LMDB, la Mélodie des Banlieues, le nom du premier album de Rsko sorti en 2022, résumait déjà au mieux la musique du jeune artiste à l’époque. Une musique qui rassemble le quotidien d’un jeune de quartier et les mélodies efficaces, les textes d’un rappeur et les toplines entêtantes. Ce mélange détonnant, on le retrouve chez une nouvelle génération de princes de la mélodie. Des artistes au croisement entre rap et chant dont les toplines ont déjà conquis le cœur d’un auditoire rap devenu aussi friand de mélodies que de multisyllabiques.
Et parmi les représentants de ces artistes hybrides, entre chant et rap, Rsko peut se targuer d’un succès dont certains de ses pairs rêvent tous les soirs. Après s’être révélé au monde avec le titre “Sal Histoire” en 2021, il n’a pas perdu de temps en signant de grosses sorties coups sur coups avec un EP, un premier album et surtout deux feats : “Contvct” avec Aya Nakamura et bien sûr “Gasolina”, single de diamant sur l’album à succès de Tiakola. Des sorties qui lui ont permis d’asseoir son statut de newcomer, de future pépite aux yeux de l’industrie mainstream.
C’est dans ce contexte, que Rsko a dévoilé un deuxième album Memory. Plus éclectique dans les sonorités, plus abouti aussi et toujours aussi catchy dans les toplines et les mélodies, Memory s’inscrit déjà comme l’album de la confirmation pour Rsko.
Avant de parler de l’album je voulais revenir sur ton début de carrière. La première fois que tu as enregistré un morceau tu t’en souviens ? C’était comment ?
C’était avec des potes à moi et c’était nul (rires). J’ai essayé de rapper mais je ne savais pas le faire, c’était juste pour essayer. Après, c’est à force d’aller au studio que ça m’a fait kiffer la musique. J’y suis pas mal allé avec les rappeurs de L2Bgang (groupe de rap), les premières vraies sessions studios que j’ai faites c’était avec eux.
Je voulais parler d’un morceau, le premier qui t’a fait connaître : “Sal Histoire”. Est-ce que tu t’attendais à ce qu’il fonctionne comme ça ? Ou au contraire ça t’a surpris ?
Ah non, ça m’a beaucoup surpris, je ne te mens pas. Quand j’ai fait le morceau je n’étais pas dans une démarche de “ il faut que ça pète”. Jusqu’à “Sal Histoire” j’étais vraiment dans le kiff, dans l’amusement mais quand j’ai sorti ce titre-là, tout a changé. La musique est devenue un travail. Depuis, j’ai eu un producteur, on me paye des sessions studio… Quand ça devient sérieux, tu ne peux plus aller en session et en sortir avec zéro morceau, même les jours où tu n’es pas dans le mood. Maintenant, c’est le travail même si c’est aussi un kiff.
Avec Tiakola, c’est fluide ! Il y a une vraie alchimie, c’est mon gars. Ça va vraiment au-delà de la musique. On s’appelle pour tout et n’importe quoi. On se donne des conseils, je peux l’aider comme il peut m’aider dans la vie ou en studio.
Tu dis que la musique c’est sérieux et que maintenant on te donne les moyens d’enregistrer etc. J’imagine que tu as pu améliorer ta musique grâce à ça ? Quels skills le nouveau Rsko a pris par rapport à celui de “Sal Histoire” ?
Je me suis amélioré un peu partout. Je pense que je suis surtout plus rigoureux, plus sérieux dans tout ce que je fais, que ce soit dans l’écriture, la façon dont je travaille ou même dans l’organisation de ma vie. Je fais attention à plein de choses. Maintenant, j’ai une image publique je ne peux plus faire n’importe quoi. Avant par exemple je sortais beaucoup etc, ça c’est fini.
Tu as ce profil là d’artiste qui a changé de stature assez rapidement, d’abord avec “Sal Histoire” et ensuite grâce à des morceaux comme “Gasolina” avec Tiakola. Depuis vous avez fait plusieurs titres ensemble. J’ai l’impression que vous avez développé une vraie relation, une vraie connexion et ça se ressent dans la musique. Comment ça se passe en studio avec lui ?
C’est fluide ! Il y a une vraie alchimie, c’est mon gars. Ça va vraiment au-delà de la musique. On s’appelle pour tout et n’importe quoi. On se donne des conseils, je peux l’aider comme il peut m’aider dans la vie ou en studio. D’ailleurs on est souvent dans les sessions studio l’un de l’autre, on se donne des conseils mutuellement.
Quels conseils a-t-il pu te donner par exemple ?
