’ai besoin d’avoir un oeil et un avis dessus.

À propos de cette question de l’image, tu n’es pas un rappeur très actif sur les réseaux. On a l’impression que tu n’as pas nécessairement envie de prendre la parole, si ce n’est pour parler de musique.

C’est exactement ça. Avec l’expérience, je me suis rendu compte que c’était ma musique qui était le plus parlante, que c’était la communication la plus efficace. Tu as beau raconter ta vie toute la journée sur Instagram, si ta musique ne suit pas, personne ne te calcule. Je n’ai jamais eu de réelle mise en lumière, à part avec mes sons, donc je me suis juré de ne plus jamais mendier pour être écouté. Je suis très fier de ce que je fais, donc ceux qui aiment ma musique, venez et on fait la fête. Ce qui ne touche pas à ma musique, c’est ma vie privée.

C’est un équilibre que tu tiens à entretenir ?

Peut-être que si je manageais un artiste, je ne fonctionnerais pas de la même manière. Mais par rapport à mon bien-être personnel, c’est important de séparer les deux.

On t’a déjà poussé à prendre plus la parole, que ce soit ton entourage ou du côté des labels ?

Jamais de pression. Je reste décideur de tout ce que je fais, mais je vais toujours écouter les conseils car des choses peuvent être dans mon intérêt ! J’essaie de rester ouvert, mais foncièrement, je fais de l’art. Mon art parlera toujours plus que ma personne.

Peu à peu, tu comprends qu’avec moins de mots, tu peux être plus profond, parler à plus de gens. Même si ton rap sera moins impressionnant techniquement. 

À propos de ton art, tu commences à avoir une discographie bien garnie. Quel bilan tires-tu jusqu’ici ?

Je prends toujours de recul sur ce que je fais, je réécoute beaucoup mes anciens sons. Il y a quelques temps, je me repassais ma discographie entière en aléatoire. Je ressens l’évolution, mais le plus important, c’est que je me reconnaisse dans ce que j’ai fait. “Ah ouais, à cette époque-là j’ai dit ça parce que j’étais dans tel état d’esprit, tel événement m’a fait changer d’état d’esprit…” Ma musique me ressemble toujours. Si ma musique d’il y a 5 ans ne ressemble pas à celle d’aujourd’hui, c’est parce que le moi d’il y a 5 ans ne ressemble pas au moi d’aujourd’hui.

Tu es satisfait de cette évolution ?

Bien sûr ! J’essaye d’améliorer mon art en permanence, je tente toujours de corriger des choses. Par exemple, je vais réécouter d’anciens sons sur lesquels les gens disaient que j’étais plus fort en rap, parce que je faisais plus de rimes dans la même phrase. Mais au final, est-ce que je disais quelque chose de très concret ? Est-ce que je disais quelque chose de profond ? Peut à peu, tu comprends qu’avec moins de mots, tu peux être plus profond, parler à plus de gens. Même si ce sera moins impressionnant techniquement. Il y a toujours des concessions et des ajustements à faire dans sa musique, c’est la base d’une progression.

Ton processus de création a toujours été le même depuis le début de ta carrière ou tu considères qu’il a évolué aussi ?

Le rap n’a jamais été mon obsession numéro 1. J’en faisais à mes heures perdues, je le faisais presque de manière cachée. Même si maintenant j’ai fait de la musique mon métier, j’ai toujours “des priorités” plus importantes. Je préfère passer du temps avec mes amis que d’aller faire une session studio avec des mecs que je ne connais pas. Je fais de la musique quand j’en ai envie, je n’ai pas de routine professionnelle. Je peux ne pas faire de musique pendant 4 mois, au bout d’un moment ça va me manquer, puis je vais y retourner pendant 1 mois, je vais parler à personne et me tuer au taff (rires). J’essaie de garder cette mentalité. C’est ce qui fait que ma musique reste naturelle, fidèle à moi-même.

Tu as parfois peur de perdre la passion ? De te réveiller un matin et d’en avoir marre ?

On a tous des hauts et des bas. En ce moment par exemple, je n’ai pas du tout envie de faire de la musique. Je n’ai pas envie d’écouter du rap, j’ai envie de me plonger dans totalement autre chose. Le fait de s’ouvrir à d’autres styles fait que quand je reviens à la musique, ça va m’emmener sur d’autres choses, d’autres sonorités. Je ne me suis jamais cantonné à un domaine particulier.

Le rap n’a jamais été mon obsession numéro 1. 

À propos d’autre domaine, tu es actuellement habillé avec un full look Margiela. Quelle importance accordes-tu à la mode ?

