Le titre de MVP d’une saison NBA représente peut-être le graal individuel pour un joueur de basket. C’est à la fois l’aboutissement du travail de toute une vie et l’arrivée d’un basketteur dans une nouvelle dimension. Un sacre que Joel Embiid vient de connaître, pour la saison 2022-2023. Et pourtant, il ne gagne pas. Colossal un soir, timide le lendemain. Impitoyable en saison régulière, mais dominé en playoffs. Retour sur le parcours et les contradictions d’un MVP paradoxal.
Le MVP
4 avril 2023. En NBA, les Sixers de Philadelphie, troisièmes de la conférence Est, reçoivent les Celtics de Boston, deuxièmes. Un duel au sommet entre deux des plus grosses cylindrées de la NBA. Et, malgré sa maladresse, c’est bien l’équipe de Philadelphie qui repartira avec la victoire. La raison ? Un seul homme : Joel Embiid.
Ce soir-là, Joel marque plus de points que tous ses coéquipiers réunis et étale toute sa puissance et sa panoplie technique sur des Celtics qui ne peuvent que constater les dégâts. Shoot à mi-distance, feintes, dribbles, dunks, contres ou rebonds… Le pivot camerounais ne rate rien. Il finit le match avec des statistiques irréelles : 52 points, 13 rebonds et 6 passes décisives à 20/24 au tir.
En conférence de presse après la rencontre, le coach de Philadelphie, Doc Rivers, dira alors ce que toute la sphère NBA sait déjà, un match à peine avant la fin de la saison régulière : “La course au MVP est terminée“. Une affirmation qui se confirmera un mois plus tard, le 2 mai, lorsque le grand Joel apprendra qu’il est bel et bien élu meilleur joueur de la saison.
Et quelle saison ! La performance du 4 avril ne vient que couronner l’année gargantuesque de l’ogre Embiid. Celle du meilleur marqueur de la ligue, d’un géant physique, mobile et technique, que personne ne sait comment arrêter. Avec plus de 33 points de moyenne, 10 rebonds et 4 passes, le Camerounais a martyrisé les intérieurs de la grande ligue chaque soir. Et pour décrire le joueur, les spécialistes NBA utilisent tous le même adjectif : “dominant“.
Avec ses 2m13 et ses 127 kilos, “c’est difficile de le bouger“, ironise Mary Patrux, journaliste et présentatrice de NBA Extra sur BeIn Sports, avant d’ajouter qu’Embiid “est très mobile en dépit de sa carrure“. Pour Erwan Abautret, journaliste et co-fondateur du média First team, il faut ajouter à cela une technique impressionnante. “Physiquement, c’est un monstre. Mais techniquement, il fait des choses incroyables… Il peut dribbler, tirer de loin, il a beaucoup de moves et de feintes dans sa panoplie. Et surtout, dans le tir à mi-distance, il est juste létal.” Derrière une carrure et une puissance gigantesques, Joel a ce toucher, cette finesse qu’on retrouve rarement chez les joueurs de sa taille. “Il fait même des trucs de petits !“, poursuit Erwan Abautret. “À son poste de pivot, c’est un mix entre Shaquille O’Neal et Hakeem Olajuwon, la puissance du premier avec les appuis du second. Et quand il se met à feinter avant d’aller vers le panier, à prendre des fadeway… Moi, je vois du Kobe“. Rien d’étonnant quand on sait que c’est bien en regardant Kobe Bryant à la télévision, que Joel, adolescent à l’époque, se découvre une passion pour le basket.
Le kid de Yaoundé
Avant Kobe, les premières idoles sportives de Joel devaient s’appeler Samuel Eto’o, Patrick Mboma ou Rigobert Song. Trois footballeurs internationaux iconiques qui faisaient partie de la génération dorée camerounaise, celle qui a remporté la CAN en 2002, celle aussi qui a ébloui de nombreux jeunes au pays, comme Joel. Cette année-là, le futur MVP a 8 ans et vit encore à Yaoundé, où il est né. “J’ai supplié mes parents pour qu’ils me laissent jouer au foot, mais ils n’ont pas voulu“, écrivait-il en 2018 pour The Players’ Tribune. Dans l’éducation stricte imposée par Christiane et Thomas Embiid, pas de place pour le ballon rond. Alors Joel sort jouer en douce sur un terrain à côté de chez lui après l’école et rentre en quatrième vitesse lorsqu’il entend la voiture de sa mère qui la ramène au travail. “J’avais environ 25 secondes avant qu’elle ne gare sa voiture, enlève ses chaussures et rentre à l’intérieur pour s’assurer que j’étudiais.” L’enfant s’arrange toujours pour être devant un livre au moment où sa mère arrive. “Elle était super stricte à propos de l’école. Elle ne rigolait pas.” À cette époque, manger, dormir et étudier prennent tout le temps du jeune camerounais.
