« Moins on me voit, mieux c’est.» Vacra souffle ça entre deux flashs, là, sur la grande toile tendue rouge. Il y a encore quelques semaines, l’artiste gardait l’incognito. Après avoir emballé TikTok avec son « Plan Séquence », son anonymat avait troublé l’audience et nourrit les conversations. Ça jouait à deviner son âge, ses origines, son genre surtout. Aujourd’hui encore, Vacra ne se découvre qu’à moitié. Une casquette vissée sur le crâne, des lunettes sur le nez. Puis des images brouillées, tamisées. Façon de se préserver.
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Sous les voûtes du Silencio, sur une petite scène éclairée au néon bleu, une danseuse tressée ondule doucement. La celle qui vaguait dans les rues pavées de Montmartre, dans le tout premier clip de Vacra. « Ça faisait partie de l’histoire, ça faisait partie du départ de tout, elle était obligée d’être là. C’était une aventure commune au final, parce que c’était elle l’image, moi la voix.»
Elle a eu le coup de foudre, elle m’appelle Pikachu. Tu tombes bien hier l’officielle m’a dit : « J’veux plus d’nous ». Le voilà qui jaillit, enfin. Ce 9 février, Vacra foule ses premières planches et lève le voile sur son identité. Wesh c’est pas une meuf? La centaine de privilégiés massés au pied de l’estrade frissonne. Vacra s’émeut de ce qu’ils reprennent ses paroles à l’unisson « C’était une libération. C’est vraiment le moment où on se rend compte du travail qui a été fait et du poids de sa musique, de l’impact qu’on peut avoir.» Ce jour-là, le chanteur est venu avec une surprise : l’annonce de son EP Galatée, qu’il livrera deux semaines plus tard.
J’aime l’anonymat. Je veux sortir dans le métro, je veux faire ma vie.
Vacra n’avait, jusque là, jamais montré sa mine. Par pudeur plus que par stratégie. « Je comprends que ça ait pu surprendre quelques personnes ce délire de voix, l’imagerie qu’on avait autour et ce ‘mystère’. J’attendais vraiment d’avoir un truc à défendre pour peut-être divulguer plus de choses mais il n’y avait rien de calculé. J’aime l’anonymat. Je veux sortir dans le métro, je veux faire ma vie. »
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Vacra se fiche bien du star-system, du jeu médiatique. Il protège tout à la fois sa liberté et dépouille son art des éléments qui dissipent. Pied-de-nez à la mise en scène excessive de soi, impulsée par les réseaux sociaux. L’attention se concentre sur la substance, l’œuvre. Tout ce qui importe, au fond. « Je vais tout partager, je vais tout donner de moi dans ma musique, mais je resterai discret. » Paradoxalement, en se terrant dans l’ombre, il est entré dans la lumière. L’humain est alléché par le mystère.
Sur son enfance, Vacra passe vite. Pas du genre à se déballer. Dès gamin, il pousse ses premières notes. Se découvre des aigus et des octaves au fil des années. Avant d’être chanteur, Vacra était décorateur. Deux métiers qu’il a appris en soliste, sur le tas. En commun, le goût du beau.
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Il dit « on », beaucoup. Vacra c’est lui, mais aussi eux. Ses associés, ses acolytes. Le « je » a des airs égotiques qu’il évite. Lui, préfère se réfugier derrière le collectif. Vacra a l’humilité des débutants. Ne prend pas la pleine mesure de ce qu’il vit, tempère sa réussite. « Je crois que c’est en train de mûrir dans mon esprit parce que c’est en train de fonctionner mais avant c’était un rêve, tout simplement. »
V.A. s’affranchit des normes de communication comme de genre. Il refoule les cadres et les carcans. « J’aimerais créer ma case avant tout. » Dans sa musique, Vacra met du rap, du R&B, de l’afro-caribéen, de la variété. Une mosaïque d’influences, sans jamais sonner comme une reproduction. Au vrai, il se cherche encore une couleur, continue de définir son monde.
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Ses mélodies sont à la fois poétiques et dansantes, ses textes intimes et légers. C’est du côté des icônes de la chanson française, que se trouvent ses maîtres à chanter. « Je ne vais pas forcément écouter beaucoup d’afro, beaucoup de R&B. Moi je suis passionné de variété, c’est à dire Aznavour, Brel… C’est vraiment un truc qui m’a donné l’inspiration et que j’écoute vraiment au quotidien. » Sur le titre « Souvenirs », où Vacra croise les vers avec Némir, on retrouve cette même façon de déshabiller ses émotions.
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Après un tabac viral sur les plateformes digitales, Vacra s’en va transposer son univers dans la réalité. En tournée, il va palper l’engouement des foules et rencontrer sa communauté.
L’artiste veut transcender la gloire éphémère, s’inscrire dans le temps. « Je suis très content de ne pas faire partie des personnes qu’on écoute et qu’on jette à la poubelle très rapidement. »
Interview : Marine Desnoue
Photographie : Félix Devaux
Assistant photographie : Alexandre Mouchet
Direction artistique : Iris Gonzales
Stylisme : Mounira Moeqrie et Luca Delombre
Production : Alice Poireau-Metge
Graphisme : Naël Gadacha