J’ai toujours aimé ça. Mes parents s’en foutaient, mais ma grande soeur m’a toujours un peu chouchouté sur ce point-là. “Je veux que mon petit frère ait les dernières baskets” des trucs comme ça (rires). Je me souviens quand je travaillais à Foot Locker, je voyais la Air Max 97 qui revenait à la mode. Le jour où on l’a reçu, ça me rappelait trop de souvenirs parce que la Air Max 97, ma soeur me l’avait acheté en 1997 ! Elle me l’avait ramené en expliquant que c’était la toute nouvelle Nike, que c’était le truc le plus chaud du moment. Ça m’est resté. J’ai toujours aimé être bien habillé, je regarde les looks des gens dans la rue, j’ai une affection particulière pour ça. Mais je ne pense pas qu’elle soit énorme non plus, je n’ai jamais été dans l’excès.

Tu n’envisages donc pas d’avoir un rôle plus concret dans ce milieu ?

Lancer une marque de sapes je ne sais pas, mais je fais des efforts quand on fait du merch. J’aime bien avoir des designs forts, qu’une pièce soit bien coupée, que ce soit bien cousu. Il faut accorder de l’attention à ces détails. À long-terme, ça pourrait me plaire de développer un label mode, mais c’est toujours compliqué quand tu es un artiste et que tu veux faire une marque de vêtement. Une marque est vite associée à un artiste, et personnellement, c’est un concept qui ne me plaît pas trop. Après, pourquoi ne pas travailler avec des gens qui ont déjà leur marque, leur donner des idées. Je pense pouvoir amener plein de bonnes idées, dans plein de domaines. Dans la musique, j’aime bien l’originalité. Pareil dans la mode : j’aime bien ne pas être habillé comme les autres.

Pour poursuivre sur sur un sujet hors-musique, on a vu que 2020 avait été marqué par le mouvement BLM et les contestations contre les violences policières. C’est d’ailleurs une thématique que tu évoques dans ton nouvel EP. En tant que rappeur, tu considères que tu as un rôle à…

(Il coupe) Je ne veux surtout pas être un porte-parole. Je sais qu’on m’écoute, je sais que je peux avoir un poids, mais je me considère avant tout comme un artiste, avant d’être un porte-parole, un politicien ou quoi que ce soit. Par contre, en tant qu’humain, il y a des choses que j’ai vécues qui vont davantage me révolter en tant qu’humain qu’en tant qu’artiste. J’ai été à plein de manifestations au cours des derniers mois, mais je n’ai pas forcément mis de stories ou fait de grands posts Insta. Je n’y suis pas allé en tant que Josman le rappeur, j’y suis allé en tant que jeune qui a vu certaines choses en grandissant, qui est révolté et qui veut que ça change. Dans cet EP, c’est des thématiques que j’ai plus évoquées, des histoires qui me sont arrivées à des moments de ma vie. Par exemple dans “Sec” j’en parle un peu plus fort, mais ça reste des trucs humains dont je parle. Si je n’étais pas Josman et que j’avais mes réseaux sociaux personnels, je relaierai plus de choses. Je le fais malgré tout bien sûr, pour que les gens soient conscients de ce qui les entoure, mais je n’aie pas envie d’en faire mon fond de commerce.

J’suis un enfant de la Patrie

Mais la Patrie m’reconnaît as-p

Parce que j’suis black, c’est pas des blagues

Depuis qu’j’suis p’tit, j’prends des claques

Ils veulent pas que j’sois d’la partie

Té-ma c’que nous fait la police

OPJ fait des blagues de comique

Avec son gros nez d’alcoolique

Pour eux que des doigts d’honneur pas d’peace 

Josman, “Sec”

Le concept de récupération a l’air de t’inquiéter.

Je n’ai pas envie que ce soit lié à mon business, je fais de la musique avant tout. Et dans ma musique, je raconte ma vie. Donc s’il y a des tranches d’existence qui ont été marquées par ce genre d’évènements, un jour, je vais en parler. Il y a des choses dont je parle dans cet album qui remontent à plusieurs années, mais je n’avais pas ressenti le besoin ou l’envie de le partager jusqu’ici. Il y a des jours où ça sort, quand je fais de la musique, je ne fais pas de calculs. C’était peut-être lié à ce qu’il s’est passé cette année, ça a peut-être fait remonter des choses en moi et il fallait que ça sorte. Je ne me vois pas faire un morceau spécial BLM ou anti-flics. Si je fais ça, je vais sortir le morceau et je vais automatiquement me demander s’il a bien marché auprès du public. C’est pas la question ici et ça ne devrait pas l’être.

Tu ne veux pas perdre cet aspect de combat humain dont tu parles ?

Exactement. Ce sont forcément des drames qui m’affectent en tant qu’humain, en tant que noir, en tant que jeune français né de parents immigrés. La rage monte. Et cette année, la rage a un peu explosé. Ça m’a donné envie de l’évoquer, mais je n’ai pas envie que Josman devienne l’artiste moralisateur qui explique à la population ce qui est bien et ce qui est mal. Je ne me suis jamais considéré comme parfait, je n’ai pas envie de le paraître. Je suis juste un humain.  


Propos recueillis par Julien Perocheau

Photos : Félix Devaux (@felix_devaux) pour Views