S’il se passionne pour le football, Joel commence cependant à pratiquer… le volley, quelques années plus tard. Son père, un ancien handballeur, l’y pousse, convaincu du potentiel de son fils déjà immense, mais mobile et surtout doué. Tellement doué, qu’il sera repéré pour partir jouer en Europe et devenir professionnel par la suite.
Ce n’est qu’en 2009 que Kobe et le basket vont entrer dans la vie de Joel. Cette année-là, l’adolescent, alors âgé de 15 ans, tombe sur les finales NBA. Le Black Mamba et ses Lakers martyrisent le Magic d’Orlando d’un Dwight Howard trop jeune, trop seul et trop inexpérimenté. Et Kobe brille.
Pour Joel, c’est une révélation. “Je n’avais jamais rien vu de tel […]. Je veux faire ça“, écrit-il pour The Player’s Tribune. Alors, comme pour le football plus jeune, il fait le mur et va shooter sur les playgrounds de Yaoundé dès qu’il en a l’occasion, en hurlant “KOBE” à chaque swish.
Il en devient obsédé et se met à supplier son père de le laisser jouer au basket, ce à quoi ce dernier s’oppose de façon catégorique. Thomas Embiid estime le basket trop physique et craint que son fils ne se blesse, mettant à mal sa potentielle carrière de volleyeur en jouant au basket.
Le père finira cependant par céder au bout d’un an, convaincu par son frère, un ancien joueur de basket, impressionné par la taille de son neveu. L’oncle de Joel va même parler de lui à un scout NBA camerounais, Joe Touomou. À sa rencontre avec Joel, ce dernier sera convaincu : l’adolescent dégage ce quelque chose de plus que les autres. Sur les conseils de Touomou, le joueur NBA camerounais Luc Mbah a Moute invite Joel à son camp d’entraînement estival, organisé pour les jeunes à Yaoundé, en 2010.
C’est là que tout bascule. Mbah a Moute est tout de suite impressionné par le diamant brut qu’est Joel, après moins de six mois de pratique du basket. “Je me souviens notamment d’une action où il récupère une balle qui lui arrive dans le dos en contre-attaque. Il l’attrape, pose un dribble et un spin, avant de finir au cercle. Je connais des pivots qui jouent depuis des années et qui ne savent pas faire ça”, explique l’ancien joueur NBA dans une interview pour L’Équipe.
Face au talent d’Embiid, Mbah a Moute le prend sous son aile immédiatement. Il deviendra une sorte de mentor pour l’adolescent. À l’époque, il fait jouer ses contacts pour lui trouver une place dans une structure aux États-Unis et, à la rentrée 2011, Embiid entre au lycée américain de Montverde et intègre l’équipe de l’établissement. Ça ne fait même pas un an qu’il joue au basket.
Voyage outre-Atlantique
Lil Bow Wow, Lil Wayne ou Rick Ross… Avec Kobe, ce sont à peu près les seules références de Joel à propos des États-Unis, lorsqu’il débarque au pays de l’Oncle Sam. Et pour ne rien arranger, l’adolescent ne parle pas un mot d’anglais. Entre deux cours, il amuse la galerie en chantonnant les insultes de ses morceaux de rap préférés. Pourtant, à l’école, comme dans son équipe de high school, l’intégration est difficile. Aux entraînements, l’adolescent est largué et se bagarre avec des coéquipiers qui se moquent de lui. Alors pendant les matchs, il ne joue pas. La saison suivante, il est transféré dans un autre lycée, en Floride, où il commence à développer son jeu avant d’être admis dans l’équipe prestigieuse de l’université de Kansas pour disputer le championnat NCAA.
“C’était un adolescent timide, il ne parlait jamais“, décrit Luc Mbah a Moute pour L’Équipe, lorsqu’il évoque Embiid. On est loin de la grande gueule que l’on connaît aujourd’hui. Entre les déclarations d’amour à Rihanna sur Twitter et le trash talking avec Karl Anthony Towns ou Andre Drummond, le grand Joel cache bien le gamin qu’il était. Aujourd’hui, l’homme dégage une aura de personnage effronté, sûr de lui, presque à l’opposé de ce qu’il était dans sa jeunesse : un garçon réservé et même un peu peureux.
