Lorsque Ghali rencontre son public, il arbore toujours une tenue éclatante, dans laquelle il brille par son énergie explosive. Mais pour l’heure, le rappeur de 29 ans a troqué le style contre le confort : dans un ensemble de survêtement noir, il fume une cigarette, engoncé dans le canapé de sa loge. Concentré mais détendu, son allure nonchalante contraste avec la ferveur dans laquelle il emporte les spectateurs lors de ses concerts.
S’il ne rassemble que des auditeurs initiés en France, Ghali s’est imposé en tant que tête d’affiche du rap de l’autre côté des Alpes. Sa notoriété n’a cessé de croître depuis la sortie de son morceau « Pizza Kebab » en 2017, et il cumule désormais près de 2,8 millions d’auditeurs mensuels sur Spotify. Dans quelques heures, ce 24 octobre, il se produira sur la scène du Bataclan dans le cadre de sa première tournée européenne. Une étape importante dans sa carrière grandissante, lors de laquelle il saura se montrer tel le musicien qu’il a toujours été : autant insaisissable par sa musique que fédérateur dans sa démarche.
Comment tu sens le concert de ce soir ?
Tous les shows de ma tournée sont importants pour moi, surtout que c’est ma première en Europe. Je me sens aussi très proche de Paris, c’est comme ma deuxième maison. C’est une grosse étape pour moi. Je suis très heureux de jouer dans une salle comme le Bataclan. Mes fans sont des citoyens du monde, et même si je pense que le public sera surtout composé d’Italiens, je suis sûr que beaucoup de Français auront fait le déplacement.
Tu te rappelles de la première fois que tu es monté sur scène ?
Oui, bien sûr. Je me rappelle que j’avais 13 ou 14 ans. C’était une scène très underground, avant l’arrivée d’Internet. Je rappais avec des artistes qui s’étaient déjà fait un nom en Italie. Aujourd’hui, ce sont des stars dans la pop ou dans le rap. On a commencé ensemble lors de freestyles et de sessions musicales.
Je garde un souvenir incroyable de cette époque. Le jour qui m’a le plus marqué, c’est lorsque j’ai joué devant sept personnes. Je n’avais vendu que sept tickets, mais je me suis quand même bien amusé ! J’ai aussi vendu sept t-shirts de merch ce jour-là, c’étaient des supers fans (rires, ndlr).
Comment tu as évolué depuis l’époque où tu jouais devant sept personnes, jusqu’au Bataclan aujourd’hui ? Comment tu vois la scène aujourd’hui ?
Je ne sais pas, honnêtement. En ce moment, j’apprécie le fait d’interpréter mes morceaux récents, de voir que le public qui me suit depuis longtemps connait aussi mes dernières chansons.
Je n’ai pas terminé mon évolution, je suis encore en train de progresser. J’ai beaucoup d’idées qui viennent pour construire le concert parfait, même si je ne sais pas si j’atteindrai la perfection un jour. J’espère revenir avec des plus grandes productions. J’adorerais réaliser un show plus important, pour mieux exprimer mes morceaux. Je suis très impliqué, avec mon équipe, dans la direction artistique de mes concerts. Mais je pense que le vrai highlight de ce soir, ce sera le public.
Mon meilleur souvenir, c’est quand j’ai emmené ma mère sur scène, à Milan, au forum d’Assago. J’ai senti que c’était le pic de ma carrière à ce moment. Mais maintenant, comme je pars en tournée en Europe, je lui ferai peut-être découvrir une scène plus grande bientôt.
En ce qui concerne les concerts, tu as déjà expliqué que tu composais des morceaux pour la radio et d’autres pour la scène. Quelle est la différence dans ton processus créatif ?
Je ne réfléchis pas de cette manière, l’idée me vient après. Depuis mes premiers morceaux que je postais sur MySpace, je reconnais les titres qui passeront à la radio et ceux qui seront accueillis avec enthousiasme sur scène. Mais je n’aime pas y penser pendant le processus créatif.
Il y aussi des morceaux qui rencontrent un succès inattendu pendant mes concerts, comme « Extasy », un titre au style dancehall. Il crée un moment de fête, tout le monde s’amuse comme en boîte de nuit. Ces moments surviennent souvent car on renouvelle la tracklist à chaque show. C’est toujours une surprise.
Il y a des artistes dont la scénographie t’inspire ? Comment tu te prépares pour la scène ?
Je pense toujours à Michael Jackson. J’adore les shows de Kendrick Lamar aussi. Mais ma plus grosse inspiration, c’est le concert de Stromae en 2015, j’aimerais bien arriver à ce niveau un jour.
Concernant les vêtements, je cherche parfois un style spécifique, mais la plupart du temps, je mets les habits dont je dispose. J’apprécie ce moment créatif, lorsque je compose mes tenues. J’ai une styliste, mais parfois, c’est moi qui l’habille (rires). Je plaisante, mais pour dire que je suis très présent dans mes choix. Rien n’est « too much » pour moi. Ma seule contrainte, c’est de rester à l’aise, parce que je veux assurer jusqu’au bout. Ma tenue doit être stylée, mais également confortable. Je pense que ce sont les chaussures qui font la différence. J’aime mettre des sneakers avec des tenues classes et élégantes.
Sinon, avant mes concerts, parfois je prie, parfois j’oublie. Je peux aussi suivre une leçon de mon coach vocal. Ça dépend du jour.
Interview : Hong-Kyung Kang
Photographe : Antonio De Masi