Tiako il a la vision, il voit toujours le truc en plus. Et quand je bosse tu bosses sur un son, il va te dire “ça je le vois bien comme ça” et tu te rends compte que c’est exactement ce qu’il manquait à ton morceau pour passer le step au-dessus. Par exemple, dans “Ça va” il y a une partie très Jersey, c’est une idée de Tiako et ça fonctionne super bien. Après c’est le même processus quand j’essaie de l’aider : des conseils pour s’améliorer au maximum, trouver le truc en plus.
Tu fais partie de ces artistes qui sont à mi-chemin entre rappeur et chanteur. Cette nouvelle génération qui est beaucoup dans la mélodie. Les princes de la mélo et on ne sait parfois pas trop vous situer entre rappeur ou chanteur. Toi tu te considères comment ?
Moi, je ne rappe pas. Tu as déjà entendu un morceau dans lequel je rappe ? Non, je ne suis que dans la mélo.
En termes de mélo, est-ce qu’il y a d’autres artistes qui te giflent à part Tiakola, peut-être ?
Je ne suis pas trop branché en France je ne te mens pas. Si je devais citer deux noms en ce moment, ce serait Asaké et Gunna. Un mélange US/Afro, globalement.
Comment ça se passe quand tu crées tes mélodies à toi ?
Je peux le faire chez moi, en studio… Je fais beaucoup de toplines avant les morceaux et c’est en ayant déjà les flows, ces toplines que j’arrive à écrire. Quand je ne suis pas au studio, j’enregistre tout sur mon application dictaphone. Regarde (il ouvre son application sur le téléphone et fait défiler des centaines d’enregistrements). Tout ce que tu vois là ce sont des idées de mélodies, de toplines. Dès que je pense à quelque chose, j’enregistre pour tout garder là. Après, j’aime beaucoup aussi trouver les mélodies en studio, en direct. Mais ces notes que tu vois là, ça peut-être quelque chose sur quoi m’appuyer. Je vais aller au studio et je vais retravailler, modifier une mélodie à laquelle j’avais pensé en écoutant la prod. Parfois, les prods sont faites directement en studio avec les compositeurs, d’autres fois on reçoit les instrus avant.
Quand j’entends ta musique, j’ai l’impression que ça vient assez naturellement pour toi. Il y a quand même des morceaux que tu re-travailles, que ce soit sur le texte ou la mélodie ? Par exemple, quel morceau t’a demandé le plus de modifications pour Melody ?
Je ne sais pas parce qu’au final je vais assez vite. Quand je rentre au studio pour faire un morceau, ma mentale c’est qu’il faut que je le finisse. Comme je te disais, c’est le travail, c’est le charbon, je ne peux pas ressortir sans rien. Des fois quand vraiment ça ne fonctionne pas, je vais quand même finir le titre plus tard mais je ne laisse pas les morceaux comme ça, sans les finir en tout cas. Sur l’album celui qui m’a demandé quelques retours, c’est peut-être… “Je sais pas”.
“Je sais pas”, c’est un pur morceau zouk. Et justement le zouk fait partie des nombreuses sonorités qu’il y a dans l’album. . On trouve aussi des sonorités, trap, afro, drill uk, un peu jersey même… Comment tu as choisi les prods, et surtout comment tu as bossé avec les beatmakers ?
Ça a pu arriver que je demande des modifications ou des arrangements, même pendant les sessions studio. Après, au niveau du choix des prods pour le deuxième album, les instrus tapent un peu plus et c’est ce que je voulais. C’est assez différent par rapport au premier, LMDB, qui était dans un autre mood, beaucoup plus calme. Il y a toujours ce côté rue qui est important sur le premier et le deuxième album, mais pour Memory j’avais envie d’aller sur ce genre de production là, qui “tape”, et puis de proposer quelque chose de nouveau, de ne pas refaire la même chose.
“Rappeur” aujourd’hui ça veut dire quoi ? Moi-même je ne sais pas, finalement. Un mec comme SDM, c’est un rappeur mais parfois il fait des morceaux de mélo et il est fort pour ça.
Je sais que tu as été en séminaire à Londres pour enregistrer cet album. Tu ne m’as pas trop parlé de Londres dans tes influences musicales, pourquoi tu as choisi d’aller travailler ton album là-bas ?
J’aime bien l’ambiance de cette ville. C’est un délire, une mentalité un peu froide et particulière que j’apprécie. Je ne sais pas pourquoi c’est une ville que j’aime beaucoup j’y retourne régulièrement.
Si je ne dis pas de bêtises c’est la première fois que tu as bossé avec des Londoniens pour cet album, est-ce qu’ils n’ont pas eux aussi permis cette variété dans les prods et d’aller vers ce côté plus bouncy, qui “tape” ?