Celui qui, s’il a impressionné au deuxième jour du camp d’entraînement de Luc Mbah a Moute, n’a pas eu le courage de se présenter au premier jour, la peur au ventre à l’idée de se frotter à des joueurs plus aguerris que lui. Celui qui se faisait dominer à la fac de Kansas par Tarik Black, aujourd’hui remplaçant sans envergure en NBA. Celui aussi qui a raté des matchs de playoffs en 2019 pour un mal de ventre obscur, laissant ses coéquipiers en difficulté face au Raptors.
Pourtant, Joel a tenu le choc. D’abord au lycée et à la fac, où il a évolué dans un gros roster du championnat NCAA, puis en NBA, où il fait partie des tous meilleurs du monde, sans pour autant faire l’unanimité. C’est le paradoxe Embiid : écrasant de domination, mais hésitant, génial, mais battu par moins fort que lui. Un paradoxe qui va le suivre jusqu’à aujourd’hui.
Luc Mbah a Moute définit le Embiid adolescent comme quelqu’un de “très intelligent et de très méticuleux dans ce qu’il faisait. Il m’a posé les bonnes questions et était très observateur. Tu pouvais sentir qu’il était déjà auto-motivé pour réussir.”
Depuis les finales 2009, depuis qu’il aime le basket, Embiid s’imprègne de ses joueurs préférés. Il les décortique, les scrute et reproduit tout. Chaque jour, durant ses deux ans de lycée et son année à la fac, le géant camerounais s’est ainsi imposé des vidéos de Hakeem Olajuwon. Jeu de feintes, footwork, mobilité et toucher prêt du panier, Joel a tout emmagasiné. Et sa soif ne s’arrête pas à son poste. “Vous savez qui j’aime regarder maintenant ? KD, Harden, même des meneurs comme Steph et CP3. Pour moi, c’est là que le jeu est le plus intéressant en ce moment“, écrivait le pivot camerounais dans une tribune en 2020. Il copie tout ce qui peut lui être utile et pas seulement chez ses joueurs préférés, mais chez n’importe qui.
Pour apprendre à shooter correctement à trois points, ce n’est donc pas Reggie Miller ou Klay Thompson que Joel a épié, mais simplement “des Blancs tirant à trois points” sur Youtube. “Je sais que c’est un stéréotype, mais vous avez déjà vu un Blanc normal de 30 ans tirer un trois-points ? Ce coude est rentré, mec. Les genoux sont fléchis. Le geste est parfait“, se justifie le pivot avec une pointe d’humour.
Et c’est ainsi armé, d’un physique impressionnant, d’une mobilité invraisemblable, des moves de ses idoles et de vidéos de shoots de “trentenaires blancs“, que Joel Embiid s’est présenté à la draft de 2014, après une solide saison à Kansas.
Faux départ
En 2014, à Kansas, c’est surtout Andrew Wiggins la star. Le coéquipier de Joel est pressenti pour être choisi en première position à la draft. Mais les spécialistes remarquent également le pivot, si bien qu’il est projeté très haut dans les prévisions.
“Ce physique et cette technique déjà bien développés pour un pivot, ça m’a intrigué tout de suite“, explique Erwan Abautret. La hype atteindra son comble avec la sortie d’une vidéo de workout du camerounais. À quelques semaines de la draft, il est projeté numéro 1 de la cuvée 2014.
Des projections logiques à l’époque pour Bastien Fontanieu, fondateur de Trashtalk, média spécialisé NBA. Il se remémore l’excitation qu’avait générée la vidéo : “Quand ça sort, on se dit ‘Attends, il est super mobile, il a un shoot fluide, un vrai geste…’ On voit Hakeem Olajuwon, c’est vraiment à ce moment qu’on commence à le comparer à lui sans arrêt. C’est à ce moment-là aussi que la hype se crée et d’ailleurs, cette hype va survivre jusqu’à son premier match deux ans après.”
Joel se blesse pour la première fois. Juste avant sa draft, on apprend qu’il couve une fracture de fatigue au pied droit. Une blessure particulièrement délicate quand on pèse plus de 110 kilos. Il sera malgré tout drafté par Philadelphie en troisième position. Les fans des Sixers attendront deux ans avant de voir leur pépite jouer. Deux années horribles pour Joel.
