Avec le clip “TN” disponible uniquement via des NFTs, Booba bouscule les conformités et esquisse un nouvel écosystème musical français. Un pari plus que réussi au vu de l’immense gain obtenu.
« Clashs polémiques blagounettes ok mais on oublie pas l’essentiel, ce qu’on sait faire de mieux. LE SAL. TN coming soon en NFT. » Il aura fallu seulement quatre jours pour que la totalité du stock s’épuise. La vente a débuté le mercredi 3 novembre à 10h00 et s’est étirée sur 5 jours. 5 cartes animées, contenant chacune une séquence d’images du clip de TN, étaient proposées en édition limitée. 25 000 NFTs écoulés, la moitié des ventes nécessaires à un disque d’or, juste pour un seul morceau. Selon Ventes Rap, l’opération a généré un revenu de 150 Ethers — la crypto-monnaie permettant d’acheter le NFT — soit 564 000 euros au cours actuel. Depuis la sortie de son dixième album Ultra, Booba mène une retraite active, enchaine les singles, génère des millions de streams. Le projet “TN”, inédit en France, intrigue et suscite l’intérêt aussi bien des fans que des investisseurs. Avec un succès financier qui déjoue les attentes, Élie Yaffa confirme son statut de businessman hors pair.
NFT, acronyme de « Non-fungible token », ou, en français, jeton non-fongible. Un terme obscur, entré dans le vocabulaire commun mais qui reste encore réservé aux initiés. Objet numérique non fongible donc unique, le NFT ne peut ni être remplacé par un autre, ni être copié-collé. Accessible via une crypto-monnaie, il est enregistré dans la blockchain — un registre d’informations infalsifiable.
Booba n’en est pas à sa première tentative dans l’art numérique. En juillet dernier, il commercialise dix bustes en bronze à son effigie, vendus à 2 500 euros pièce et déclinés en NFT. Un contenu exclusif, qui charme une poignée de collectionneurs et suscite l’intérêt au-delà de la sphère artistique. L’opération est prédictive. L’univers de la crypto-monnaie a le vent en poupe, Booba le sait. Il brasse donc plus large et ne tarde pas à se positionner sur un marché qui représente une manne financière. Quelques semaines plus tard, il s’aventure sur le champ musical, qu’il maîtrise mieux, tease “TN”, disponible cette fois-ci uniquement en NFT.
Une nouvelle alternative pour les artistes
Les jetons estampillés sont de type « utilitaires ». Autrement dit, ce ne sont pas purement des actifs, mais la spéculation reste possible. Un investissement sur le long terme donc pour les acquéreurs, surtout que les NFTs peuvent prendre de la valeur au gré des fluctuations du cours. Le youtubeur Yann Darwin explique dans une vidéo avoir dépensé environ 250 euros en Ethers pour 10 cartes, frais de transaction compris. Soit 20 euros par carte et 100 euros le lot des 5 (ce qui équivaut à 0,025ETH). Une somme relativement abordable pour un objet de collection.
Léo Simon, co-fondateur de Cryptagency et spécialiste des crypto-monnaies, précise que Booba devrait ensuite « récupérer l’argent des commissions sur les transactions, les frais secondaires assortis à la vente d’un NFT. Il va toucher une partie de ces frais pour chacune des transactions, ce qui va lui procurer un gain financier important sur le long terme. » Cette nouvelle alternative qu’offre le marché des NFTs pourrait être un remède pour les 90 % de musiciens présents sur les plateformes de streaming, qui reçoivent un revenu annuel inférieur à 1000 euros. Grâce à ce modèle de financement direct, « les artistes pourraient percevoir un salaire plus ou moins régulier », optimise le spécialiste. Selon lui, l’introduction des NFTs dans l’industrie musicale pourrait également s’accompagner de nouveautés au niveau du format des albums.
Un coup d’avance
En proposant un nouveau business modèle, « Booba lance un message fort à l’industrie du rap », observe Léo Simon. « Parce que c’est le plus grand rappeur français, sa démarche amorce un mouvement qui sera assurément collectif. Plusieurs autres artistes vont suivre le pas. » Outre Atlantique, la marche a déjà été entamée par une panoplie de stars : Calvin Harris, Snoop Dogg, Eminem, Tory Lanez ou encore The Weeknd. Ce-dernier a d’ailleurs récolté plus de 2 millions de dollars, après avoir vendu aux enchères une collection composée d’un morceau inédit ainsi que des œuvres d’art.
Sa démarche amorce un mouvement qui sera assurément collectif.
Léo Simon
Les chiffres ne sont pas aussi mirobolants pour “TN”, mais Booba peut se targuer d’être un précurseur sur le marché français. Il ouvre les portes d’un univers jusqu’ici associé au milieu de l’art, cryptique pour le commun des mortels qui en ignore les codes et le vocabulaire spécifique. Léo Simon estime que le rappeur va « réussir à banaliser les NFTs » et les rendre accessibles à une partie de sa communauté qui n’y est pas familiarisée. Sur le site dédié à la vente, un mode d’emploi en quatre étapes était d’ailleurs proposé aux novices.
Booba a réussi un coup de maître.
Léo Simon
Il ajoute: « Jusqu’à présent, dans le rap français, il y avait cette crainte latente d’être le premier à se lancer dans les NFT, de peur que ça finisse en par un échec. Avec son projet « TN », Booba a réussi un coup de maître. » La seule zone d’ombre qui semble se dessiner est l’afflux massif de resellers que la vente va engendrer. « Ça, c’est presque inévitable. Ce business d’achat-revente est une partie intégrante des NFT et même Booba ne pourra pas y échapper. »
Le rendez-vous a été donné le lundi 8 novembre dès 18h00 pour les quelques privilégiés qui auront accès au clip.
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