Oui et je pense qu’ils m’ont permis d’aller sur d’autres terrains parce qu’ils sont venus avec leurs influences musicales, leurs couleurs à eux et ils sont plus excités qu’en France (rires). Forcément, ils ont eu cette influence sur mon album. Il y en a un en particulier avec qui j’ai bien aimé travailler, c’est BKAY. C’est lui qui a fait “Channel Bag”. D’ailleurs c’est pour ça qu’on a donné au morceau un nom en anglais.
Il y a un feat avec une artiste de là-bas, Highly, ton premier feat international. C’était comment de poser avec quelqu’un qui ne parle pas français ?
C’était naturel, ça c’est bien passé, c’était carré. On arrive à se comprendre vraiment sans soucis, c’est de la musique.
J’ai vu qu’elle était d’origine congolaise comme toi et même tous les feats du projet finalement. C’est full Congo ! On dirait que vous avez un don pour faire du son. Ça représente quoi pour toi la musique congolaise ?
J’en ai toujours écouté à la maison. Même seul, j’écoutais beaucoup de Fally [Ipupa]. En fait, c’est une musique que j’ai capté quand j’étais vraiment petit déjà. De manière générale, la musique au Congo, c’est trop important et je me souviens avoir eu des coups de cœur pour la musique de chez nous déjà tout petit et je pense que je ne suis pas le seul. La preuve on est beaucoup de Congolais dans la musique.
J’imagine aussi que tu as écouté beaucoup de rap au vu de ta musique qui est un peu à mi-chemin entre chant et hip-hop, parce que quand je t’écoutes j’ai l’impression d’entendre un rappeur archi fort en mélodie et ce que tu décris, ce que tu racontes, c’est le quotidien qu’on retrouve dans des morceaux de rap…
Je comprends. Moi je considère que je ne suis pas un rappeur mais en vrai, tu me mets au milieu des rappeurs je suis bien ! Parce qu’en réalité, “rappeur” aujourd’hui ça veut dire quoi ? Moi-même je ne sais pas, finalement. Un mec comme SDM, c’est un rappeur mais parfois il fait des morceaux de mélo et il est fort pour ça.
Comme c’est avec le rap que tu as voulu commencer dans un premier temps, est-ce qu’un jour on peut imaginer RSKO rapper sur un morceau, voire un projet entier ?
Peut-être qu’un jour tu me verras sur des flows plus méchants etc, mais pas aller sur quelque chose de trop dur, de trop “sale”, je le ferai à ma manière. Mais bon pour l’instant je suis bien avec ma mélodie. C’est sur les flows que je veux travailler, faire des sons kainris comme à ATL, comme les Gunna et les Lil Baby.
Tu te verrais aller bosser, enregistrer là-bas à Atlanta ?
De fou ! En France, il n’y en a pas beaucoup qui posent et qui pensent comme eux. Moi, j’aime beaucoup leur son à ATL, donc si je peux bosser avec eux, capter leur délire je serai chaud. ATL, c’est peut-être ça mon influence de mélo la plus importante avec le Congo. Oui c’est carrément ça.
C’est qui les gars que tu écoutes le plus là-bas à Atlanta ?
Un peu tout le monde hein ! Là récemment je me suis mis sur Rylo Rodriguez, je ne sais pas si tu connais. Il est trop fort, c’est grave mon délire.
Il y a un truc dont tu parles un peu plus sur Memory qu’avant c’est…
(Il coupe) Les filles ?
Oui, c’est ça. Pourquoi ?
Je ne sais pas ! Parce qu’en vrai je n’ai vraiment pas le temps pour voir des filles, je suis focus sur d’autres choses, notamment ma musique. Et puis j’ai remarqué que lorsque je fais des focus sur les femmes dans des morceaux, le public croit que je parle de moi. Mais ce que je raconte, ce n’est pas forcément ce que je vis moi. Il y a mon entourage aussi, mes proches et tout ce que je vois qui peut m’inspirer.
Ça veut dire que la meuf de “Je sais pas” elle n’existe pas ? C’est même pas celle d’un ami ?
Mais non (rires) !
À quoi peut-on s’attendre pour la suite ? Je sais que certains artistes sortent des projets qu’ils ont fini de travailler il y a déjà un moment je ne sais pas si c’est le cas pour Memory…
C’est carrément ça, ça fait un an que j’ai commencé Memory juste après LMDB.
Là, tu vas prendre une pause ?
Là, il va y avoir une tournée et puis, oui, un peu de vacances histoire de recharger les batteries, d’avoir des nouvelles choses à raconter.
Interview : Lucas Désirée
Photos : Alexandre Mouchet
DA/Graphisme : Noémi Bonzi