16 octobre 2014. Quelques mois après sa draft, alors qu’il est en convalescence, le nouveau joueur de Philly reçoit un appel. Son petit frère de 13 ans, Arthur, vient de mourir, heurté par un camion à Yaoundé, à la sortie de son école. Le monde de Joel s’écroule. “C’était comme si j’avais perdu mon but dans la vie”. En apprenant la nouvelle, Luc Mbah a Moute, alors joueur des Sixers, se précipite chez lui, une délégation de représentants de la franchise sur les talons. Ils trouveront le géant camerounais agonisant de douleur au sol, plus blessé à ce moment qu’il ne l’a jamais été. Loin des terrains de basket, Joel ne pense qu’à rentrer au pays pour profiter d’une famille qu’il ne voit plus, comme pour rattraper le temps perdu avec le frère dont il était si proche, un frère disparu qu’il n’avait pas vu depuis quatre ans. Mais Joel s’accroche. Même si les terrains lui semblent fades, il continue de travailler, et un pas après l’autre, retrouve l’amour du basket.“J’avais l’impression que si je faisais ça, alors mon frère serait vraiment fier de moi“, raconte le pivot dans l’une de ses tribunes. Malgré le traumatisme, Embiid finira bel et bien par jouer son premier match NBA. En mémoire de son petit frère, lorsqu’il deviendra Papa en 2020, lui et son épouse choisiront de nommer leur fils Arthur.
26 octobre 2016. Après deux ans sans jouer, c’est le grand soir pour Joel, les débuts NBA. Et le pivot des Sixers est très attendu. “De manière générale, quand on a su qu’il allait jouer, déjà, on était tous contents ! Il y avait d’abord cette sensation-là, on connaissait ses qualités, son potentiel, mais bon, le potentiel, il faut le confirmer sur le terrain“, estime Erwan Abautret.
Et Joel va faire mieux que confirmer. 20 points, 7 rebonds et 2 contres en 20 petites minutes. Pas de doute, la NBA tient un talent comme on en voit rarement. “C’est simple, moi, je me souviens de son premier move : feinte de spin à hauteur des lancers francs, fadeway et le shoot fait ficelle. La salle explose à ce moment-là“, se remémore Bastien Fontanieu. La deuxième action de Joel sera un contre autoritaire sur Russell Westbrook, le futur MVP de cette saison, alors au sommet de son art. “Le mec enchaîne les moves et la hype devient énorme instantanément ! Sur Twitter, c’est le feu, tout le monde se met sur le game alors que Philly c’est une mauvaise équipe cette année-là“, raconte Bastien. Et si Philadelphie va perdre ce match contre une équipe d’OKC bien meilleure, ce soir-là personne ne s’en soucie : la NBA et ses fans n’ont d’yeux que pour Joel.
À l’époque, l’équipe des Sixers est en pleine reconstruction avec un slogan qui est devenu une expression commune aux États-Unis : “Trust the process“, littéralement “faites confiance au processus“. À la fin de son premier match NBA, pour son premier discours face aux fans de Philly, Embiid reprendra cette expression et deviendra l’incarnation du process : Celui sur lequel les Sixers ont décidé de baser tout son projet. Embiid n’est pas un simple joueur NBA, c’est maintenant toute une franchise que le géant camerounais porte sur son dos. Il est le process.
Un process qui n’avance plus
Individuellement, Joel a pris du poids et du volume depuis son premier match NBA. Plus de points, plus de domination, plus de stats… Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui estiment qu’il est le meilleur pivot du monde. “Son évolution est impressionnante, mais il faut donner du crédit à sa franchise qui a su l’aider à progresser“, estime Erwan Abautret. D’une équipe bancale à son arrivée, les Sixers ont depuis construit autour de leur pierre angulaire. La draft de Ben Simmons en 2016, l’association avec Jimmy Butler, la venue de Tobias Harris pour la saison 2018-2019 ont été une première tentative. La seconde, c’est celle que l’on connaît aujourd’hui. Le duo que forme Embiid avec un James Harden vieillissant mais encore performant, suppléé par un Tyrese Maxey prometteur qui a le feu dans les jambes.
Et pourtant, malgré les efforts de sa franchise, malgré la Mamba Mentality dont il se réclame, malgré toutes les épreuves qui l’ont rendu fort, Joel ne gagne pas. C’est même le seul MVP de l’histoire qui n’a jamais atteint les finales de conférences dans sa carrière. Pourquoi ? D’abord, parce que son physique lui fait souvent défaut. Les saisons au-dessus des 65 matchs (il y en a 82 sans compter les playoffs au total) sont rares. Et malheureusement pour lui, les blessures arrivent souvent au pire moment : les phases finales des playoffs.
