L’image a des traits symboliques. Elle, le costume chic et la dégaine crâne, accoudée, là, sur un panneau « Harvard Business School ». Professeure d’un jour pour la plus ronflante des universités. L’air de dire merde. À ceux qui ne voient pas l’épaisseur et la texture, derrière la plastique, les mondanités et les ébats filmés.
Trop. Ses fesses, ses privilèges, son ampleur, son fric. Ça déborde. Ça irrite.
Les puristes de la réussite gueulent que c’est obscène, le commerce de la vacuité. Veulent du virtuose, de l’utile. Kim la traînée, l’illégitime, l’éloge du vide. Caricaturée comme un monde en noir ou blanc.
Reine de télé-réalité, papesse de l’influence digitale, Kim Kardashian excelle dans la mise en scène de soi. Elle sait tout des angles, des effets, du qui tient en haleine. Son corps, performé, hypertrophié, est un totem qu’on fétichise, qu’on déifie. Kim s’en empare comme d’un outil de domination. Femme-sujet qui dispose, revendique et contrôle.
L’idole fait son miel d’une pop culture exhib’ et voyeuriste. Elle capitalise sur son image mais transcende son statut de curiosité esthétique. Son empire est glouton. Lignes de cosmétiques, de vêtements, de parfums, de shapewear, de soins de la peau et d’accessoires de maison, jeux et applications mobiles, émissions, société de capital-investissement. Dans le désordre.
Kim est une bûcheuse, une faiseuse d’affaires dorées. Croque le monde au petit-déjeuner. À ses heures, elle potasse le droit, visite des cellules, commue des peines et plaide une réforme de la justice américaine. Puis la voilà qui se dédouble encore, pour couver ses quatre rejetons.
Kim est ci mais aussi ça. Tout à la fois it-girl, bimbo, mère, business woman, activiste et apprentie avocat. Sexy et empouvoirée. Légère et brillante. Artificielle et engagée. Rien ne s’annule. Tout s’accorde. Madame confronte et confond. Change d’avatar comme d’extensions.
La culture d’aujourd’hui, numérique, zappeuse et mosaïque, complexifie les âmes. Les identités se fragmentent, au gré des expériences, des sphères, des influences. Formes hybrides, contours mouvants. Dedans, une nuée de facettes et de nuances. De dimensions contraires et mêlées. Pourquoi choisir un camp? Ciao cadres, mises en boîte et parcours droits.
Modèle de pluralité individuelle, Queen Kardashian inspire à se définir comme on l’entend. Sans trier ni trancher. C’est peut-être là son talent.