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Renato Sanches, l’art du rebond

Fraîchement transféré au Paris Saint-Germain, Renato Sanches poursuit en France une aventure sportive pleine de succès. Dans l’Hexagone, le milieu portugais a d’abord remporté l’Euro en 2016, avant de donner un second souffle à sa carrière avec une arrivée à Lille en 2019, lui permettant de glaner un titre de champion de France. À seulement 25 ans, l’ancien lisboète a déjà connu un parcours sinueux parsemé d’embûches qui le pousse à maîtriser l’art du rebond. 

Le plaisir du jeu 

Comme beaucoup d’enfants, pour Renato le football est avant tout une manière de se réunir dans la rue avec ses amis. “C’était évident pour nous parce qu’on s’amusait“, se remémore celui qui a grandi dans la banlieue de Lisbonne. Très vite, ce simple divertissement se transforme en une pratique plus concrète. Pour lui, le déclic intervient à ses “9 ou 10 ans” : “Le président du club de football local m’a vu jouer et m’a demandé quel âge j’avais. Il m’a proposé d’intégrer son équipe.” Du football décousu qui se pratique sur les bitumes du monde entier, Renato découvre l’exigence du sport en club. 

Une transition qui n’a pas été de tout repos, d’après son ancien président Antonio Quadros : “Il avait déjà de grandes qualités de vitesse, mais il était aussi très petit, chétif. Il se prenait de sacrés coups. Un jour, il m’a dit qu’il en avait assez, qu’il voulait arrêter. Je l’ai convaincu de continuer. Un an plus tard, Benfica le recrutait.” Pour Radio Renascença, le président club de l’Aguias da Musgueira raconte avoir accepté l’offre de 750€ et 25 ballons neufs de la part d’un émissaire de Benfica, pour les services de l’enfant. Des ballons que le club n’a jamais fournis. “On ne demande pas grand-chose, juste du matériel pour s’entraîner”, regrette à ce sujet Antonio Quadros.

Loin de ces considérations financières, le plaisir reste le maître mot lorsque Renato Sanches parle de football, il reconnaît qu’avec le temps son rapport au sport a dû évoluer. “À partir de 15 ou 16 ans, le football n’était plus seulement un jeu, mais aussi une passion. À ce moment, je suis devenu plus conscient de ce que ça représentait pour moi. J’ai compris que ma vie pouvait changer.” Et pour cause, comme des milliers d’enfants et d’adolescents, le petit milieu de terrain lisboète intègre alors un centre de formation, celui du Benfica Lisbonne. Une place forte du football portugais, considérée comme l’une des plus belles usines à talents d’Europe, à l’instar de Bernardo Silva, João Félix, Rúben Dias, João Cancelo ou Ederson.

L’expérience au centre de formation de Benfica était très bonne. Comme toute ma famille, je suis fan du club, donc je rêvais d’y jouer plus jeune“, raconte le Portugais, très fier de cette opportunité. La tête froide, il explique : “J’ai eu la chance de ne jamais ressentir une forme de stress au centre, j’étais simplement fier et concentré sur cette opportunité, sur le fait de m’améliorer et de sortir du lot.” Ce dévouement total au football lui a permis de faire abstraction de son mode de vie solitaire : “Quand j’étais au centre de formation, ma famille et mes amis ne me manquaient pas parce que je jouais au football. J’avais le sentiment d’avoir tout ce qu’il me fallait. Par contre, si tu me demandes maintenant, ma famille me manque bien plus aujourd’hui.

2016, naissance d’un prodige 

Le statut d’un footballeur peut radicalement changer en un instant. C’est l’expérience vécue par Renato Sanches en 2016. Les choses sérieuses démarrent le 30 octobre 2015, lorsqu’il dispute à 18 ans son premier match avec l’équipe première du Benfica face au CD Tondela. Dans un duel remporté quatre buts à zéro, il s’offre un baptême du feu lorsqu’il fait son apparition à la 76e minute de la rencontre, en lieu et place du Brésilien Jonas. Son histoire est lancée. Il ne faut attendre que 5 semaines avant que la nouvelle pépite du club ne fasse étalage de tout son talent. Le 4 décembre 2015, numéro 85 floqué dans le dos, Renato Sanches expédie une frappe de plus de 30 mètres en pleine lucarne face à l’Academica.