Mais c’est surtout l’attitude qui agace. “Je me souviens d’un soir où, juste avant un match, il s’affiche en train de manger un McDo. Là, je me dis que le type n’est pas sérieux. Il est souvent blessé, il mange n’importe quoi et en plus il nous le montre“, raconte Mary Patrux. “C’est quand même quelqu’un qui avait une grande bouche très tôt. Il a vite sorti des punchlines dans ses déclarations.“
Le pivot va même jusqu’à tacler ses propres coéquipiers en conférence de presse lorsqu’il estime qu’ils ne sont pas au niveau. Toute la NBA se rappelle ainsi de la descente aux enfers de l’ancien Sixer Ben Simmons. Ce dernier, décevant en playoffs en 2021, va se faire enfoncer par Joel Embiid en conférence de presse. Depuis, il n’est plus que l’ombre du joueur qu’il était. “Embiid n’est pas comme un LeBron, une superstar un peu aseptisée qui a toujours le bon geste au bon moment”, analyse Bastien Fontanieu, tandis que Mary Patrux évoque quelqu’un “qui apprend encore à gérer ses émotions.”
Le 14 mai dernier, les Sixers rencontrent à nouveau les Celtics. Cette fois, c’est le match décisif de la demi-finale de conférence Est. Le match dure une mi-temps… Avant que les Celtics d’un Tatum étincelant n’envoient Embiid et ses Sixers en vacances. 15 petits points et 8 rebonds, les stats d’Embiid suffisent à comprendre à quel point le MVP de la saison a été décevant ce soir-là. Et pourtant, en conférence de presse, c’est un Embiid affable, enclin à la plaisanterie, qui se présente. “James et moi ne pouvons pas gagner seuls, toute l’équipe doit se regarder dans un miroir“. Si, juste avant cette phrase, Embiid assure qu’il doit faire mieux, elle n’en reste pas moins une nouvelle critique pour ses coéquipiers.
“L’attitude, c’est important. Et lui sur le terrain contre Boston, on le voit marcher, en plein playoffs ! Ce n’est pas comme ça qu’on gagne des titres“, peste Erwan Abautret. Sur le terrain, même pendant les phases finales, Embiid semble presque désintéressé, presque la tête ailleurs. Un paradoxe quand on sait le monstre de domination qu’il peut être dans ses grands soirs. “Il est difficile à cerner, c’est un drôle de personnage”, commente Erwan Abautret.
Un leader encore vert
Entre ses critiques envers ses coéquipiers, son attitude imprévisible sur le terrain et son manque de victoires collectives en dépit d’un talent immense, Embiid domine, mais il le fait seul. “Il a encore du mal parfois à diffuser à ses coéquipiers”, estime Bastien Fontanieu. Les plus critiques parlent d’un leader un peu immature, les plus indulgents estiment qu’il faut être patient et croient encore à l’accomplissement du process, celui d’un leader mature qui se révélera dans les prochaines années. Celui d’un Embiid sur le toit de la NBA.
Malgré les frasques du pivot camerounais, Bastien Fontanieu estime “qu’il s’est plus focalisé sur le jeu depuis quelques années. Il est moins présent dans les médias, il crée moins de polémiques. Je pense que devenir père en 2020 l’a aidé à se focaliser sur ce qui est important.“
Les stats parlent d’elles-mêmes. Depuis 2020-2021, Embiid est dans la course au MVP à chaque fin de saison et délivre cette impression de domination sur la meilleure ligue du monde. Devenir un père, veiller sur son enfant, diriger un foyer, serait donc le début de l’apprentissage du leadership pour Joel Embiid. Parce que si le joueur est grand par la taille, par le talent, par son importance pour le basket camerounais, il n’en reste pas moins un grand enfant : celui qu’on a entrevu ému aux larmes lorsqu’il a reçu son trophée de MVP devant ses coéquipiers. “Ça m’a rappelé sa défaite contre Toronto sur le fameux shoot de Kawhi Leonard pendant les playoffs 2019“, raconte Bastien Fontanieu. “Il est sorti pareil, en pleurs. Les gens se sont moqués de lui, mais c’est un gars authentique, il adore le basket et ça se voit. Il s’est battu pour jouer au basket.” Et il en a fait du chemin depuis Yaoundé. Mais, finalement, c’est toujours le même adolescent dégingandé qui crie “KOBE” à chaque shoot, sur un playground, des étoiles plein les yeux.