Karim Benzema, un goût d’inachevé – The Word

Le 19 décembre dernier, après une Coupe du Monde tuée dans l’oeuf, le Ballon d’Or annonçait à demi-mot sa retraite internationale. Son parcours bosselé en Bleus et sa fin brutale laissent un mauvais goût en bouche, celui amer de l’inachevé.

C’était le lundi d’après Coupe du monde. Quelques heures avant les coucous mous des Bleus au balcon d’un palace en moulures et colonnes. En quelques mots sur les réseaux sociaux, Karim Benzema tournait la dernière page d’une histoire lacunaire avec l’Equipe de France. 

Ce qu’elle aurait pu être belle, l’aventure. Elle aurait du. 

Sur le gazon, Karim flambe, orchestre, caresse, crucifie. Il sert des offrandes dorées, plante des buts bien gaulés. Karim danse un ballet qu’il mène, compose des poèmes avec ses pieds. La grâce facile, la lecture fulgurante, la finition létale. Karim agite les filets et les âmes. On le voyait déjà son portrait flotter au sommet des Champs-Elysées, sous des « Président » époumonnés. C’était écrit. 

Pourtant.

Sous le maillot tricolore, le palmarès est frêle. Des rendez-vous manqués, des rendez-vous ratés. C’est sans lui, que les potos ont grimpé sur le toit du monde. En lot de consolation, une Ligue des Nations dont le peuple se fout bien.

Idole à la gueule plébéienne, Baby Benze ne colle pas aux canons du footballeur modèle. Faut du bien peigné, du docile, du bavard, du qui chante La Marseillaise. Mieux, si le nom sonne gaulois. Dans les médias, ça a monté en épingle ses excès de vitesse, son cercle, ses maladresses. ça s’est léché les doigts de son feuilleton judiciaire. Au panthéon des personæ non gratæ, sa place l’attendait chaude, là, à côté de Cantona, Ginola, Ribery, Nasri ou Anelka.

Puis le Qatar. L’opportunité de réécrire l’histoire. Rafler le trophée ultime. Cette fois, il en est. Les semaines qui précèdent, Karim ménage ses jambes pour s’assurer une forme olympique. Sur place, il s’entraîne en soliste, force trop. Et voilà qu’une blessure s’en va saloper son rêve. Karim est expédié dès le lendemain à l’aube. Quitte le camp de base en douce, sans serrer toutes les mains. Départ forcé aux airs d’aubaine, pour se délester d’un encombrant. Caillou dans la chaussure de Didier Deschamps. On n’en a jamais trop voulu, de Benzema. On ne pouvait seulement plus feindre de ne pas voir sa grandeur. Alors on la lui a donnée, sa seconde chance. Sans conviction réelle. On n’en a jamais trop voulu, de Benzema. Oui lui, le virtuose national, la légende madrilène, le ballon d’or prolo. Le rabibochage était un leurre. Aujourd’hui, il ne veut plus faire semblant.