Il y a 23 ans sortait Virgin Suicides, premier long-métrage de Sofia Coppola. Inspiré du roman éponyme de Jeffrey Eugenides, le film met en images l’histoire de cinq soeurs d’une banlieue bourgeoise. Ensemble, elles traversent l’épineuse période de l’adolescence dans un Détroit des années 1970. À l’écran, Cecilia (interprétée par Hanna R. Hall), Therese (Leslie Hayman), Mary (Andrea Joy Cook), Bonnie (Chelse Swain) et Lux (Kirsten Dunst) questionnent leur propre identité, apparence et désirs émancipateurs. Élevées dans une famille catholique, les cinq soeurs décident finalement de commettre l’irréparable pour échapper, somme toute, aux conséquences d’un regard masculin oppressif et étouffant.
Aussi précurseuse que mystérieuse, l’œuvre de Sofia Coppola s’est imposée au fil du temps, malgré elle, comme la référence d’un cinéma féministe qui ose questionner les logiques de domination entre femmes et hommes. Une universalité qui fait postérité. Depuis, la française Céline Schiamma (Bande de filles), la franco-algérienne Mounia Meddour (Papicha) ou encore la turque Deniz Gamze Ergüven (Mustang) se sont essayé·e·s au genre du teenage movie, réalisé à travers un regard féminin, voire féministe. Much Loved n’appartient pas au genre mais dépeint le quotidien de jeunes adultes enfermées dans une existence subie.
À sa sortie, Mustang a d’ailleurs été accueilli par la critique comme un Virgin Suicides à la turc.
La chercheuse Célia Sauvage, co-autrice de Les Teen Movies, soulignait le rôle fondamental du film de Sofia Coppola :
“Si le roman de Jeffrey Eugenides adoptait le point de vue de narrateurs masculins, le film déconstruit ce point de vue en montrant comment les adolescentes sont enfermées par ce male gaze qui les réduit, au choix, à des vierges (mystifiées et innocentes) ou à des putains (sexualisées et objets de leurs fantasmes). Et Sofia Coppola donne à voir en parallèle un female gaze : son propre regard sur ces adolescentes, ainsi que le point de vue subjectif de ces dernières.”
Célia Sauvage