Blazers, costumes, chemises et jupes crayon rehaussés, la tendance officewear annonce un retour aux essentiels de notre dressing. Ce style emprunt aux vêtements traditionnels de bureau, se démarque par une élégance intemporelle et un goût certain pour le tailoring et les coupes structurées. Historiquement porté par des hommes, les femmes se sont réappropriées cette tendance, qui leur été autrefois interdite.
La pièce maîtresse : le tailleur masculin
Le tailleur est en premier lieu porté par les hommes. C’est Brummell, le père du Dandysme, qui introduit le port du costume à la cour royale d’Angleterre au 18e siècle. Très vite, cette influence stylistique se propage dans tout l’Occident et se loge dans le quartier londonien de Savile Row, considéré comme le temple du tailoring. Initialement destiné aux militaires ou pour une pratique sportive, son usage s’est développé pour finalement s’imposer dans le vestiaire du bureau. La palette chromatique est souvent neutre et se distingue par un camaïeu de noir, de gris et de crème.
Prada illustre à merveille cette nouvelle tendance, lors de son dernier défilé Homme Automne-Hiver 2024. Dans une ambiance « bureaucratique », Raf Simons et Miuccia Prada ont présenté une collection idéale pour l’employé de bureau : costumes-cravates, chemises blanches, trenchs, manteaux chesterfield, et souliers vernis. Le tout, dans un vestiaire épuré, aux lignes parfaites et couleurs monochromes. Chez Gucci, l’officewear se confirme dans une collection minimaliste et élégante imaginée par Sabato de Sarno : trenchs en cuir, costumes, pantalons droits et cravates sobres.
Le costume chez la femme, une affaire de liberté
Chez les femmes, le tailleur, avant d’être une pièce mode incontournable, c’est d’abord une histoire d’émancipation. Alors que la loi de 1800 interdisait le port de pantalon aux femmes françaises « toute femme désirant s’habiller en homme doit se présenter à la Préfecture de police pour en obtenir l’autorisation », le tailleur-jupe, s’inspirant des codes masculins, s’immisce dans les garde-robes féminines en 1870. L’Anglais John Redfern est l’un des premiers créateurs à imaginer des tailleurs pour femme, en réponse aux changements socioculturels de l’époque, dont l’urbanisation des villes et la normalisation de la pratique sportive.
Bien que le tailleur-jupe se soit démocratiser, le port du pantalon peine à entrer dans les mœurs. En 1910, Paul Poiret tentera d’offrir la liberté de mouvement aux femmes en présentant le premier pantalon, mais sans succès. Ce n’est que vers les années 30 que les femmes, notamment Coco Chanel, Katharine Hepburn ou Marlene Dietrich, commencent à porter quotidiennement ce vêtement interdit, souvent associé à une veste du même ton. Baptisé tailleur-pantalon, son émergence engendre polémique et controverses dans une société profondément conservatrice. Jusque dans les années 1950, les femmes qui en portaient pouvaient être arrêtées, au motif qu’elles se “prenaient pour des hommes”, ou se voir refuser l’entrée de certains restaurants. En 1966, la société finit par accepter le tailleur chez la femme, notamment grâce à Yves Saint Laurent qui participe à sa démocratisation avec ses looks androgynes et ses smokings, brisant ainsi les frontières des genres.
Devenu un symbole d’émancipation, le tailleur-pantalon, à l’instar du costume chez les hommes, retrouve ses lettres de noblesses dans la tendance officewear. Pour la saison automne-hiver 2023-2024, Boss a présenté un défilé s’inspirant de la mode au bureau. Dans un décor transformé en open space, Marco Falcioni présente des silhouettes sophistiquées, mêlant les éléments du vestiaire masculin et féminin. La tenue du bureau est réinventée et sublimée chez la femme, la traditionnelle cravate se décline en ruban de soie, le tailleur-jupe se dote de collant et paire d’escarpin coloré et la veste de costume classique se porte en version déstructurée.
Chez Saint Laurent, Anthony Vaccarello reprend l’héritage de la maison, et réinvente le tailleur-jupe dans une collection audacieuse. Transformées en femme fatale, les mannequins se parent de blazers oversizes à épaulettes, les chemises en soie sont rehaussées d’un nœud surdimensionné et le tartan s’invite sur des trenchs ultra-long.
Emprunté au dressing masculin avant de s’imposer dans le vestiaire féminin, délaissé avant d’être adoré, sous ses airs froids et formels, l’officewear se conjugue désormais au présent.
À lire aussi : Le sac Margaux de The Row est-il le prochain Birkin ?