Des sorties assez convaincantes pour obtenir successivement une première expérience en Ligue des Champions puis en sélection nationale. Le 18 mars, c’est à nouveau à la 76ᵉ minute de jeu que Renato réalise ses débuts, cette fois pour son pays. Face à la Bulgarie, le sélectionneur Fernando Santos lui permet de goûter à un rêve de gosse. “Ça a été une année spéciale pour moi, tout est arrivé très vite“, s’enthousiasme-t-il. “D’abord, je joue en équipe première de Benfica, puis en sélection nationale, tout se passe bien, je ne peux pas rêver mieux, même si ça s’arrête là.” Sa superbe trajectoire va pourtant perdurer, avec une consécration estivale et des records de précocité. En France, Renato et ses coéquipiers déjouent les pronostics en remportant l’Euro, battant pour l’occasion le pays hôte en finale. “Quand on a gagné ici en France, j’ai réalisé un rêve. J’avais tout gagné cette saison-là, je ne pouvais pas demander plus.” 

Plus jeune buteur lors de la phase à élimination directe, plus jeune joueur à remporter l’Euro, meilleur espoir de la compétition, en l’espace de quelques semaines, Renato Sanches devient un talent reconnu mondialement et connaît le premier sommet de sa carrière. “J’espère que je vais dépasser ce moment, mais pour l’instant gagner l’Euro 2016 c’est le plus bel accomplissement de ma carrière.” Dès lors, le monde du football s’arrache le nouvel ambassadeur d’adidas, qui était considéré comme le plus gros espoir à son poste. C’est finalement le Bayern qui remporte la mise, moyennant 35 millions d’euros. Un montant auquel s’ajoute 45 millions d’euros de bonus, soit 5 millions à chaque tranche de 25 matchs joués, ainsi que 20 millions supplémentaires s’il est un jour présent parmi les 23 nommés au Ballon d’Or ou dans l’équipe FIFA de l’année. Si Manchester United le supervise 24 fois, c’est le choix du Bayern qui est évident pour Renato : “J’ai choisi le Bayern parce qu’ils me voulaient vraiment. Quand un tel club désire te signer, c’est impossible de dire non.”

Son année 2016 se conclut en beauté en remportant le plus gros trophée individuel de sa carrière, le “Golden Boy”. Ce prix récompensant le meilleur jeune joueur de l’année a été remporté par Lionel Messi (2005), Sergio Agüero (2007) ou encore Paul Pogba (2013). Il raconte avec fierté : “Gagner le Golden Boy ça représente quelque chose de très fort, parce que ça mettait en avant mes qualités individuelles, le mérite me revenait vraiment. Ça m’a encouragé à croire en moi.”

Une trajectoire sinueuse 

À seulement 19 ans et après une seule année en professionnel, le joyau de Benfica s’envole dans l’une des meilleures équipes européennes. À la découverte du plus haut niveau en club, Renato rencontre de nouveaux types de challenges dans une vie de sportif, en raison notamment d’un ischio qui le chatouille et d’un manque de temps de jeu. Plus encore, le footballeur doit s’adapter à un environnement et un cadre de vie qu’il découvre : “C’était une transition difficile. J’étais seul, j’avais 19 ans, je me croyais prêt pour être seul, pour faire face à ce challenge, mais maintenant je sais que je ne l’étais pas. Ça m’a fait grandir.

Sanches ne regrette toutefois pas ce pari ambitieux : “J’ai fait le bon choix en choisissant le Bayern, mais je l’ai fait trop tôt. Je ne m’attendais pas à vivre ce que j’ai vécu, comme le fait de me blesser lors de mon premier entraînement. Je me sens seul, je suis blessé, j’ai 19 ans, mentalement forcément ça ne va pas.” Malgré des soutiens dans le vestiaire, notamment “Ribéry et Thiago” avec qui il “parle beaucoup“, Renato ne joue que 34 matchs de Bundesliga en deux saisons. Un passage en Allemagne intercalé d’un prêt à Swansea, au cours duquel il joue 12 matchs en Premier League. 

