Dans ce milieu plein de surprises qu’est le rap français, où les collaborations se font aussi rapidement que les clashs éclatent, une alliance inattendue a finalement émergé entre deux figures qu’autrefois, tout semblait vouloir séparer. Le 18 novembre 2023, sur la scène imposante et emblématique du Zénith de Paris, Koba LaD et Zola écrivent une nouvelle page de leur histoire. Ils entament un nouveau chapitre ensemble, mettant ainsi fin à des années de conflit.
Là, devant une marée de fans aux regards avides, ils annoncent un tournant majeur dans leurs carrières respectives. Un album commun qui symbolise bien plus qu’une simple collaboration musicale fructueuse. Les “Frères Ennemis” transcendent les rivalités passées et dévoilent un message fort ; celui de la réconciliation dans un microcosme artistique où la compétition règne en maître. Koba LaD et Zola se tiennent désormais côte à côte, non plus comme des adversaires, mais comme des alliés.
L’unité, la clé de la survie
Si on s’allie, on peut aller beaucoup plus loin.
Zola
Les zones d’ombres de leur passé conflictuel, les deux rappeurs préfèrent les laisser derrière eux, refusant de s’étaler sur des détails qui resteront secrets : “On dévie souvent la question. Je préfère me concentrer sur l’avenir, pas me tourner vers le passé.” explique Koba. À seulement 23 et 24 ans, les deux prodiges du rap français ont déjà gravé leurs noms dans l’histoire, accumulant à eux deux plusieurs dizaines de certifications. Notamment, dans leur palmarès, des disques de platine aussi brillants que les chaînes et les montres qu’ils arborent.
Derrière l’ostentation de leur réussite, réside une détermination profonde, animée par une volonté de transmettre un message inspirant aux plus jeunes. “On veut surtout motiver, tous ces bijoux qu’on montre à longueur de journée, c’est du flex, mais c’est surtout pour motiver les ti-peu dans le bon sens. Avec ce projet, on voulait leur dire qu’il faut être focus sur le bon, sur les trucs utiles”, précise Zola.
La conscience de la fragilité de l’existence agit comme un puissant catalyseur, les pousse à s’unir. Koba LaD et Zola trouvent dans l’urgence une raison d’enterrer la hache de guerre. “Le message qu’on veut faire passer, c’est que si on s’allie, on peut aller beaucoup plus loin que si on se tue”, clame Zola. “Avec les événements de l’an passé, j’ai compris que demain, je pouvais partir. Je préfère laisser de bonnes choses derrière moi. Si on peut faire de bons projets comme ça, autant les faire. La vie, ça va trop vite“.
Créer à deux
C’est en Espagne, plus précisément au cœur de l’atmosphère effervescente de Barcelone, que cet album prend forme. Deux semaines de création pure, “cool, pas intensives”, donnent naissance à un album qui leur ressemble en tous points. Le projet commun Frères ennemis, c’est quinze titres, chacun portant l’empreinte si distinctive de leurs voix qui s’élèvent au-dessus des prods de Kore, SHK, Naskid, ou encore Aurélien Mazin, entre autres, à la recherche de symbiose, plus que de compétition stérile et malsaine. “À chaque fois que j’ai fait un feat, je pensais plus à la beauté du son et à la fusion, qu’à une compétition. Je cherchais surtout à ce qu’on se complète. On n’était pas en battle”, explique Zola. “De base, on ne s’aimait pas. Donc j’essayais de pas aimer sa musique. Et dès la première séance studio j’étais surpris dans le bon.”
Logeant dans deux villas séparées durant ce séminaire d’une quinzaine de jours, ils se retrouvent chaque soir au studio, et fusionnent leurs énergies. “On n’écrit pas. On marche au ressenti d’abord, et grâce au ressenti, on écoute la prod, on se fait un film dans nos têtes, et c’est ça qui nous inspire. Et il y a un truc que je respecte à mort, c’est que Koba pose beaucoup en one shot. Alors que moi, je prends des pauses”, explique Zola. Entre eux, la magie opère instantanément. Une alchimie pas si surprenante, pour ces deux artistes aussi semblables que complémentaires.
Destinées entrelacées
On est de la même génération. Quoi que je fasse, j’étais toujours associé à lui. Que je le veuille ou non.
Koba LaD
On finit par s’habituer à la vie d’artiste. Zola se replonge dans ses débuts, non sans nostalgie : “Quand tu commences, tu découvres. Les concerts, les showcases… Quand t’y goûtes pour la première fois, c’est un truc de fou. Avant, même prendre un van pour aller à Lyon, c’était incroyable pour moi. On s’est trop habitués à tout ça”. Ce train de vie, Koba et Zola le mènent depuis 2017, une année charnière pour les deux évryens. L’année où tout commence. “On est de la même génération. C’était Zola et Koba, quoi que je fasse, j’étais toujours associé à lui. Que je le veuille ou non”, confie Koba. Zola, lui, évoque les débuts, non seulement les siens, mais aussi ceux de son complice, où “l’époque des locks courtes de Koba” et les sorties des freestyles 7Binks rythmaient les vies de centaines de milliers d’auditeurs de rap français. Une époque où l’innocence et l’insouciance étaient les seules devises acceptées. “Aujourd’hui, quand je me remate les clips de Koba, Ténébreux #1, et les freestyles, quand je nous revois à cette époque, je me dis que ça n’a plus rien à voir.”
Une évolution remarquable tant musicalement qu’esthétiquement. Les deux artistes liés par un destin indéniablement commun étendent leur créativité au-delà du rap. Cela se manifeste d’abord à travers des projets tels que le court-métrage Mieux revenir, annonçant le projet Diamant du bled de Zola en 2023, ou encore avec la participation de Koba LaD en 2021 dans la série 6play Or noir. Puis, bien sûr, dans la mode, où leur présence est remarquée et acclamée, allant d’apparitions lors de Fashion Weeks ou de défilés, comme Koba qui foule le podium de la marque Casablanca en 2022. Ou plus récemment, s’affichant aux côtés de figures importantes du luxe comme Simon Porte Jacquemus. Et malgré les critiques qui pourraient être adressées -à juste titre- à l’industrie de la mode pour son appropriation de la culture rap, Zola reste confiant dans l’authenticité de ceux qui gravitent autour de ce monde. “Jacquemus, c’est un mec simple, il a l’air sincère“.
Dans la jonction de leurs souvenirs communs et leurs aspirations, Koba LaD et Zola tracent leur chemin. La suite, c’est la scène, les festivals. “On commence par des festivals cet été, et peut-être que les gens pourront nous retrouver en concert. On a envie de défendre le projet en tout cas. On est en train d’en discuter.”
Article : Leïla Ghedaifi
Photographie : Moïse Luzolo
Assistant photo : Félix Devaux
Direction artistique : Iris Gonzales
Stylisme : Victoria Sylvester & Louis Battistelli
Production : Alice Poireau-Metge & Nicolas Pruvost
Maquillage et coiffure : Camille Coyere