Sanches détaille les enseignements de cette expérience : “Parfois, on peut croire qu’on ne ressent pas la pression et qu’on se sent bien, mais ce n’est pas le cas. Si tu ressens la pression, tu ne peux pas performer. J’ai compris à ce moment à quel point être heureux influait sur mon niveau de jeu.” Une pression renforcée par l’étiquette d’un joueur à 35 millions d’euros, l’un des plus gros transferts de l’histoire du Bayern Munich. Une importance qu’il tient à relativiser : “À l’époque, les gens parlaient du prix de mon transfert parce que c’est comme ça que le football fonctionne. Mais moi, je n’y pensais pas vraiment. De toute façon, même si un club ne paye que 5 millions pour moi et que je ne joue pas, je ne serai pas heureux. Je veux toujours être bon, peu importe le prix“.

Son expérience au Bayern a été pour Renato l’occasion de découvrir une facette essentielle de la performance de haut niveau, la préservation de sa santé mentale, élément encore tabou dans le sport : “La santé mentale dans le football est fragile parce qu’il suffit d’un mauvais match pour que tu perdes le moral.” Grâce à son vécu, il résume : “Il faut trouver des manières de positiver au-delà des performances, il faut croire en soi. On ne sait jamais quand une opportunité va se présenter, il ne faut pas lâcher, travailler dur et toujours chercher à faire de son mieux. On ne marque pas à chaque match, on n’est pas toujours bon, par contre, on peut toujours avoir le bon état d’esprit.

Résilience et ambitions 

En 2016, c’est en France que Renato Sanches s’installe sur le toit de l’Europe. En 2019, c’est aussi en France qu’il donne une nouvelle dynamique à sa carrière. Le milieu de terrain fait le choix de rejoindre Lille pour mieux rebondir. “J’avais de meilleures offres que le LOSC en 2019, mais j’ai fait ce choix après avoir parlé avec Fonte en sélection puis avec Luis Campos. Ils m’ont motivé à venir, ils m’ont donné de l’amour, c’était ce dont j’avais besoin à cette période. Ça a été un bon transfert pour moi.” 

Auréolé d’un titre de champion de France en 2021 devant l’ogre PSG, Renato Sanches retrouve à Lille son meilleur niveau et ravive l’excitation autour de ses talents balle au pied. Grandement désiré par le Milan AC cet été, il décide pourtant de rester en France, en signant au Paris Saint-Germain : “J’ai choisi Paris parce que j’aime la France“, résume-t-il. Un choix évident pour lui tant son histoire avec la Ville Lumière aurait pu s’écrire plus tôt : “J’ai reçu 3 offres du PSG mais ça ne s’était pas fait avant ça. Cet été j’ai pensé que c’était enfin le bon moment pour venir.” Également, la présence de son ancien entraîneur a été un facteur important : “Je connais très bien Christophe Galtier, il m’a coaché à Lille donc forcément ça pèse dans une telle décision.

Malgré une dynamique positive en club ces dernières années, Renato Sanches connaît une nouvelle désillusion au moment de l’annonce de la liste du Portugal pour la Coupe du Monde 2022. Son entraîneur Fernando Santos fait le choix de se passer de ses services. Une décision d’autant plus difficile à encaisser qu’il confiait être “très concentré” ces dernières semaines sur “le rêve” de jouer la plus prestigieuse des compétitions avec son pays. En 2018 déjà, Renato devait faire une croix sur le tournoi, la faute à des blessures. Cette fois, la rude concurrence à son poste a eu raison de ses rêves : Bernardo Silva, Bruno Fernandes, Vitinha, Joao Mario, Ruben Neves ou encore João Félix, le cœur du jeu portugais est un concentré de talents.

Pour Renato Sanches, il faut donc à nouveau faire preuve de résilience et détermination pour rebondir après cette déception. Comme après des blessures au Bayern Munich, un prêt difficile à Swansea ou son absence en Russie en 2018. S’imposer durablement à Paris, faire son retour en sélection et exploiter pleinement son immense potentiel, les prochaines étapes d’une carrière pleine de défis.